Le ralliement de Bayrou à Macron ou le triomphe de l’absurde

Mercredi dernier, François Bayrou a finalement annoncé qu’il proposait une alliance à Emmanuel Macron. Ce dernier l’a immédiatement accepté. Le président du Modem avait, des mois durant, orchestré un suspens visant à créer l’attente autour de lui. Sa décision de rejoindre le fondateur d’En Marche a d’ailleurs largement surpris les analystes et le reste de la classe politique tant il était tenu pour sûr que le maire de Pau serait candidat à la fonction suprême pour la quatrième fois – d’aucuns voyaient même en lui un vainqueur en puissance tant les incertitudes sont grandes dans cette campagne.

Son ralliement à Emmanuel Macron marque un nouveau tournant dans cette campagne présidentielle – assurément pas le dernier au vu des multiples coups de tonnerre que nous avons déjà connus. Cette « alliance » renforce incontestablement l’ancien ministre de l’Economie de François Hollande. Pas tant d’un point de vue arithmétique mais bien plus sur le plan de la consistance de sa candidature. Emmanuel Macron manquait de colonne vertébrale, François Bayrou lui propose de lui apporter son expérience ainsi que l’a analysé de manière très pertinente Hubert Huertas sur Mediapart. Ce mariage entre la carpe et le lapin – François Bayrou avait vertement critiqué Emmanuel Macron en le traitant notamment d’hologramme des puissances d’argent – symbolise, selon moi, à merveille le triomphe de l’absurde dans notre système politique. Lire la suite

Manifeste pour une abstention participative

Dans la campagne présidentielle qui est lancée depuis des mois, la seule chose qui semble sure, c’est que rien ne l’est. Déflagration à droite après l’affaire Pénélope, ralliement de Bayrou et de toute une ribambelle d’éditorialistes de premier ordre à Macron, compétition à gauche entre Mélenchon et Hamon, voilà de quoi pourrait profiter Marine Le Pen pour accéder au pouvoir le 7 mai prochain. Dans cet amas de ruines fumantes constituées par les partis politiques traditionnels, le danger est grand, nous dit-on, que l’extrême-droite arrive au pouvoir dans quelques semaines. Je crois, personnellement, que non seulement la victoire de Marine Le Pen est possible mais qu’elle devient chaque jour un peu plus probable en regard du marasme politique dans lequel notre pays est plongé depuis des décennies.

Face à ce constat, l’élection se jouerait dès le premier tour nous disent en chœur analystes et journalistes. De Fillon à Mélenchon, il n’y aurait qu’une place pour quatre, place qui selon les dires de beaucoup assurera la victoire à celui opposé à Marine Le Pen. En somme, de telles analyses nous expliquent que 20% des suffrages exprimés au premier tour permettront de devenir le futur président de la République. Je crois au contraire que la défaite de Marine Le Pen au deuxième tour est loin d’être assurée et ce, peu importe face à qui elle se retrouvera en cas de qualification. En cas de victoire du Front National en mai prochain, il y a fort à parier que la faute sera imputée aux abstentionnistes. C’est pourquoi je publie préventivement ce papier pour battre en brèche tous les arguments fallacieux qui seront certainement répétés en boucle. Lire la suite

L’échec de Valls, préfigurateur de celui de Macron ?

Il y a une semaine, Manuel Valls échouait de manière franche face à Benoît Hamon au deuxième tour de la primaire socialiste. En n’obtenant qu’à peine un peu plus de 40% des suffrages exprimés, l’ancien Premier ministre a subi un lourd revers. Lui qui pensait être le candidat naturel du Parti Socialiste après avoir poussé François Hollande à la renonciation se retrouve donc à l’écart de la vie politique – au moins le temps de la campagne présidentielle. Depuis sa défaite, nombreux sont ceux à avoir tenté d’analyser le pourquoi et le comment d’un tel revers. Si nos éditorialistes préférés ont rapidement classé l’affaire en nous expliquant que les électeurs de la primaire étaient des utopistes, il me semble que l’échec de Valls découle de causes plus profondes.

Certes, le positionnement néolibéral économiquement et autoritaire sur les questions de société a certainement joué dans la défaite de Manuel Valls mais résumer son échec au simple fait qu’il n’ait pas fait une campagne pour les primaires mais bien plus pour le premier tour de l’élection présidentielle ne me paraît pas convaincant. Depuis la tempête qui frappe François Fillon – que plusieurs députés de Les Républicains appellent à abandonner – le nouveau favori est Emmanuel Macron. Pourtant, le fondateur d’En Marche est sur le même créneau que Manuel Valls et il ne me semble pas aberrant de voir dans l’échec de l’ancien Premier ministre un présage pour celui qui fut son ministre de l’Economie. Lire la suite

Pour Hamon, Mélenchon et la gauche, le plus dur commence

Dimanche soir, Benoît Hamon a sèchement battu Manuel Valls au second tour de la primaire socialiste. En obtenant près de 60% des suffrages, l’éphémère ministre de l’Education a renvoyé l’ancien Premier ministre à ses études. Ne nous en cachons pas et ne boudons pas notre plaisir, la large défaite de Manuel Valls est une excellente nouvelle dans le paysage politique français. Toutefois, et pour paraphraser Churchill, cette victoire de Hamon – et donc cette éviction de Manuel Valls – ne constitue pas la fin. Ce n’est même pas le début de la fin. Tout juste est-ce peut-être même simplement la fin du début. Je suis plus enclin à croire que tout a commencé hier soir aux alentours de 20h45 lorsque M. Clay a annoncé les résultats.

La grande clarification que beaucoup de personnes appelaient de leur vœu entre le social libéralisme – désormais clairement représenté par Macron – et ce que l’on a appelé les frondeurs tout au long de ce quinquennat va sans doute enfin avoir lieu. Hier soir, Benoît Hamon s’est d’ailleurs tourné vers Jean-Luc Mélenchon et Yannick Jadot pour leur tendre la main et leur proposer une « alliance gouvernementale » qui, à ce jour, paraît bien utopique. Il ne s’agit bien sûr pas d’oublier les atermoiements de Hamon au cours du quinquennat mais il me semble bien qu’une fenêtre de tir vient de s’ouvrir notamment au vu du marasme à droite. Comme le dit si bien François Ruffin dans une interview à Regards, personne à gauche n’est assez fort tout seul. Alors peut-être est-il temps d’entamer une véritable démarche de convergence. Lire la suite

Emmanuel Macron, symbole le plus éclatant de l’idéologie gestionnaire

Mardi, le candidat d’En Marche a expliqué qu’il ferait des propositions en matière d’économie avant la mi-mars et la publication de son projet. Macron a repoussé à de nombreuses reprises la publication d’un programme – en se contentant de publier un livre notamment. Il n’a eu de cesse de répéter de grands principes un peu flous depuis son entrée en campagne si bien que certains de ses meetings se vident avant même la fin de ses discours puisqu’il se contente de répéter les mêmes choses à longueur de discours. Après avoir parlé de vision pour la France en lieu et place de programme, le voilà qui désormais nous promet qu’il présentera avant l’élection présidentielle un « contrat avec la nation » et non pas des mesures claires.

Contrat, arrêtons-nous sur ce terme. Il me semble en effet que les mots ont un sens et qu’à force de l’oublier nous avons vu se diffuser une forme de non-pensée très orwellienne dans notre société. Emmanuel Macron ne présentera pas un programme mais donc un « contrat » un peu comme s’il s’agissait de passer un entretien d’embauche pour devenir PDG de l’entreprise France. Ce terme – qui est une nouvelle pirouette et un coup de communication – en dit très long à mes yeux sur ce le symbole que représente Macron. Il est en effet le symbole de cette idéologie gestionnaire que Vincent de Gauléjac a mis en évidence dans La Société malade de la gestion. Lire la suite

Chez Fillon, l’austérité c’est les autres

Avant-hier, François Fillon devait lancer sa campagne en fanfare. Le discours de La Villette devait être une véritable démonstration de force. Ce meeting devait être son Bourget, sa Porte de Versailles, sa rampe de lancement vers l’Elysée. Le propos du candidat de Les Républicains faisait d’ailleurs écho au fameux discours du Bourget de François Hollande. « Mon ennemi c’est la bureaucratie » a tonné l’homme de Sablé-sur-Sarthe comme pour mieux rappeler le « mon adversaire c’est la finance » de Hollande. L’adversaire de Fillon n’est assurément pas la finance ni les puissants mais bien plus les « assistés » comme il n’a eu de cesse de les fustiger dans son discours.

Pendant plus d’une heure François Fillon a déroulé ses antiennes et ses mantras en les maquillant de quelques propos sur le social pour expliquer qu’il ne promettait ni du sang ni des larmes. Oui mais voilà personne ou presque n’aura rien retenu du fond de ses propos – au demeurant assez indigestes – parce que le candidat de la droite est désormais cerné par les affaires. L’étau se resserre sur celui que le peuple de droite a largement désigné il y a quelques semaines pour le représenter : l’affaire du possible emploi fictif de sa femme, les rémunérations de la même Pénélope par La Revue des Deux mondes (dont le propriétaire dirige également Fitch, la seule agence de notation qui n’a pas dégradé la note de la France sous Fillon) mais aussi la caisse noire du Sénat, le candidat de la droite semble bien mal en point et sa campagne risque d’en pâtir lourdement. Lire la suite

La bataille des villes (1/4): entre déprime et espoir

Notre démocratie est malade. Gravement malade. On ne compte plus les symptômes qui attestent de cette maladie qui ronge notre système politique et qui, un jour, livrera peut-être le pays à des troubles bien profonds. De l’abstention galopante à l’impuissance (feinte ou réelle) des élus à faire face aux maux qui frappent notre société en passant par la désertion des partis politiques, nombreux sont les indicateurs qui viennent souligner la profonde crise démocratique que traverse notre pays. 2017 sera une année importante en termes électoraux puisqu’elle verra se tenir la présidentielle puis les législatives. Un nombre conséquent de candidats nous promettent une révolution s’ils sont élus. Si pour certains cela peut paraître relativement crédible (Mélenchon par exemple) pour d’autres, en revanche, la révolution promise a de grandes chances de n’être qu’un tour sur soi pour revenir au point de départ ou, pire, accentuer la crise déjà présente. Lorsque François Fillon affirme qu’il veut gouverner par ordonnances, il ne fait que s’inscrire dans la lignée de la Vème République qui veut que le président-monarque dispose de tous les pouvoirs ou presque. Il est assez dramatique de voir à quel point le monde politicien semble être sourd aux appels de la population à une meilleure démocratie et il est assez navrant – pour ne pas dire plus – de voir les acteurs de ce monde verrouiller un système dont beaucoup de Français ne veulent plus.

Face à ce constat ahurissant que convient-il de dire ou de faire ? Revenir à la définition première du mot crise me semble être un préalable pertinent. Etymologiquement, le terme crise signifiait deux choses à la fois : en latin il renvoie à une « manifestation grave d’une maladie » tandis qu’en grec il se rapporte au choix. En ce sens, il est pleinement pertinent de parler aujourd’hui de crise démocratique dans la mesure où notre démocratie souffre d’une maladie qui me semble grave tant la défiance monte telle une marée et que nous nous retrouvons à la croisée des chemins, au moment d’un choix décisif pour notre avenir. « La crise, écrivait Antonio Gramsci, c’est quand le vieux se meurt et que le jeune hésite à naître ». En d’autres termes, la crise est ce moment de transition entre le crépuscule d’un monde et l’aube d’un autre. Nous voilà jetés dans un tel moment. Quoi de plus logique pour aller dans le sens d’une démocratie plus proche des citoyens que de passer par l’échelon des villes ? L’Espagne en a fait l’expérience et, bien que des limites certaines se fassent sentir, il y a des réussites tangibles et concrètes. Il ne s’agit évidemment pas de copier bêtement ce qui a pu se faire en Espagne mais plutôt de s’inspirer de cela tout en adaptant la logique aux spécificités françaises – un jacobinisme exacerbé notamment. A l’heure où l’équivalent du sorpaso – comprendre le dépassement de la social-démocratie par une gauche radicale au sens premier du terme – a de très fortes chances de se produire dans quelques mois, je crois qu’une fenêtre de tir historique s’est ouverte afin de réinventer le municipalisme français pour mieux faire évoluer notre système exténué et à bout de souffle. Et si finalement la date la plus importante n’était pas 2017 mais 2020 ? C’est la modeste ambition de ce dossier que d’exposer le pourquoi et le comment d’une telle conviction. Lire la suite

Le mythe de l’union des gauches

Au cours des semaines précédentes, avant le renoncement de François Hollande, Libération avait ressorti les violons pour nous rejouer l’air de l’union de toutes les gauches. De Macron à Mélenchon en passant par Hollande et Valls, le journal fondé par Jean-Paul Sartre, dressait un réquisitoire contre tous ces responsables de gauche qui n’en font qu’à leur tête et qui sabotent le rassemblement vital à gauche si l’on en croit le quotidien. L’ensemble des articles reprenait une même antienne et un même appel : celui qui enjoignait l’ensemble des personnes citées plus haut à participer à ce qui est pompeusement appelée la « primaire de gauche ». Rappelons, en effet, que ce que Libé appelle primaire de gauche est en réalité la primaire du seul Parti Socialiste, qui est d’ailleurs en train de se transformer en congrès mortuaire. François Rebsamen a d’ailleurs renouvelé l’appel hier au micro de RMC.

Lundi dernier, l’ex-Premier ministre et désormais « candidat à la présidence de la République » selon ses propres mots, s’est lancé depuis la mairie d’Evry son fief électoral, la ville même où il demandait, il y a quelques années, qu’on mette plus de « white, de blancos » pour lui en donner une bonne image. Le slogan de Manuel Valls est d’ailleurs assez risible quand on se rappelle de ses méthodes et de son parcours. « Faire gagner ce qui nous rassemble ». Il est toujours risible de voir les termes rassembler ou rassemblement accolés au nom de Valls tant celui-ci demeure le diviseur en chef, l’homme de la fracture forcenée. La décision de Hollande « oblige » la gauche à se rassembler selon lui. Pourtant, il me paraît plus qu’évident que LA gauche n’existe plus, cela fait un moment qu’elle a péri. Il est bien plus pertinent de parler des gauches aujourd’hui et, n’en déplaise à Valls, leur union relève bien plus du mythe que de toute autre chose. Lire la suite

Après le renoncement ?

« Aussi, j’ai décidé de ne pas être candidat à l’élection présidentielle ». En une phrase et treize petits mots, François Hollande a envoyé valser toutes les certitudes et prévisions pour la campagne présidentielle qui s’annonce. Alors évidemment, depuis l’annonce de jeudi dernier nombreux sont ceux qui tentent de nous expliquer que c’est totalement logique et qu’une telle décision était attendue (nous avons vu le même phénomène poindre au moment du Brexit ou lors de l’élection de Trump). La vérité, c’est qu’en cette soirée de décembre aux alentours de 20h10 nous avons vécu un moment d’histoire en direct. C’est en effet la première fois qu’un Président de la Vème République en fonction abdique, renonce à briguer un second mandat. Les plus grincheux diront que Pompidou avait déjà créé un précédent mais c’est la mort qui l’en avait empêché.

Je ne suis pas de ceux qui pensent que la décision de François Hollande est courageuse. Alors qu’il cristallise le rejet des Français, sa décision n’est pas courageuse, elle est lucide. Ce n’est pas pour autant une raison de minimiser la portée historique d’une telle attitude de la part du Président en exercice. Il me semble, en effet, que nous avons vécu l’un de ces moments qui marquent une rupture dans l’Histoire (ici politique) d’une nation. Pour reprendre le titre d’une chronique de Hubert Huertas sur Mediapart, ce n’est pas rien un président qui ne s’accroche pas. La décision du Président Hollande a sans doute été solitaire. Fidèle à sa réputation il n’a fait part de son choix qu’à quelques personnes avant de l’annoncer aux Français. Pourtant, il me semble que les enseignements et les conséquences de sa décision dépassent largement la simple personne de François Hollande. Alors que vivra-t-on après le renoncement ? Peut-être la décomposition. Lire la suite

L’Histoire, victime des manœuvres politiciennes

Dimanche dernier, les électeurs de droite et du centre ont donc désigné le candidat qui sera le représentant de Les Républicains à la présidentielle de 2017. François Fillon intronisé, c’est aussi la fin d’une campagne interne à la droite qui aura tourné autour de sujets relativement peu variés. Durant plus de deux mois, cette primaire a polarisé l’attention si bien que les thèmes récurrents qui l’ont jalonnés ont marqué ces quelques mois de la vie politique française. Parmi les sujets abordés à de nombreuses reprises, l’Histoire a eu un rôle tout particulier en cela que dans une forme d’immanence elle s’immisçait dans la quasi-totalité des débats de manière directe ou indirecte.

Bien sûr la fameuse question du récit national – nous y reviendrons plus tard – si chère à François Fillon a eu une place importante mais il me semble que la question de l’Histoire s’est retrouvée à de nombreuses reprises dans les débats sans forcément qu’on le perçoive, de prime abord. Que ça soit sur l’histoire très récente ou sur l’histoire bien plus ancienne, il me semble que l’ensemble de la sphère politique utilise ladite histoire et finit finalement par la dévoyer. Embarquée dans ces sombres manœuvres politiciennes de bas étage, l’Histoire ne parvient plus à se défendre et doit compter sur l’appui de l’éducation populaire pour se sortir des limbes de l’ignorance ou du cynisme dans laquelle la jette nos irresponsables responsables politiques (à ce titre, le travail de déconstruction de ces inepties entrepris par Mathilde Larrère et Laurence Decock sur Twitter et sur Mediapart dans leurs chroniques Les Détricoteuses me semble être salvateur). Lire la suite