Casus belli (2) : rendre le communisme désirable

Au temps d’harmonie (L’âge d’or n’est pas dans le passé, il est dans l’avenir) – Paul Signac

Partie I: sur l’austérité et sa constitutionnalisation

Le capitalisme, particulièrement dans sa version néolibérale et financiarisée, nous mène aux désastres. Économique, écologique, social, sanitaire, tout ou presque y passe. Il n’y a rien de gère surprenant à cela tant la portée totalisante de ce système économique rend logique le fait qu’il ait des effets globaux. Une fois que l’on a dit tout cela, la conséquence oblige – pour peu que l’on ne se complaise pas dans le rôle de prophète de mauvais augures – à pousser la réflexion plus loin pour imaginer par quel côté il s’agit de sortir du capitalisme. Ce n’est pas là une question anodine dans la mesure où il est totalement possible qu’un dépassement du capitalisme se produise sans que celui-ci ne soit bénéfique pour la majeure partie de la population. Dès lors, par quel mode parait-il préférable au plus grand nombre, comprendre à la masse de personnes que le capitalisme néolibéral broie voire détruit, de s’affranchir de ce modèle économique ?

Comme depuis près de deux siècles, le communisme est assurément la meilleure voie possible pour répondre à cet objectif. Communisme, le gros mot a été prononcé. Il convoque aussitôt l’imaginaire soviétique, le goulag, les pénuries et toute la cohorte d’images que se plaisent à colporter les capitalistes sur le sujet. Pour autant, les socialismes réels (de la Chine à l’URSS en passant par tout un tas de déclinaison) n’avaient pas grand-chose à voir avec le communisme, si peu qu’ils n’en ont jamais assumé le nom. On ne se relève certes pas facilement d’une telle falsification mais le temps est venu de sortir de ce grand mensonge. L’heure n’est plus aux demi-mesures mais bien à la radicalité.

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De l’importance d’être ambitieux

Autoportrait – Gustave Courbet

C’est en même temps, deux sujets qui occupent les médias en ce moment et notre quotidien depuis un long moment : la nuance et le compromis. Ces deux termes, qui sont rarement assumés, mais en même temps sont la base de l’argumentaire politique des sociaux-démocrates. Dans notre volonté de vouloir les contrer, de les combattre, mais surtout de remettre sur le devant de la scène politique des sujets qui comptent pour nous, ces termes questionnent. Quand eux mettent en avant leur nuance et de compromis, nous nous devons d’être ambitieux, utopiques pour espérer avoir les solutions les plus acceptables pour nous. Explication.

C’est Étienne Klein sur Brut avec une vidéo intitulée : l’importance de la nuance d’un côté, et Jean Birnbaum avec un livre appelé Le courage de la nuance et une tournée des médias qui ont remis cette notion sur le devant de la scène. Ces deux intellectuels, font de la nuance le cœur de leur propos, pour faire simple, ne pas tomber dans les extrêmes et ou la radicalité des positions (une chose encouragée par les réseaux sociaux selon eux, notamment) et nuancer le propos pour le garder le plus modéré possible est une chance et une preuve de courage. À première vue, on se dit que pourquoi pas, mais finalement, on se dit que vouloir être modéré, c’est obligatoirement être complaisant avec le pouvoir en place et les idées politiques hégémoniques. Comment vouloir amorcer un changement en étant modéré ? La réponse est simple : c’est impossible.

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Casus belli (1) : sur l’austérité et sa constitutionnalisation

Les Quatres cavaliers de l’Apocalypse – Viktor Vasnetsov

Il y a quelques jours, nous apprenions que le pouvoir avait fait le choix de l’austérité. Dans le programme de stabilité – un document très officiel – envoyé à la Commission Européenne, le gouvernement ne cache pas cette volonté de mettre en place une telle politique dans les six prochaines années. Il faut donc comprendre par là que la politique austéritaire est bien celle qui sera appliquée dans le cas où le bloc politique actuellement au pouvoir était reconduit en 2022. Le bloc politique, l’expression est importante.

Si ce programme de stabilité est envoyé au nom du gouvernement actuel, il n’y a guère de doute sur le fait qu’une victoire dans un an d’un candidat issu de cet espace politique quand bien même celui-ci ne serait pas Emmanuel Macron (et qu’une autre personne, au hasard Édouard Philippe, prenait sa place). Par-delà même le fait qu’une politique d’austérité au moment-même où le monde traverse une crise sanitaire qui a toutes les chances de muter en crise socio-économique bien plus grave que ne l’est la situation actuelle est gravissime, ce qui marque fortement dans le projet gouvernemental est assurément la volonté d’inscrire l’austérité dans la constitution. Nul besoin de barguigner pour appeler par son nom ce qui est en train de se produire sous nos yeux : une déclaration de guerre sociale.

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Éviter les limbes (sur l’abstraction dans nos luttes)

Ulysse et les Sirènes – John William Waterhouse

Cette semaine, comme chaque année, le magazine Forbes a publié le classement des plus grandes fortunes que compte le monde. En dépit de la crise sanitaire mondiale consécutive à la pandémie de Covid, les plus riches ont continué à accroitre leur capital – la France comptant même quatre nouveaux milliardaires. La publication de ce classement et l’étude de l’évolution de la richesse des personnes qui y figurent permet de mettre le doigt sur un phénomène habituellement plutôt abstrait, celui de la progression des inégalités et de l’expansion du domaine capitaliste.

Si la situation que connait la planète depuis bientôt un an et demi a assurément révélé (bien plus que provoqué ou accentué) l’état de grand dénuement dans lequel se retrouve une grande partie de la population, si le capitalisme semble aujourd’hui bien plus critiquable qu’hier il n’en demeure pas moins vrai que pour pénétrer les masses une telle critique – et son corollaire, les propositions d’alternative – ne peut faire l’économie d’une réflexion sur son abstraction. Aussi longtemps que les critiques du capitalisme demeureront dans des sphères trop abstraites, il demeurera probablement très difficile de faire totalement adhérer les classes qui y ont le plus d’intérêt à un changement de modèle économique puisque, comme l’a dit un lointain penseur, ce n’est qu’en s’emparant des masses qu’une idée devient une force.

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De l’hypocrisie (à propos de Sarkozy et de la prison)

Le dernier voyage du Téméraire – J.M.W. Turner

Il y a quelques jours, nous avons appris que Nicolas Sarkozy était condamné à trois ans de prison dont un ferme dans l’affaire dite « des écoutes » et qui, très prosaïquement, concerne des faits de corruption. Une information en chassant une autre, d’autant plus dans cette période particulière liée à la crise sanitaire, nous ne nous sommes pas attardés plus longtemps que cela sur ce verdict. Si Nicolas Sarkozy et ses coprévenus ont immédiatement fait appel, si l’ancien président s’est empressé d’aller dans des médias amis pour plaider sa cause et si la séquence politico-médiatique autour de cet évènement n’a guère duré longtemps, il n’en demeure pas moins vrai que ce verdict judiciaire et, plus encore, les réactions à ce dernier, nous en ont beaucoup appris sur l’hypocrisie qui suinte d’une large part des élites politiques, médiatiques et économiques dès lors qu’il s’agit de la question de la prison.

Il serait toutefois inexact de circonscrire les réactions auxquelles nous avons pu assister au simple cas de Nicolas Sarkozy. La mécanique qui s’est mise en route n’est assurément pas nouvelle tant des personnalités comme Patrick Balkany ou Carlos Ghosn – qui était invité sur un plateau télé le même jour que Nicolas Sarkozy dans une douce ironie – ont suscité ce genre de débats pour ne citer que les cas les plus récents. Pour autant, la situation de Nicolas Sarkozy est fortement symbolique à bien des égards : personnalité bien plus médiatique que les autres, ancien premier personnage de l’État, véritable bête médiatique disposant d’une aura encore certaine parmi beaucoup de sympathisants de droite, celui qui fut maire de Neuilly-sur-Seine suscite tout simplement beaucoup plus de réactions que n’importe quel autre homme politique dans le pays.

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La grande imposture (sur la romantisation de l’ascension sociale)

La grotte de Calypso – Jan Brueghel l’Ancien

Alors même que la situation d’une grande partie des étudiantes et étudiants est très préoccupante, le gouvernement préfère discuter avec des influenceurs. Cela en dit assurément très long sur la manière dont le pouvoir envisage la représentativité et s’acharne à rester dans une certaine zone de confort. Plus largement, cette séquence politico-médiatique nous démontre une nouvelle fois à quel point toute une partie de la population peut se retrouver invisibilisée dans un simulacre de représentation. Cette dynamique ne concerne bien évidemment pas seulement les étudiants, l’on pourrait dérouler à l’envi la liste des faux représentants mis en avant par l’ordre établi pour ne pas discuter avec les principales personnes concernées.

À ce petit jeu, un grand nombre des figures médiatiques prétendant représenter les personnes ayant connu une ascension sociale ne font pas exception. Encore une fois, il ne s’agit pas tant de s’attarder sur les personnes que de s’intéresser aux dynamiques profondes ainsi qu’aux structures qui sont bien plus assurément les éléments qui nous enseignent le plus de choses. Il n’en demeure pas moins vrai que la plupart des profils mis en avant participent à une forme de romantisation de l’ascension sociale (quand il ne s’agit pas purement et simplement de mensonges) qui, en soulignant des parcours particuliers, se vide de tout discours réellement critique et offensif à l’égard de l’ordre établi. Une imposture en somme, qu’il convient d’urgemment déconstruire pour mieux critiquer ledit ordre.

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Samuel Etienne doit-il débattre avec le Rassemblement National ?

Il a l’air vraiment sympa ce Samuel Etienne. Le sémillant présentateur d’une émission grand public sur France 3 est désormais streamer politique. Il a parfaitement réussi ce grand écart entre Questions pour un champion et Twitch, entre retraités et jeunesse.

Dernière trouvaille de l’idole des jeunes ? Inviter François Hollande pour un petit live Twitch à la cool dans la salle à manger. Les extraits tournent rapidement sur les réseaux numériques dans lesquels Samuel Etienne s’est fait une place de choix. Le ton est badin, l’ambiance détendue.

La poulie présidentielle de Manuel Valls et Emmanuel Macron peut tranquillement dérouler son nouveau style de punchlineur déjà entrevu dans une autre émission politique de haute volée animée par Yann Barthès, l’idole des jeunes des années 2010.

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Démocratie, autoritarisme et totalitarisme

Ulysse et les Sirènes – John William Waterhouse

En début de semaine, lors d’un déplacement à Stains, Emmanuel Macron a, au détour d’une phrase anodine, fait comprendre que le confinement pourrait durer encore quatre à six semaines. Répondant, en riant, à la question d’un jeune homme il a effectivement expliqué qu’il allait falloir « tenir encore un peu ». Cette nouvelle déclaration est venue confirmer la manière autoritaire dont est gérée la crise sanitaire depuis sa survenue. Loin de réellement consulter le Parlement, l’exécutif prend toutes ses décisions ou presque en conseil de défense, ce qui en dit assez long sur la pratique du pouvoir actuel.

Il serait toutefois erroné de circonscrire ces pratiques a-démocratiques – comprendre des pratiques qui ne s’embarrassent pas de consultation – à la gestion de la crise sanitaire. S’il est certain que la situation que nous vivons depuis un peu moins d’un an a renforcé certaines dynamiques qui lui préexistait, je suis personnellement bien plus enclin à voir dans ce qu’il s’est produit ces derniers mois une forme de révélation à grande échelle du caractère bâtard du système institutionnel dans lequel nous vivons et la confirmation que la France est bel et bien le pays le moins démocratique parmi ce que l’on appelle les « démocraties libérales ». The Economist – pas franchement connu pour être un organe gauchiste – ne s’y trompe d’ailleurs pas en plaçant notre pays dans la liste des démocraties dites défaillantes. Dès lors, l’articulation entre les notions de démocratie, d’autoritarisme voire de totalitarisme semble être un enjeu majeur pour la compréhension du régime politique dans lequel nous vivons.

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La gauche, le Front Républicain et la posture Macronienne

Dimanche de lecture dans une école rurale, 1895 – Nikolaï Bogdanov-Belski

Dans la torpeur d’un samedi sous couvre-feu dans la plus grande partie de la France et sous confinement ailleurs, Libé sort une enquête sur ces électeurs de gauche qui ne sont plus prêts à faire barrage en 2022. Branle-bas de combat dans l’intelligentsia Macronienne, qui a fait de la lutte contre le FN sa posture et du front républicain la seule façon d’être au pouvoir et d’y rester. Cependant, dans un pays qui n’est pas gouverné par des fascistes mais où un parti fondé par des anciens SS fait régulièrement 30%, que sous-entend le front républicain? Et pourquoi on ne demande cette posture essentiellement à la Gauche, autant en amont d’un scrutin ? Tentative de réponse.

Toute la Macronie, certains Ze sur Twitter, quelques personnalités de droite, tous y sont allés de leur petite pique, même de leur attaque envers le journal Libé et concernant cette enquête sur les gens qui ne croient plus dans le barrage républicain pour faire reculer le RN en France. Même Nathalie Loiseau, qui a été sur une liste du GUD à 19 ans a jeté son regard dédaigneux sur cette une et cette enquête. Encore une fois, la honte ne les étouffe pas, mais ça dit beaucoup sur eux, et autant sur la Gauche.

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La grande défaite (à propos de l’islamogauchisme et de la gauche)

Une rue de Paris en mai 1871 – Maximilien Luce

Depuis quelques jours, le débat autour de l’islamogauchisme tourne à plein régime. Mis en avant au coeur d’une séquence clairement rance – débat de Gérald Darmanin avec Marine Le Pen, adoption du projet de loi prétendant renforcer les principes républicains, etc. – par Frédérique Vidal, il est vu par un certain nombre d’analystes, y compris à gauche, comme un moyen de faire diversion. L’on nous explique que c’est là l’occasion, pour le gouvernement, de faire oublier la situation de détresse des étudiants en même temps qu’un moyen pour que les médias parlent d’autre chose que de la gestion catastrophique de l’épidémie de Covid-19. 

A cet égard, il faut bien reconnaitre que le gouvernement a atteint son objectif (si tant est qu’il était bien celui-ci) dans la mesure où le débat public s’est focalisé sur le sujet depuis les sorties répétées de la ministre de l’Enseignement supérieur si bien que France Info a commandé un sondage à son propos – l’occasion de rappeler que les sondages servent bien moins à prendre la température de l’opinion comme on l’entend souvent qu’à l’influencer. Toutefois, n’y voir qu’un moyen de diversion est assurément un moyen de passer à côté d’une froide réalité, celle du positionnement de plus en plus ouvertement raciste du pouvoir en place. Cette séquence politique illustre une nouvelle fois à merveille comment la gauche est condamnée à la défaite culturelle si elle se contente de réagir. 

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