OM : Supporters, seulement fautifs ou complices ?

Grève à Saint Ouen – Paul Louis Delance

Samedi alors que le ciel est menaçant sur Marseille, la rumeur qui commençait à prendre de l’importance, au point que l’Equipe en parle, devient réalité. Un groupe, difficilement identifiable, de plusieurs centaines de personnes se retrouve sur le chemin sinueux qui mène à la Commanderie. La manifestation pour protester contre la politique de JHE et de McCourt est la suite logique d’une campagne d’affichage de banderoles hostiles aux deux dirigeants dans la ville. Cette fois, l’idée est de montrer physiquement le mécontentement. Depuis, les médias dominants ont fait leur choix, Jacques Henri Eyraud est monté sur ses ergots et ne fait qu’attiser le mécontentement. Retour sur une situation qui ne pouvait pas finir bien.

Le mécontentement n’est pas nouveau du côté de Marseille, les supporters et plus largement les groupes ultras ou non qui animent le Vélodrome et se déplacent un peu partout en France et en Europe pour pousser leur équipe en ont marre de la gestion et de l’attitude JHE. À l’image des Bukaneros, le président de l’OM comme celui du Rayo est grimé en Mickey Mouse. Le torchon brûle à Marseille, mais les tensions sont fortes ailleurs. Nantes ou encore Bordeaux récemment, les supporters ne sont plus aussi réceptifs qu’avant au discours de père Noël des propriétaires de club ou de leur marionnette. Les supporters marseillais ont décidé de passer à l’action. Quitte à mourir, autant le faire dignement.

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De la violence dans les mouvements sociaux

Depuis quelques semaines, un certain nombre de médias dits dominants semblent avoir pris conscience du problème des violences policières qui se répètent manifestation après manifestation. Si l’affaire Benalla avait marqué un premier tournant, il parait assez clair aujourd’hui que les violences policières sont désormais clairement établies par toute une constellation de médias, Le Monde en tête, qui regardaient ailleurs depuis bien trop longtemps. Bien que cette inflexion ne constitue pas un changement radical – l’on attend toujours que lesdits médias aillent au bout de la réflexion et fassent le lien avec l’autoritarisme du pouvoir en place – il est indéniable que cela constitue une avancée. A ce titre, il faut rendre un hommage appuyé à David Dufresne qui a doctement recensé les violences policières depuis le début du mouvement des Gilets Jaunes et dont le roman Dernière sommation semble avoir produit une forme d’effet de souffle.

Si cette inflexion est importante c’est au moins pour deux raisons. La première, la plus évidente, réside bien entendu dans le fait qu’il est primordial de raconter crument ce que fait la police de ce pays, qu’elle mutile et tue puisqu’il faut appeler les choses par leur nom. La seconde, moins évidente mais tout aussi importante, réside dans le nouvel équilibre médiatique ainsi atteint. Alors que par le passé seules les violences des manifestants étaient soulignées et grossies pour en faire les titres et les unes, traiter les violences policières, montrer que celles-ci mutilent et tuent quand ce qui est présenté comme des violences de la part de manifestants consiste à casser des vitrines permet une comparaison sans fard en montrant que certains mettent (au mieux) sur le même plan l’éborgnement d’un manifestant avec une vitrine ou un abribus cassés. Cette nouvelle démarche de la part des médias doit nous permettre d’ouvrir la question de la violence dans les mouvements sociaux, parce que celle-ci est primordiale.

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L’affaire Benalla ou le roi fait nu

Durant plusieurs semaines, la France a vécu au rythme de l’affaire Benalla – qu’il serait plus opportun d’appeler affaire Benalla-Macron selon moi. Si les vacances estivales en même temps que la fin des commissions d’enquête (celle du Sénat reprendra à la rentrée) ont contribué à mettre quelque peu sous le tapis ladite affaire, il me semble que celle-ci a constitué une déflagration qui risque fort de laisser des traces profondes dans ce quinquennat et de grever en partie l’action future du gouvernement et d’Emmanuel Macron. La majorité et le monarque présidentiel ont eu beau clamer que cette affaire n’intéressait pas les Français, ceux-ci se sont littéralement passionnés devant les commissions d’enquête et les multiples révélations que nous ont réservées tout à la fois l’enquête journalistique et les déclarations toutes plus contradictoires les unes que les autres des différents protagonistes.

Du côté de l’Elysée, il est évident que la stratégie initiale a consisté à vouloir étouffer l’affaire pour l’empêcher de sortir et, une fois le génie sorti de la lampe, toute la rhétorique présidentielle et gouvernementale avait pour but de faire de l’affaire Benalla un épiphénomène, un détail, en somme une broutille qui ne serait pas bien grave, le tout en répétant en chœur et docilement qu’il ne s’agissait en rien d’une affaire d’Etat mais bien d’un simple fait divers, d’une erreur de jeunesse (comme si tabasser des personnes en usurpant l’identité des policiers revenait à conduire à 91 km/h au lieu de 90). Dans son excellent livre Les Affects de la politique, Frédéric Lordon explique brillamment que c’est parfois le franchissement de seuils imperceptibles qui précipitent des changements d’ampleur. Il ne me parait pas absurde de voir dans cette affaire Benalla quelque chose de ce type, une forme de voile déchiré révélant subitement à la face du monde la vraie nature du macronisme. Lire la suite

Israël, Etat voyou par excellence

Il y a une dizaine de jours, Benjamin Netanyahu s’est félicité d’être « le premier ministre qui construit la première ville en Judée-Samarie » – c’est-à-dire en Cisjordanie. Dans son excellent livre, Les Affects de la politique, Frédéric Lordon explique que c’est le franchissement de seuils invisibles qui précipitent des changements d’ampleur. Il me semble que le lancement de la construction de cette ville dont s’est gargarisé le premier ministre israélien fait partie de ce genre de franchissement de seuil. Cette annonce marque en effet une rupture puisque la construction de colonies juives par le gouvernement israélien était gelée depuis les accords d’Oslo de 1993 – ce qui, nous y reviendrons, n’a pas empêché la colonisation de s’étendre entre la signature de ces accords et aujourd’hui.

Ce nouvel affront pour les Palestiniens s’inscrit dans une droitisation croissante du gouvernement de l’Etat hébreux depuis des années, droitisation qui a abouti au renforcement sans précédent du « parti des colons » symbolisé par Naftali Bennett actuel ministre de l’Education et figure de proue du Foyer Juif (un parti nationaliste israélien). Cette décision de Netanyahu, si elle marque une rupture certaine, s’inscrit pourtant dans la droite lignée de la persécution subie par les Palestiniens. L’objectif inavouable du gouvernement actuel et de Benyamin Netanyahu est assurément de pousser la colonisation si loin que toute création d’un Etat palestinien soit rendue impossible. Par ailleurs, cette stratégie s’inscrit pleinement dans une position de dominateur exacerbé qui, et je pèse mes mots, a fait entrer depuis longtemps l’Etat hébreux dans la triste liste des Etats voyous. Lire la suite

Alep, notre Guernica (4/4): l’ensauvagement du monde

Le terrorisme va commencer

 

Le titre de cette sous-partie peut heurter voire même choquer. Nombreux seront sans doute ceux qui rétorqueront que depuis bientôt deux ans – et l’attaque de Charlie Hebdo – le terrorisme est bien ancré dans les sociétés occidentales en général et française en particulier. Depuis plus longtemps encore, le Moyen-Orient est frappé durement par ces attaques meurtrières. Il ne s’agit évidemment pas de nier toutes les victimes passées du terrorisme mais si j’utilise l’assertion « le terrorisme va commencer » c’est pour affirmer que le terrorisme de grande ampleur va sans doute débuter avec la chute d’Alep. En premier lieu en Syrie. Bachar Al Assad et Vladimir Poutine nous expliquent qu’ils ont bombardé des terroristes mais comme l’explique brillamment Denis Sieffert dans son édito publié par Politis, depuis la nuit des temps les insurgés sont catalogués comme terroristes. La réalité, c’est que l’attaque sanglante contre Alep possèdent toutes les caractéristiques pour libérer les puissances du terrorisme de grande échelle : martyr de civils, ressentiment monstrueux à l’égard des Russes mais aussi de toute la communauté internationale qui a regardé sans rien faire, côtoiement de la barbarie la plus totale, tout est réuni pour que des survivants d’Alep basculent dans l’action violente. Pendant que Poutine et Al Assad assassinaient des civils à Alep au nom de la guerre contre le terrorisme, les vrais terroristes reprenaient, eux, la ville de Palmyre. Nombreux sont les analystes qui nous expliquent que la reprise d’Alep par le régime marque un tournant décisif dans la guerre en Syrie. Je crois au contraire qu’elle marque simplement une étape dans ce conflit. Le terrorisme va réellement démarrer à Alep et dans une guérilla du faible au fort, ce n’est quasiment jamais le fort qui l’emporte, l’histoire nous le montre. Lire la suite

La Peste syrienne

La récente diffusion d’un témoignage sur France Info d’un habitant d’Alep a créé l’émoi dans l’opinion publique. Certains s’aventurent même à expliquer qu’il s’agit là d’un tournant majeur dans ce qu’est la tragédie syrienne. Je me méfie de ces grandes phrases, les mêmes qui avaient fait de la mort d’Aylan Kurdi le point de bascule de cette guerre. De la même manière, l’utilisation d’armes chimiques à l’été 2013 était censée constituer une ligne rouge franchie. La réalité c’est que nous regardons sans rien faire depuis désormais cinq années et demi. Inondés par le flot d’images et d’atrocités il semblerait que nous ayons fini par nous en accommoder, à faire semblant de ne pas voir ce qu’il se passe. Alep est en train de devenir notre Guernica, cette trace indélébile qui marquera notre génération, cette boursouflure monstrueuse qui défigure notre humanité, cette chose que nous serons bien en peine d’expliquer à nos enfants sans avoir honte de n’avoir rien fait pour l’en empêcher.

Dans une lettre au cours de laquelle il répondait à Roland Barthes et à sa critique acerbe de La Peste, Albert Camus écrit : «la terreur en a plusieurs [de visages], ce qui justifie encore que je n’en aie nommé précisément aucun pour pouvoir mieux les frapper tous». En profitant du fait que le roman de Camus ait plusieurs portées, il me semble loin d’être absurde de relire la tragédie syrienne à l’aune du roman du Prix Nobel de littérature. Tout, en effet, concourt à rapprocher la guerre totale que subissent les Syriens depuis cinq ans à l’épidémie de peste qui frappe la ville d’Oran et ses habitants dans le livre de Camus : l’éternel présent imposé par le fléau, le fait qu’il frappe tout le monde, les différentes positions adoptées par les gens pour répondre à cette maladie. Lire la suite

Où est le terrorisme social ?

Dans sa chronique publiée le 1er juin et intitulée Ne cédons pas à la CGT, saperlotte !, Franz-Olivier Giesbert ne s’embarrasse pas de formulations retorses pour faire un lien entre la CGT et Daech : « La France est soumise aujourd’hui à deux menaces qui, pour être différentes, n’en mettent pas moins en péril son intégrité : Daech et la CGT ». Il s’empresse tout de suite d’ajouter que si « ces deux organisations minoritaires  ne sont pas de même nature », elles peuvent avoir recours « aux mêmes armes sur le plan tactique. L’intimidation, notamment » pour enfin affirmer avec aplomb qu’un pays « qui cède à l’intimidation est un pays qui ne se respecte pas ». Sur cette dernière phrase, je suis en phase avec lui mais encore faut-il se demander d’où vient l’intimidation.

La tribune de l’ancien directeur du Point vient s’ajouter à une multitude de déclarations toute plus délirantes les unes que les autres. De Pierre Gattaz qui parle de « voyous et terroristes » pour définir la CGT – il a, certes, fait un mea culpa sur le deuxième terme – à Manuel Valls qui dénonce une « radicalisation » de la CGT et la « prise d’otage du pays » en passant par Jean-Michel Apathie qui se demande si la « prochaine étape » sera la guerre civile, les rapprochements entre les blocages et les effroyables actes terroristes qui ont frappé notre pays durant la douloureuse année 2015 sont légion dans les médias et dans la bouche de nos responsables politiques si bien qu’il devient urgent d’analyser les causes et les buts de ce vocabulaire belliqueux. Lire la suite