Dimanche soir, Benoît Hamon a sèchement battu Manuel Valls au second tour de la primaire socialiste. En obtenant près de 60% des suffrages, l’éphémère ministre de l’Education a renvoyé l’ancien Premier ministre à ses études. Ne nous en cachons pas et ne boudons pas notre plaisir, la large défaite de Manuel Valls est une excellente nouvelle dans le paysage politique français. Toutefois, et pour paraphraser Churchill, cette victoire de Hamon – et donc cette éviction de Manuel Valls – ne constitue pas la fin. Ce n’est même pas le début de la fin. Tout juste est-ce peut-être même simplement la fin du début. Je suis plus enclin à croire que tout a commencé hier soir aux alentours de 20h45 lorsque M. Clay a annoncé les résultats.
La grande clarification que beaucoup de personnes appelaient de leur vœu entre le social libéralisme – désormais clairement représenté par Macron – et ce que l’on a appelé les frondeurs tout au long de ce quinquennat va sans doute enfin avoir lieu. Hier soir, Benoît Hamon s’est d’ailleurs tourné vers Jean-Luc Mélenchon et Yannick Jadot pour leur tendre la main et leur proposer une « alliance gouvernementale » qui, à ce jour, paraît bien utopique. Il ne s’agit bien sûr pas d’oublier les atermoiements de Hamon au cours du quinquennat mais il me semble bien qu’une fenêtre de tir vient de s’ouvrir notamment au vu du marasme à droite. Comme le dit si bien François Ruffin dans une interview à Regards, personne à gauche n’est assez fort tout seul. Alors peut-être est-il temps d’entamer une véritable démarche de convergence.
Laisser les egos de côté
Avant même l’appel lancé par Hamon à une large alliance à gauche, Mélenchon lui avait préventivement répondu dans sa dernière revue de la semaine en expliquant que comme Hamon avait dit qu’il y aurait forcément un bulletin Hamon en avril il y aurait aussi un bulletin Mélenchon à l’élection. Au-delà des questions politiques lourdes qu’induit une telle démarche, il est difficile de ne pas voir dans ces deux positions une forme de bataille des egos. Laissons-donc ces mesquineries de côté pour parler de politique et uniquement de cela. Si une telle convergence devait se mettre en place, Hamon devra s’émanciper du PS et Mélenchon accepter quelques compromis. Les trois candidats (en incluant Jadot) ont certes des divergences mais tous trois appellent à une réforme des institutions et à une démocratie plus participative. Pourquoi, dans ce cas, ne pas laisser les sympathisants trancher ces divergences ?
La question que tout le monde a à la bouche aujourd’hui c’est de savoir – dans l’optique d’une hypothétique union – lequel de Mélenchon ou de Hamon se désistera pour l’autre. C’est précisément là que le débat perd tout son sens puisqu’au lieu de parler des idées et de programme nous voilà revenus à une démarche de casting. Et si une réelle convergence devait avoir lieu, pourquoi ne pourrait-elle pas se faire derrière la candidature d’une tierce personne ? Les désaccords à lever sont, il ne s’agit pas de le nier, nombreux mais les points de rapprochements et de convergences existent bel et bien. N’est-il pas temps de prendre au pied de la lettre la phrase de François Ruffin tout en n’abandonnant rien sur le terrain des principes ?
La gauche de retour dans la bataille culturelle
Au cours de la campagne pour la primaire socialiste, Hamon a souvent été raillé par certains partisans de Mélenchon l’accusant d’avoir recopié des pans entiers du programme. Le candidat de la France Insoumise, toujours dans sa dernière revue de la semaine, a très pertinemment expliqué qu’au contraire cela était très bien. Que Benoît Hamon ait parlé d’écosocialisme ou de débat profond sur le monde du travail de demain contribue en effet à replacer au cœur des débats une vision profondément ancrée à gauche. Alors que depuis des décennies c’est bel et bien la droite la plus totale qui appliquait avec méthode les recommandations de Gramsci en saturant le débat public de ses thèmes et ses antiennes (à commencer par celui de l’identité), la gauche semble avoir amorcé une reconquête depuis quelques mois.
Ainsi que le souligne Geoffroy de Lagasnerie dans son excellente interview au Gros Journal, la gauche est historiquement l’apporteuse d’idées dans notre pays et ne doit pas se complaire dans une forme de réaction. C’est pourtant ce qui s’est déroulé durant de trop nombreuses années (les dernières années) au cours desquelles c’est la droite extrême et l’extrême-droite qui fixaient l’agenda électoral et surtout les thèmes centraux du débat public. Aujourd’hui nous voyons émerger un arc réellement progressiste et profondément de gauche qui défend une nouvelle vision de la société en n’ayant pas peur de s’assumer. C’est d’ailleurs, à mon sens, cette dynamique qui a porté Hamon vers l’investiture et pas simplement le puissant sentiment de rejet provoqué par celui qui se rêvait en Clémenceau des temps modernes. La bataille culturelle n’est pas un concept archaïque qu’il faudrait ranger dans un tiroir mais bel et bien la réalité de notre société – et du monde en général – qui tend aujourd’hui à une repolarisation des convictions politiques comme l’ont montré les différentes élections qui ont eu lieu en 2016.
La victoire de Hamon dimanche ouvre donc une forme de nouvelle ère. Sans oublier le lourd passif du candidat socialiste, il me semble que nous pouvons peut-être œuvrer aujourd’hui à un grand rassemblement à condition bien sûr que Benoît Hamon se détache complètement de l’astre mort que constitue le PS. La route sera longue, la pente raide et les embûches nombreuses mais personne ne peut gagner seul aujourd’hui. Tout le monde ou presque s’accorde à dire que les programmes de Hamon et de Mélenchon, s’ils ne sont pas identiques, sont tout de même très proches. Alors que nous sommes à l’orée d’une campagne qui s’annonce comme extraordinaire au sens premier du terme, tâchons de ne pas nous retrouver le 22 avril au soir avec le plus fort total des suffrages qui seraient divisés entre deux candidats aux programmes proches. Et cela, sans compter sur la force d’entraînement que pourrait avoir une véritable convergence pour ceux qui, comme moi, n’iront voter ni pour l’un ni pour l’autre si celle-ci n’a pas lieu.
Intéressant tout ça !
Je suis un peu dans la même position que toi. A l’instant T, je compte pas voter. Je me sens pas représenté par un Hamon dont le passif et le parti m’incite bien trop à la prudence ni par un Mélenchon qui semble un peu trop individualiste et qui a tendance à s’esquiver quand une question le gêne (cf le temps qu’il a mit à prendre position sur l’UE par exemple. Au début c’est « nous somme la France, l’Allemagne écoutera, c’est tout » puis c’est « entre la souveraineté des français et l’Allemagne, je choisis la souveraineté » et ça a mit un peu de temps).
Une alliance pourrait laisser penser que Hamon est prêt à se détacher du PS et que Mélenchon est pas si individualiste qu’il en a l’air comme tu dis. Mais voilà, la guerre des égos possible que tu évoques pourrait en dire long. Surtout pour Mélenchon. Lui qui prétend vouloir une VIe république, mettre la clé sous la porte et opérer un changement de régime. Même si ça ne se fera pas en un jour, tant d’intérêt pour une campagne aussi individualiste que les autres laisse pensif. Ca rejoint un peu ton papier sur les têtes d’affiches espagnoles d’ailleurs. On a besoin, à mon sens, d’un projet collectif et pas d’un meneur. Plusieurs meneurs pourquoi pas, car après tout l’égalité parfaite dans la mise en place d’un projet collectif relève de l’utopie à mon avis.
Passer outre les urnes, je n’y crois pas non plus. La situation est grave en France, mais je pense pas que les gens soient encore dos au mur et n’ait plus rien à perdre, sans oublier les mentalités, sans vouloir trop généraliser non plus. Et pourtant voter aujourd’hui semble mener à l’impasse selon les convictions que l’on a. Gros dilemme.
Tout ça m’inspire encore bien trop de doutes.
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On est totalement en phase. Wait and see comme on dit, ca devrait se décanter assez vite
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