Loi travail et masques fracassés

Mercredi, dans l’indifférence presque générale, Manuel Valls a de nouveau utilisé l’article 49 alinéa 3 de notre constitution pour faire adopter la loi Travail. Voilà donc l’épilogue – politicien tout du moins – d’une bataille engagée en mai et dans lequel l’exécutif a laissé plus que des plumes, généré plus que des rancœurs et provoqué des violences, symboliques et physiques, de part et d’autre. Comme lors de la deuxième lecture du texte à l’Assemblée nationale aucune motion de censure n’a été dégainée pour tenter de contrer le texte – et de faire tomber Manuel Valls et son gouvernement. En réalité, lors de cette troisième lecture la menace d’une motion de censure n’a jamais pesé sur le Premier ministre et son gouvernement.

Les débats au sein de l’hémicycle – ou les simulacres de débats plutôt – à propos de la loi El Khomri auront finalement suivi une évolution linéaire dans la baisse de la contestation, feinte ou réelle, à ce projet de loi gouvernemental. En première lecture la droite avait déposé une motion de censure et l’aile gauche du PS alliée aux communistes et écologistes avait tenté d’en déposer une, manquant opportunément le coche à deux signatures près. Même cirque lors de la deuxième lecture du côté de l’aile gauche de l’Assemblée et aucune motion de censure déposée par la droite. Et hier, aucune tentative de déposer une motion de censure même du côté gauche de l’hémicycle alors même que les opposants au texte ont publié une tribune signée par 58 députés, soit le chiffre fatidique. Dans ce théâtre, les Tartuffe ont perdu leurs masques hier. Et nous ne nous en plaindrons pas. Lire la suite

Hollande et Valls, poissons pilotes de la droite

Hier sous les coups de 15h30 nous apprenions que les frondeurs n’étaient pas parvenus à déposer une motion de censure « de gauche » pour s’opposer à l’usage du 49-3 effectué par Manuel Valls mardi. Si, comme le disait Marx, l’Histoire se répète toujours passant de la comédie à la tragédie, il semblerait qu’en France le disque soit rayé. Après le simulacre de mai dernier – au cours duquel les frondeurs ne voulaient pas voter la motion de censure « de droite » sans parvenir à déposer leur propre motion de censure – nous avons eu droit à une répétition de ce cirque grandeur nature : Manuel Valls a de nouveau recouru au 49-3 et les frondeurs n’ont à nouveau pas pu déposer leur motion de censure faute de députés suffisants.

Pour l’exécutif, en revanche, il semblerait bel et bien que la phrase de Marx s’applique puisque le comique de mai a laissé place au tragique de juillet. La surprise est en effet venu des rangs de la droite qui, par la voix de Christian Jacob, a annoncé dès mardi qu’elle ne déposerait pas de motion de censure à la suite du 49-3 dégainé par le Premier ministre. Le leader des députés Les Républicains a expliqué que son parti ne souhaitait plus participer à cette « mascarade » et avait décidé de laisser Manuel Valls « se débrouiller avec son champ de ruines ». Les masques sont donc tombés peu à peu, si tant est qu’il le fallait encore, mardi puis mercredi et les acteurs hypocrites se trouvent désormais à découvert, de part et d’autre de l’hémicycle.

Postures et impostures  

Pour bien saisir le jeu de dupes auquel se sont livrés le gouvernement (Manuel Valls en particulier), les frondeurs et l’opposition de droite il faut remonter le fil des débats sur cette fameuse Loi Travail. Dès le 10 mai, le Président de la République autorise le Premier ministre à recourir au 49-3 par crainte de ne pas avoir de majorité sur le texte soumis à l’Assemblée. S’enclenche dès lors la première partie de poker menteur entre le gouvernement, les frondeurs et Les Républicains. Motion de censure déposée à droite, tentative de motion de censure des frondeurs alliés aux écologistes et aux communistes et refus de voter la motion déposée par la droite, voilà ce qui a rythmé la première utilisation du 49-3 à propos de la Loi El Khomri.

Dans ce jeu de billard à plusieurs bandes, la sincérité n’a jamais été de mise. Entre un Premier ministre qui n’a eu de cesse de cultiver son image autoritaire durant toute la séquence politique, une opposition qui a déposé une motion de censure en priant de tous ses vœux pour qu’elle ne soit pas votée et des frondeurs qui ont feint de jouer les rebelles en sachant dès le départ que leur motion de censure n’avait aucune chance d’être déposée, personne n’a joué franc jeu et tout ce beau monde, pour des raisons purement politiciennes, a joué au théâtre avec l’argent public, comme d’habitude en somme. Une fois les postures mises à jour, il est assez aisé de comprendre le degré d’imposture de ces guignols au sens premier du terme. Finalement, les jeux du cirque ne sont pas si loin.

L’autoroute sans péage de la droite

Dernier exemple de cette stratégie de la posture, la position de Manuel Valls vis-à-vis de l’amendement proposé par Olivier Faure sur le verrouillage du taux de majoration des heures supplémentaires. Alors que les frondeurs avaient annoncé qu’ils voteraient la loi – qui serait restée mauvaise malgré cet amendement selon moi – si ledit amendement était adopté, le Premier ministre, se rêvant sans doute en Clémenceau du XXIème siècle, a rejeté d’un revers de main la proposition de compromis, expliquant qu’il s’agissait même d’une compromission. En agissant de la sorte, le pompier pyromane qui loge à Matignon espérait sans doute définitivement séparer les deux gauches « irréconciliables » selon l’expression qu’il utilise depuis un moment désormais. Malheureusement pour lui, et pour François Hollande, il n’avait sans doute pas anticipé la réaction de Les Républicains qui, pour une fois, ont plutôt joué finement le coup.

Voilà la droite qui doit remercier chaudement le Président et le Premier ministre puisqu’ils viennent non seulement de lui ouvrir un boulevard électoral en même temps qu’une autoroute sur le débat d’idées. En choisissant de laisser Valls se débrouiller avec son « champ de ruines », la droite fait le pari d’une implosion du PS avant même l’élection présidentielle de 2017. En déposant une motion de censure, il y aurait pu avoir un risque de renversement de ce gouvernement et donc un risque de crise politique majeure. En se mettant en retrait, la droite fait le choix de s’occuper de sa primaire et de laisser le PS face à lui-même dans une crise interne violente, une sorte de guerre ouverte. Le pari fait par la droite est que la primaire du PS aboutisse à une guerre de tranchées et pourquoi pas à une nuit des longs couteaux. Outre ce boulevard électoral c’est avant tout sur le champ des idées que l’exécutif a ouvert un boulevard à la droite. A entendre le gouvernement répéter que la droite revenue au pouvoir serait bien plus libérale on oublierait presque que si les candidats à la primaire proposent cela c’est avant tout parce que ce gouvernement dit de gauche leur a ouvert la voie et a pris des mesures libérales dont rêvaient les membres de Les Républicains sans oser le faire.

Finalement, nous le voyons bien, le débat sur la loi travail va sans doute laisser des traces à droite comme à gauche au vu des postures et des impostures induites par ledit débat. Dans ce cirque qu’est devenu l’Assemblée nationale, les masques sont tombés par dizaines voire par centaines au vu et au su de tout un chacun. Dans cette mascarade qui a eu lieu, pour reprendre les termes de Christian Jacob, en incluant bien évidemment la droite, il est peu probable que quiconque en sorte grandi. En regard des pitreries effectuées jour après jour par ceux qui sont censés nous représenter, il y a fort à parier qu’au soir du 22 avril 2017, l’abstention atteindra des sommets jamais atteints.

De quoi la Réforme est-elle le nom ?

Voilà désormais plus de deux mois que la contestation contre la loi Travail, ou loi El Khomri comme vous préférez, a commencé. Loin de l’avoir brisé, l’usage du 49-3 a, semble-t-il, donné une forme de regain au mouvement social – ce qui ne manque pas de provoquer l’ire et la panique de l’exécutif et du gouvernement à quelques jours du début de l’Euro 2016. Depuis le début de la contestation, le pouvoir en place, Manuel Valls en tête, n’a eu de cesse de se lever contre les conservatismes de toutes parts qui seraient en train de faire échec au réformisme nécessaire. La une du Point de la semaine dernière ne dit pas autre chose en titrant sur les sources du « mal français », comprenez les syndicats et la gauche archaïque.

La loi travail doit se faire, coûte que coute au nom de la Réforme à entendre le Président sur Europe 1 ou le Premier ministre dans ses multiples prises de paroles. Il faut libérer la France des archaïsmes et donc la réformer pour la faire entrer dans la modernité si l’on s’en tient aux propos de nos dirigeants. Si le recours au terme de Réforme pour justifier des mesures visant à casser notre modèle social est ancien, il me semble que la tendance soit en train d’atteindre son climax puisque, dans la bouche de Manuel Valls, cette Réforme est impérieuse pour lui qui affirme qu’il existe désormais « deux gauches irréconciliables » ce qui sous-entend que l’une de ces gauches serait dans la Réforme tandis que l’autre serait dans l’archaïsme. Lire la suite

Où est le terrorisme social ?

Dans sa chronique publiée le 1er juin et intitulée Ne cédons pas à la CGT, saperlotte !, Franz-Olivier Giesbert ne s’embarrasse pas de formulations retorses pour faire un lien entre la CGT et Daech : « La France est soumise aujourd’hui à deux menaces qui, pour être différentes, n’en mettent pas moins en péril son intégrité : Daech et la CGT ». Il s’empresse tout de suite d’ajouter que si « ces deux organisations minoritaires  ne sont pas de même nature », elles peuvent avoir recours « aux mêmes armes sur le plan tactique. L’intimidation, notamment » pour enfin affirmer avec aplomb qu’un pays « qui cède à l’intimidation est un pays qui ne se respecte pas ». Sur cette dernière phrase, je suis en phase avec lui mais encore faut-il se demander d’où vient l’intimidation.

La tribune de l’ancien directeur du Point vient s’ajouter à une multitude de déclarations toute plus délirantes les unes que les autres. De Pierre Gattaz qui parle de « voyous et terroristes » pour définir la CGT – il a, certes, fait un mea culpa sur le deuxième terme – à Manuel Valls qui dénonce une « radicalisation » de la CGT et la « prise d’otage du pays » en passant par Jean-Michel Apathie qui se demande si la « prochaine étape » sera la guerre civile, les rapprochements entre les blocages et les effroyables actes terroristes qui ont frappé notre pays durant la douloureuse année 2015 sont légion dans les médias et dans la bouche de nos responsables politiques si bien qu’il devient urgent d’analyser les causes et les buts de ce vocabulaire belliqueux. Lire la suite

Manuel Valls, pompier pyromane

Si l’on s’en tient aux propos des éditorialistes ou des membres du gouvernement, les Français sont pris otages par de dangereux bolchéviques, cette CGT qui est en voie de « radicalisation » selon les propos de Manuel Valls. Certains, Jean-Michel Apathie en tête, vont même plus loin et se complaisent à jouer les Cassandre en annonçant une future guerre civile. Voilà donc Manuel Valls qui s’excite encore plus que d’habitude, qui gesticule et qui vocifère pour expliquer qu’il ne reculera devant aucune intimidation, s’empressant de condamner la supposée violence qui aurait lieu dans les raffineries. Aujourd’hui est un jour de mobilisation nationale et notre Premier ministre a déjà dit que cela ne changerait rien et qu’il demeurerait inflexible.

Ainsi, Manuel Valls importe sa position belliqueuse et son discours guerrier à la confrontation sociale. Lui qui disait faire la guerre à Daech est en train de jouer une mélodie rance au sein même de notre pays en cherchant par tous les moyens à trouver des ennemis de l’intérieur : après les casseurs voici venu le temps des bloqueurs. Lui qui admire Georges Clémenceau a, semble-t-il, fait sienne la devise du Tigre au moment de la guerre : « Politique extérieure je fais la guerre ! Politique intérieure je fais la guerre ! Partout je fais la guerre ! ». Ne reculant devant aucune vilénie, le Premier ministre affirme pourtant qu’il veut apaiser et réconcilier le pays avec lui-même. Pourtant, depuis 2012, à Beauvau comme à Matignon, il n’a eu de cesse de jeter de l’huile sur des feux incandescents. Drôle de conception de l’apaisement que celui que défend violemment Manuel Valls.
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Pour une République sociale (1/4): le constat d’un échec patent

Sans surprise, la motion de censure déposée par la droite et le centre n’a pas fait tomber le gouvernement de Manuel Valls. La loi travail est donc adoptée en première lecture et commence sa navette parlementaire vers le Sénat. Nulle surprise dans ce résultat puisque les soi-disant frondeurs ont fait preuve d’une lâcheté qu’on leur connaissait déjà. Ils ont évidemment beau jeu de venir expliquer la bouche en cœur qu’ils ne voulaient pas voter avec la droite tandis que la droite explique l’inverse. Aussi voit-on clairement apparaitre que personne ne souhaitait réellement la chute de ce gouvernement et que dans ce bal des Tartuffe qui a eu lieu la semaine dernière à l’Assemblée, les cocus dans l’histoire restent les électeurs de François Hollande et des députés socialistes qui avaient tous été élus sur un programme radicalement différent que ce que met en place cette loi. J’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer sur l’utilisation du 49-3 et d’affirmer qu’il constituait pour moi un hideux chant du cygne de toute la classe politique française et l’apocalypse, la révélation, s’il le fallait d’un système politique complètement à bout de souffle. Que s’agit-il de faire désormais ? De continuer à contester cette loi ? Sans doute. De se borner à la seule contestation ? Certainement pas. Comme l’a noté très intelligemment Yves-Charles Grandjeat dans L’Autorité en question, paru en 2005, se contenter de contester l’autorité revient paradoxalement à la renforcer.

En ne nous définissant que par rapport à elle, nous ne faisons finalement que légitimer un cadre tacite, celui de sa domination. Si nous voulons que l’ébullition que connaît le pays débouche sur autre chose que sur un énième revers – plus cuisant que les précédents car l’exaspération et l’espoir d’un changement sont aujourd’hui plus grands – il nous faut nous concentrer sur la construction d’une alternative. A quoi cela revient-il ? A refuser le cadre imposé depuis tant d’année. Non nous ne voulons plus nous contenter de contester, de critiquer, de revendiquer. Nous voulons au contraire construire en dehors de leur cadre afin de changer profondément et durablement les choses. Alors oui, ce projet est ambitieux et ne peut prendre forme que sur le temps long. Il nous faudra nous réconcilier avec la logique de long terme et avec la complexité. « A force de sacrifier l’essentiel à l’urgence, nous avons oublié l’urgence de l’essentiel » disait Edgar Morin. Voilà cette urgence qui nous rattrape et qui nous somme de composer avec elle, de l’intégrer dans nos schémas de pensée et d’en faire notre plus grand appui pour passer de cette République qui n’a plus de République que le nom à une République sociale digne de ce nom qui se préoccupe de l’humain plutôt que des statistiques, qui assure la liberté et l’égalité en les faisant marcher ensemble plutôt qu’en les opposant et qui prend en compte la question de l’environnement avant celle des profits. Lire la suite

49-3, l’hideux chant du cygne

A quoi reconnaît-on le crépuscule d’un système à bout de souffle ? Précisément au fait qu’il précipite lui-même sa chute dans une forme de fuite en avant complètement irrationnelle et absurde au sens camusien du terme. « L’absurde, écrit le Prix Nobel de littérature dans Le Mythe de Sisyphe, naît de cette confrontation entre l’appel humain et le silence déraisonnable du monde ». Le 49-3 a donc, sans surprise, été dégainé par l’exécutif, ce même exécutif qui a affirmé le 14 avril dernier qu’il était favorable à la démocratie participative. Le moment que nous vivons est profondément absurde entre un appel toujours plus fort et une surdité toujours plus poussée du gouvernement qui a ajouté hier, par l’intermédiaire de son Premier ministre, le mépris au reniement et à la félonie.

« Je renforcerai les pouvoirs du Parlement » affirmait François Hollande dans ces soixante engagements. Quatre années après son élection, le voilà qui le méprise et utilise un outil constitutionnel certes, mais un outil qui nie le débat et le processus parlementaires et surtout un outil que le Président comme le Premier ministre n’avaient pas manqué de fustiger alors qu’ils étaient dans l’opposition. Ci et là nous entendons que l’usage de l’article 49 alinéa 3 de la Constitution est un passage en force du gouvernement. Je suis bien plus enclin à y voir un aveu de faiblesse. En revanche, si le recours à ce procédé est un hideux chant du cygne, il ne l’est pas simplement pour un pouvoir contesté par la rue et mis en minorité par son camp. Ce crépuscule, me semble-t-il, touche l’ensemble de la classe politique et de notre système complètement exténué.

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Hollande, la grogne sociale et la stratégie du pourrissement

Le 29 avril dernier, un policier a reçu un pavé sur la tête et a perdu connaissance en marge de la manifestation anti-loi travail à Paris. Dans le même temps, un étudiant rennais perdait un œil après un tir tendu de flashball. Parallèlement, le mouvement Nuit Debout sur la place de la République a été le théâtre de violents affrontements entre casseurs et forces de l’ordre. Depuis le 9 mars dernier, et le début de la contestation sociale contre la loi El Khomri, la tension n’a cessé de grimper entre manifestants et forces de l’ordre. Le ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, assisté du porte-parole du gouvernement, s’est empressé de fustiger des violences intolérables.

Malheureusement pour eux – et pour notre cher président et notre cher Premier ministre au passage – plusieurs syndicats de police, dont Alliance peu connu pour sa bienveillance à l’égard des mouvements sociaux, sont montés au créneau pour mettre le ministre de l’Intérieur et l’Etat face à leurs responsabilités. Ces syndicats ont déploré une stratégie du pourrissement qui met à la fois en danger les manifestants et les gardiens de la paix. Le symbole de cette stratégie ignoble s’est d’ailleurs produit le 1er mai lorsque la police a eu ordre de laisser les casseurs se rendre de Nation à République pour mieux discréditer Nuit Debout. En regard de cette politique de la terre brûlée, il nous faut tous – forces de l’ordre et citoyens lambda – nous lever et nous insurger face à ce pouvoir qui se prend pour Néron.

Faudra-t-il un mort ?

Policiers, CRS et manifestants ont fait les frais de cette politique indigne d’un Etat de droit. « La violence est à la fois inévitable et injustifiable. Je crois qu’il faut lui garder son caractère exceptionnel et la resserrer dans les limites qu’on peut » disait Albert Camus. C’est un euphémisme de dire que le pouvoir en place ne la resserre pas dans des limites. Après la violence sémantique du débat sur la déchéance de nationalité, après la violence symbolique de la loi travail, le voilà qui manie la violence physique pour discréditer des manifestations et un mouvement social dans le plus grand mépris de la sécurité des manifestants et des forces de l’ordre. Ces dernières sont, de nombreux articles l’ont mis en évidence, exténuées par un surmenage difficilement justifiable. Depuis le 7 janvier 2015 et a fortiori depuis le 13 novembre dernier et l’état d’urgence, les forces de l’ordre sont sur le pont sans avoir pu se reposer. Dans ce contexte, certaines bavures deviennent malheureusement compréhensibles bien qu’injustifiables.

Oui des casseurs sont présents dans les manifestations – comme tout le temps malheureusement – mais les consignes reçues par les policiers et les CRS conduisent à augmenter les tensions déjà présentes. Quand une manifestation est coupée en trois, quand des manifestants sont bloqués sur un pont et quand les gardiens de la paix ont ordre de ne pas intervenir face aux casseurs pour les laisser se rendre sur la place de la République comment peut-on encore nier que l’on joue le jeu d’un pourrissement de la situation dans l’espoir de rallier le maximum de personnes à sa position ? Lorsqu’un policier ou un CRS commet un impair, c’est l’Etat lui-même qui commet une injustice, ce qu’il semble oublier. « La fin justifie les moyens ? Cela est possible. Mais qui justifie la fin ? À cette question, que la pensée historique laisse pendante, la révolte répond : les moyens » écrivait Camus. Il serait grand temps pour nos dirigeants de s’en rappeler.

Le quinquennat du petit p

Le 14 juillet 2004, lors de la traditionnelle interview, Jacques Chirac évoque par deux fois la « politique avec un petit p » pour rabaisser Nicolas Sarkozy. Si le tacle à l’égard du dirigeant des Républicains ne m’intéresse guère, l’expression employée par le président d’alors est, elle, très intéressante pour tenter d’esquisser une analyse du quinquennat de François Hollande. « Présider la République, c’est rassembler, c’est réconcilier, c’est unir, sans jamais rien perdre de la direction à suivre. C’est écarter la stigmatisation, la division, la suspicion, les oppositions entre Français » disait le candidat Hollande au Bourget. Le voilà pourtant – désormais président – bien prompt à semer la division au sein des Français et dans son propre camp avec un objectif électoraliste à peine masqué et une stratégie de triangulation déjà évoquée par le passé.

Il y eut la séquence surréaliste sur la déchéance de nationalité, moment au cours duquel la France a débattu pendant près de quatre mois sur l’opportunité de créer des apatrides ou de rompre le pacte républicain. La tambouille électorale alors tenté par François Hollande semblait être un paroxystique. Afin de prendre de vitesse la droite, voire l’extrême-droite, le Président n’a pas hésité à tenter de jouer avec la Constitution, texte suprême de notre pays. A ce moment-là déjà, la « politique avec un petit p » était bien présente. Mais que dire face à la situation que nous vivons actuellement ? Le pouvoir en place est prêt à mettre des vies en danger pour laisser pourrir une situation et sortir vainqueur. Il mérite décidément pleinement la comparaison avec Néron. Ce matin, l’adoption de la loi Travail via le 49-3 a pris un peu plus d’épaisseur, confirmant par la même occasion que ce quinquennat restera marqué par cette politique avec un petit p.

Contesté par la rue, mis en minorité dans son propre camp, incapable d’élargir sa base électorale – objectif avoué de sa politique – le pouvoir se retrouve lourdement affaibli. Loin d’accepter cet état de fait, le voilà qui se lance dans une fuite en avant aussi grotesque que dangereuse. François Hollande avait fait l’éloge de la démocratie participative le 14 avril dernier sur France 2 et le voilà qui fait un doigt d’honneur à sa majorité et aux Français, bien aidé par Manuel Valls dans cette logique. Face à cette hydre qui ne semble prête à reculer devant absolument rien, tentons d’appliquer les mots de Camus lors de son discours de réception du Prix Nobel : « Quelles que soient nos infirmités personnelles, la noblesse de notre métier s’enracinera toujours dans deux engagements difficiles à maintenir : le refus de mentir sur ce que l’on sait et la résistance à l’oppression ».

Les manifs, et après ?

Mercredi, près de 350 000 personnes, principalement des jeunes, ont manifesté en France contre le projet de réforme du code du travail – nous avons eu droit à la sempiternelle bataille de chiffres, 250 000 selon les autorités, 400 à 500 000 selon les organisateurs. Etant opposé à cette réforme, je devrais sans doute me réjouir de cette mobilisation, que d’aucuns ont tout de suite comparé à la mobilisation contre le CPE mais nous y reviendrons plus tard. Et pourtant, c’est une profonde tristesse que j’ai ressenti en regardant ces hommes et ces femmes, jeunes et moins jeunes manifester avec aplomb et sincérité contre une réforme qui est une régression sociale.

Si j’ai été triste c’est parce qu’il soufflait comme un air de Lampedusa dans les manifestations, pas cette ile italienne non, plutôt l’auteur du Guépard et de la terrible phrase « Il faut que tout change pour que rien ne change ». Sans rentrer dans la question de la manipulation ou pas qui supposerait que les manifestants seraient tous des idiots, il faut tout de même se poser la question de l’instrumentalisation. En voyant ces différents cortèges, je n’ai pu m’empêcher de repenser à la phrase de Camus dans L’Homme révolté qui dit que « tout le malheur des Hommes vient de l’espérance ». Face à ces foules marchant sous la pluie, bravant le froid pour une lutte légitime et que je partage, j’avais le cœur serré et la gorge nouée parce que penser que de simples manifestations changeront profondément les choses est illusoire. Réveillons-nous, il est plus que temps ! Lire la suite

Réforme du code du travail: le tocsin est sonné !

Hier, dans l’après-midi, le gouvernement a sonné la charge pour défendre son projet de loi controversé sur le code du travail. En créant un compte sur Twitter, il s’est, en effet, mis en position de lutte. Après la déflagration de la tribune signée par Martine Aubry dans Le Monde, Manuel Valls et François Hollande ont donc répliqué sur plusieurs fronts : le Premier ministre a répondu de manière véhémente dans le même journal et le gouvernement a donc lancé ce grotesque compte twitter. Les réactions n’ont pas tardé à apparaitre sur le réseau social à l’oiseau entre moqueries et colère.

Dans l’Histoire de notre pays, le tocsin était sonné pour prévenir la population d’un danger important – le plus souvent un incendie – mais aussi pour rassembler la population en cas d’urgence. Les deux pyromanes à la tête du pays n’en sont pas à leur premier départ d’incendie – prolongation de l’état d’urgence, déchéance de nationalité, tournant libéral – mais celui-ci pourrait bien se retourner contre eux, voire mettre le feu entre eux si l’on en croit les différentes sources indiquant un climat glacial de quasi-cohabitation entre le président de la République et son Premier ministre. Lire la suite