Le mythe de l’union des gauches

Au cours des semaines précédentes, avant le renoncement de François Hollande, Libération avait ressorti les violons pour nous rejouer l’air de l’union de toutes les gauches. De Macron à Mélenchon en passant par Hollande et Valls, le journal fondé par Jean-Paul Sartre, dressait un réquisitoire contre tous ces responsables de gauche qui n’en font qu’à leur tête et qui sabotent le rassemblement vital à gauche si l’on en croit le quotidien. L’ensemble des articles reprenait une même antienne et un même appel : celui qui enjoignait l’ensemble des personnes citées plus haut à participer à ce qui est pompeusement appelée la « primaire de gauche ». Rappelons, en effet, que ce que Libé appelle primaire de gauche est en réalité la primaire du seul Parti Socialiste, qui est d’ailleurs en train de se transformer en congrès mortuaire. François Rebsamen a d’ailleurs renouvelé l’appel hier au micro de RMC.

Lundi dernier, l’ex-Premier ministre et désormais « candidat à la présidence de la République » selon ses propres mots, s’est lancé depuis la mairie d’Evry son fief électoral, la ville même où il demandait, il y a quelques années, qu’on mette plus de « white, de blancos » pour lui en donner une bonne image. Le slogan de Manuel Valls est d’ailleurs assez risible quand on se rappelle de ses méthodes et de son parcours. « Faire gagner ce qui nous rassemble ». Il est toujours risible de voir les termes rassembler ou rassemblement accolés au nom de Valls tant celui-ci demeure le diviseur en chef, l’homme de la fracture forcenée. La décision de Hollande « oblige » la gauche à se rassembler selon lui. Pourtant, il me paraît plus qu’évident que LA gauche n’existe plus, cela fait un moment qu’elle a péri. Il est bien plus pertinent de parler des gauches aujourd’hui et, n’en déplaise à Valls, leur union relève bien plus du mythe que de toute autre chose.

 

A gauche, la défaite de la pensée

 

Que Libération puis Manuel Valls se lance dans une ode au rassemblement « le plus large possible » qui embrasserait à la fois Macron et Mélenchon en dit long sur l’état de délabrement intellectuel dans lequel a sombré le Parti Socialiste et ses satellites. Après le mythe du vote utile qui ne fonctionne plus et risque de ne plus jamais fonctionner, voilà le PS qui tente un dernier coup de prestidigitateur pour tenter de sortir de l’agonie mortifère dans lequel il se retrouve plongé. C’est bel et bien l’histoire d’une déroute intellectuelle que l’Histoire risque fort de retenir de ce quinquennat qui s’achève dans une atmosphère crépusculaire. Alors que les dirigeants du PS avaient argué une conjoncture défavorable pour justifier leurs multiples reniements et trahisons par le passé, cette fois-ci François Hollande et Manuel Valls ont assumé pleinement leur néolibéralisme et leur crachat à la figure de ceux qui les avaient portés au pouvoir.

Non contents d’avoir humiliés les plus faibles, de s’être alliés à la finance – leur supposé adversaire – pour taper sur les ouvriers et les travailleurs, voilà les caciques du PS, Manuel Valls en tête, qui nous expliquent qu’unie la gauche peut l’emporter en 2017. Il faut reconnaître à Jean-Luc Mélenchon sa constance et sa pertinence dans son refus d’aller concourir dans la primaire du PS. Vouloir réunir le néolibéralisme forcené de Macron, la ligne libéral-sécuritaire de Valls et celle de Mélenchon est une aberration intellectuelle en même temps qu’une escroquerie politique de grande ampleur. Macron et Valls auraient bien plus leur place du côté de Les Républicains que dans une primaire à laquelle participerait Jean-Luc Mélenchon. La pensée a totalement disparu dans les hautes sphères du PS pour laisser place à une forme de cynisme crétin qui voudrait que l’on puisse réunir le charcutier et l’animal, le bûcheron et l’arbre, la gauche et la droite dans un seul et même élan pour mieux duper les électeurs.

 

Le diviseur en chef qui se voulait rassembleur

 

Au cours de son discours de candidature, Manuel Valls a eu de nombreuses phrases qui feraient sourire si elles n’étaient pas si tragiques. La plus emblématique d’entre elles est sans doute celle qu’il a eu sur les discours qui divisent. « J’en ai assez de ces discours qui nous divisent » a affirmé avec aplomb le désormais candidat. Tout au fil de son intervention il n’a cessé de prôner l’unité et le rassemblement en se fondant sur des valeurs bien ancrées à gauche. Défense du dialogue social, exaltation de la démocratie, discours de défense envers les minorités, les oubliés, les humiliés ou autant de marqueurs qu’il a voulu placer au cœur de son discours. En somme Manuel Valls a fait un discours de parfait opposant à la politique qu’il mène depuis qu’il est à Matignon et à ce qu’il défend depuis son entrée en politique.En écoutant le discours du nouveau candidat j’ai hésité entre la débilité profonde et la morgue la plus extrême.

Quelle personne sensée peut-elle croire à ces flagorneries de Valls ? Nous n’avons pas oublié que l’homme qui se présente comme le rassembleur est celui qui a théorisé « les gauches irréconciliables ». Nous n’oublions pas non plus que le nouveau héraut de la démocratie sociale est celui qui a imposé une loi travail par le 49-3. Nous n’oublierons pas enfin, mais la liste n’est pas exhaustive, que celui qui dit en avoir assez des discours qui stigmatisent «  les réfugiés fuyant la guerre » est le même que celui qui est allé  fustiger la politique d’accueil d’une chancelière conservatrice à Munich. Il y a quelque chose de proprement incroyable à voir cet homme être aussi indécent et plonger dans une incurie aussi profonde. Ci et là nous entendons certains expliquer que Manuel Valls est le Brutus des temps modernes. C’est lui faire bien trop d’honneur. Il a certes tué Hollande comme Brutus avait tué César. Toutefois, Brutus était devenu empereur quand Valls n’est que le roi de la tartufferie et de l’hypocrisie. Si Valls est le Brutus des temps modernes alors Brutus est devenu bien minable. Valls l’agent de la division qui se présente en homme du rassemblement rappelle furieusement les Charlie qui s’opposaient aux spectacles de Dieudonné. Ça tombe bien, le matamore d’Evry était en première ligne de ce combat là également.

 

Nous l’avons bien compris, il n’est ni pertinent ni honnête intellectuellement de parler d’union des gauches pour la simple et bonne raison que la gauche représentée par Messieurs Valls et Macron est de droite. La deuxième gauche est en réalité bien plus une deuxième droite et les quelques années qui nous séparent de 2012 nous l’ont démontré avec force et vigueur. Manuel Valls, le pompier pyromane, aura beau se débattre tant qu’il le souhaite, il n’arrivera pas à nous faire oublier qui il est. J’attends avec impatience le moment où Cambadélis nous demandera de retenir nos coups contre Valls pour ne pas faire le jeu du FN. Comme si Valls n’avait pas fait le jeu du FN, mené la politique du FN, singé les thèmes du FN depuis qu’il est à Matignon. Nous n’oublierons pas que celui qui se présente aujourd’hui comme le rassembleur des gauches considère que la question identitaire supplante la question économique et sociale. Nous sommes en train de vivre un moment d’histoire, la lente agonie et la mort quasi certaine du Parti socialiste, plus vieux mouvement politique français. Cela ouvre la voie à une recomposition de grande ampleur à la gauche de l’échiquier politique. Ne ratons pas cette chance, l’exigence est chaque jour plus pressante. Cessons de sacrifier l’essentiel à l’urgence et occupons-nous de l’urgence de l’essentiel.

Un commentaire sur “Le mythe de l’union des gauches

  1. Effectivement, M Valls se dit de gauche parcequ’il pense que sans cet habit là il n’a aucune chance de gagner, mais c’est bien la preuve qu’on peut être 1er ministre et n’avoir rien dans le caillou.
    De plus, il prend le peuple pour un imbécile et donc il n’a rien compris car avec de nouveaux habits il n’a AUCUNE chance d’être élu, ni aux primaires sauf s’il y a triche !) ni nulle part.

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