Le pacte germano-soviétique en quelques lignes

Si la semaine dernière il a été question du rôle de l’armée rouge durant la Seconde guerre mondiale et de la manière dont celui-ci était occulté par une bonne partie des pays occidentaux, il convient selon moi de revenir quelques années avant l’éclatement de ce conflit pour mieux comprendre à quel point les positions de l’URSS ont été caricaturées dans un but à peine dissimulé de diaboliser la superpuissance à l’orée de la Guerre froide. Evidemment le traitement de l’armée rouge est important en cela qu’occulter son rôle revient à nier à l’URSS sa part dans la libération de l’Europe du joug nazi mais il me semble que toute l’histoire créée notamment par les Etats-Unis, en particulier par Henry Kissinger, à propos du pacte germano-soviétique est le pivot de la stratégie de diabolisation de l’URSS.

C’est effectivement par ce biais que de nombreux arguments de décrédibilisation des Soviétiques ont vu le jour pour mieux expliquer à quel point l’URSS aurait été l’allié de l’Allemagne nazie avant de se faire attaquer et de basculer dans le camp des ennemis des forces de l’Axe. Il est, je crois, très important déconstruire cette fable des accointances entre le régime nazi et les Soviétiques tant celle-ci a des conséquences aujourd’hui encore sur l’appréhension de bien des choses. Plus important encore, toute la chaine de causalités qui a mené à la signature du pacte germano-soviétique est encore à l’œuvre aujourd’hui, entre indifférence et mépris de la part de certains pays occidentaux, en particulier les Etats-Unis, à l’égard de certaines puissances de la planète.

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L’armée rouge pendant la Seconde Guerre mondiale en quelques lignes

Il y a quelques jours était célébré, en France, le 75ème anniversaire du débarquement de Normandie. C’était ainsi l’occasion de commémorer la victoire des forces Alliées sur celles de l’Axe et plus précisément encore la mise à mal du projet nazi et de son ambition hégémonique sur l’Europe. C’est donc tout naturellement que cette célébration a rassemblé un grand nombre d’invités provenant des pays ayant combattu le troisième Reich. La Russie, pourtant héritière de l’URSS pays ayant éminemment participé à la chute de l’Allemagne hitlérienne, n’était pourtant pas invitée et donc pas présente lors de ces commémorations. Cet affront, puisqu’il faut le nommer ainsi, fait aux Russes n’est que l’énième d’une très longue série à propos de cette guerre.

Après tout, cette non-invitation n’est guère surprenante venant d’un pays où certains éditorialistes anciennement dévolus au football pérorent désormais en expliquant que les communistes étaient des collaborateurs. La lumière est effectivement bien plus mise, en France comme dans bien des pays occidentaux, sur le pacte germano-soviétique – en prenant bien garde d’occulter les raisons qui ont abouti à un tel pacte – que sur l’apport décisif de l’armée rouge durant la guerre. Tout ceci n’est évidemment pas sans lien avec l’objectif de diaboliser la Russie.

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Les sanctions contre l’Iran, révélateur de la mainmise étasunienne

Il y a deux jours se sont tenus les midterms aux Etats-Unis, ces élections de mi-mandat au cours desquelles sont renouvelés totalement la chambre de représentant et partiellement le Sénat ainsi que les postes de gouverneur. En faisant basculer la chambre des représentants dans le camp démocrate, ceux-ci ont marqué une forme de rupture en cela que la toute-puissance des Républicains sur les institutions n’est plus. Donald Jr Trump a beau se voiler la face et fanfaronner de résultats exceptionnels, il n’en demeure pas moins vrai qu’il pourrait avoir plus de mal que par le passé à mener à bien sa politique en même temps qu’il risque d’être soumis à de multiples enquêtes lancés par les Démocrates. Il y a toutefois un point sur lequel ces élections ont de grandes chances de n’avoir aucun effet, la politique extérieure des Etats-Unis.

Comme le met très bien en évidence le Manière de voir n°159 publié en juin de cette année et abordant le sujet de la nouvelle Guerre froide, les Démocrates sont nombreux à s’être désormais ralliés aux positions des faucons républicains en termes de politique étrangère. Si Donald Jr Trump apparait comme un radical prêt à tout pour aider son allié israélien, il serait injuste de dire qu’il représente une exception dans la manière d’aborder la politique étrangère de son pays. Ainsi, le retrait des Etats-Unis de l’accord de Vienne (plus connu sous le nom de JCPoA) qui prévoyait une levée des sanctions économiques à l’égard de l’Iran en échange de l’autorisation de surveillance de l’enrichissement nucléaire est le symbole de ce que l’on pourrait appeler la « faucaunisation » des positions étasuniennes. Le retour des sanctions à l’égard de l’Iran tende également à démontrer à quel point les Etats-Unis demeurent puissants et leur mainmise incontestée ou presque. Lire la suite

Emmanuel Macron ou la diplomatie de façade

Il y a une dizaine de jours, l’Equipe de France était sacrée championne du monde de football pour la deuxième fois de son histoire sur la pelouse du stade Loujniki de Moscou. Si ce sont bien les joueurs français qui sont les artisans de ce titre de champion du monde après avoir successivement terrassé l’Argentine, l’Uruguay, la Belgique et enfin la Croatie en finale, c’est Emmanuel Macron qui a fait le spectacle en tribunes, sur la pelouse puis dans les vestiaires à grand renfort d’accolades. Il faut dire que la disposition du cérémoniel de remise du trophée – placé pour la première fois sur la pelouse et non en tribunes avec la présence des chefs d’Etat des deux pays finalistes ainsi que du pays hôte sur le podium – a grandement contribué à cette mise en scène de la part du locataire de l’Elysée.

Je suis effectivement de ceux qui croient qu’il y avait une part – je ne saurais dire avec certitude la taille de cette part – de mise en scène dans la joie exubérante du successeur de François Hollande ainsi que l’espoir de voir dans ce titre de champion du monde le moyen d’affirmer que la France était de retour. En effet, même si je pense sincèrement qu’Emmanuel Macron était immensément heureux de cette victoire en tant que suiveur de foot, il me parait hautement naïf de ne pas croire que celui-ci a cherché a en tiré profit d’une manière ou d’une autre à la fois sur le plan intérieur (sujet qui ne m’intéresse pas ici) mais également en termes de diplomatie et de géopolitique tant le football est aujourd’hui fermement ancré dans le soft-power des nations. Pourtant, l’affaire Benalla est rapidement venue balayer cette illusion, dans une forme d’allégorie de la politique étrangère d’Emmanuel Macron depuis son accession au pouvoir et qui pourrait se résumer par l’expression de diplomatie de façade. Lire la suite

La séquence de Claude El Khal, la Syrie et la complexité

Il y a quelques jours, le journaliste de Le Media Claude El Khal, dans une séquence disponible ici, a parlé de la guerre en Syrie et plus précisément de ce qu’il se passe dans la Ghouta orientale, enclave que le régime de Bachar Al-Assad souhaite reprendre à tout prix en ne respectant pas la trêve humanitaire décidée à l’ONU. Cette séquence de Monsieur El Khal, à contre-courant du traitement de la guerre en Syrie dans les médias dits mainstream, a énormément fait réagir. Rien de surprenant affirment ses défenseurs, puisque se plaçant en opposition à la doxa journalistique dominante, le journaliste libanais a engendré une véritable cabale à son égard. Il y a de cela dans ce que subit Claude El Khal depuis la publication de cette séquence, il serait malhonnête de le nier tout comme il y a assurément une volonté chez un nombre conséquent de personnes de se faire Le Média.

En allant déterrer des tweets du journaliste – ce qui semble être la nouvelle mode de ce pays – et en se contentant presque uniquement d’attaques ad hominem sans entrer dans le fond du sujet abordé par la séquence, nombreux sont ceux à avoir démontré leur mauvaise foi. Néanmoins, il serait réducteur d’affirmer que seules des personnes mal intentionnées à l’égard de Claude El Khal ou de Le Média ont trouvé cette séquence dérangeante voire choquante. Personnellement, celle-ci m’a dérangé tout comme la chasse à l’homme qui s’en est suivie. Je crois qu’il nous faut, sur ce sujet comme sur bien d’autres, parvenir à ne pas sombrer dans le manichéisme ambiant tout en refusant le simplisme. Voilà quel est notre chemin de crête. Lire la suite

L’esclavage en Libye, la fermeture des frontières et les Tartuffe

« L’esclavage est la plus grande des questions purement terrestres ; la moitié du monde disparaît sous cette nuit hideuse, une république s’y abîme : toutes les forces du progrès doivent se tourner de ce côté. Là est la honte, là est le crime, là sont les ténèbres. « L’homme possédé par l’homme ! » Ceci est la plus haute offense qui puisse être faite à Dieu, seul maître du genre humain. Un seul esclave sur la terre suffit pour déshonorer la liberté de tous les hommes ». Ces phrases, écrites par Victor Hugo, datent de 1862 et demeurent pourtant d’une cruelle actualité. Prévenus depuis un moment par les ONG du traitement inhumain subi par les migrants en Libye, cette réalité nous a explosés à la figure après la diffusion des images de CNN montrant un marché aux esclaves.

Cette révélation soudaine d’une réalité insoutenable qui était pourtant là sous nos yeux depuis un certain temps mais que nous refusions de voir a sans doute été l’un de ces seuils imperceptibles qui, une fois franchi, font que plus rien n’est jamais comme avant. L’esclavage, cette abomination, cette peste toujours prête à ressurgir du fond des vieux vêtements pour paraphraser Camus, le voilà qui est de retour et non loin de nous. La tentation est grande de voir dans cet odieux marché aux esclaves une situation fortuite, le dérapage de quelques esprits machiavéliques. Il faut pourtant, je crois, dire et répéter avec force que cette situation est aussi et avant tout la conséquence des politiques de fermeture des frontières qui sont menées en Europe. Hier, Emmanuel Macron a annoncé vouloir faire évacuer les esclaves de Libye mais cela ne saurait être la seule réponse. Si tel était le cas, le bal des Tartuffe auquel il participe régulièrement n’en serait que renforcé. Lire la suite

Les tensions avec la Corée du Nord, révélateur de l’aveuglement occidental

Depuis quelques semaines, voire quelques mois, la tension est extrême entre la Corée du Nord et les Etats-Unis. Promesse de faire tomber le feu et la furie comme jamais de la part de Donald Jr. Trump contre provocations et tests nucléaires par Kim Jong-Un, rarement les relations auront été aussi tendues autour de la Corée du Nord. Cette tension dépasse, évidemment, allégrement ce simple duel puisque certains voisins – à commencer par le Japon – sont également entrés dans la danse. De la même manière, Russie et Chine ne se sont pas gênées pour tenter de renforcer leur place dans le jeu diplomatique en se servant de cette crise si bien que l’ONU, comme d’habitude, a été incapable de prendre une résolution ambitieuse sur la question.

Il n’est toutefois guère étonnant de voir la Chine s’élever contre la position belliciste du nouveau locataire de la Maison Blanche. Celui-ci aurait en effet affirmé en privé, à en croire certains conseillers, que si la situation devait empirer les morts seraient à dénombrer du côté asiatique et pas américain. La Chine étant voisine de la Corée du Nord, il est tout à fait normal qu’elle ne s’engage pas dans cette voie belliciste pour la simple et bonne raison qu’elle pourrait subir les conséquences d’un bombardement visant la Corée du Nord. En ce sens, il me semble que cette crise avec la Corée du Nord est un formidable révélateur de l’aveuglement occidental – chez les médias, chez les politiciens mais également au sein de la population – à l’œuvre depuis des décennies. Lire la suite

La crise à la tête des armées ou la défaite de la pensée

La semaine dernière, à la suite de vives tensions entre Emmanuel Macron et lui-même, le général De Villiers, chef d’état-major des armées a finalement démissionné affirmant en substance ne plus être capable de diriger les armées en étant en accord avec sa vision. Cette première crise politique et diplomatique du quinquennat Macron – une telle démission est sans précédent dans l’histoire de la Vème République – a depuis été largement commentée. A vrai dire dès le début des tensions entre messieurs Macron et De Villiers l’ensemble de la classe politique ou presque y était allé de son commentaire à la fois sur la forme des choses et sur le fond (la baisse du budget du ministère de la Défense).

Evacuons d’emblée une ambigüité qui pourrait poindre, je considère qu’Emmanuel Macron dans son attitude et dans ses propos a été extrêmement maladroit. Sa fameuse phrase prononcée le 13 juillet dernier affirmant qu’il « [était] le chef », au-delà de la maladresse évidente, fleure bon l’autoritarisme latent. Surtout, loin d’être une marque de poigne ou de force comme d’aucuns l’affirment, je suis bien plus enclin à y voir un aveu de faiblesse de la part du nouveau locataire de l’Elysée. En politique comme en rhétorique, en effet, ce que l’on énonce c’est ce qui n’est pas évident. En prenant la parole pour dire qu’il était le chef, Emmanuel Macron a donc reconnu en creux que ceci n’était pas si évident – cette intervention rappelle d’ailleurs le fameux « vous parlez au Premier ministre » de Fabius face à Chirac. Ce faisant il s’est surtout comporté comme un petit-chef. Il me semble néanmoins que les questions soulevées par cette crise débordent allègrement du cadre de la petite personne d’Emmanuel Macron. Lire la suite

L’Accord de Paris, Emmanuel Macron et l’art du retournement

Jeudi dernier, Donald J. Trump a finalement mis sa menace à exécution. Il a, en effet, décidé de retirer les Etats-Unis de l’Accord de Paris issu de la COP21 – bien que ce retrait demeure très hypothétique dans la mesure où celui-ci ne peut avoir lieu que dans quatre ans et personne ne sait si Donald Trump sera encore président des Etats-Unis à ce moment-là. L’ensemble du monde ou presque a décrit cette décision du magnat de l’immobilier sur le thème de la catastrophe : « apocalypse » ; « désastreux » ; « dangereux » ; tels sont les mots qui reviennent dans la bouche de tous les commentateurs – nous y reviendrons au fil de ce billet.

Alors que la grande majorité des dirigeants de la planète se sont contentés d’un communiqué de presse pour commenter la décision venue d’outre-Atlantique, Emmanuel Macron a décidé de faire une déclaration en français puis en anglais pour répondre au président américain. En pastichant le slogan de campagne de Donald J. Trump – il a déclaré « make our planet great again » pour conclure sa déclaration anglaise – le nouveau locataire de l’Elysée a sans conteste réalisé un grand coup de communication. A ce titre, le tweet reprenant cette phrase est devenu le tweet français le plus populaire. Les commentaires dithyrambiques (notamment de la part de certains médias) méritent cependant, à mon sens, d’être fortement nuancés tant cette déclaration me semble être uniquement de la communication.

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Emmanuel Macron et les médias français passés au révélateur Poutine

Décidément, Vladimir Poutine semble prendre un malin plaisir à jouer le rôle de révélateur pour les Présidents de la République française. Avec Nicolas Sarkozy il avait fait montre de sa poigne comme l’avait expliqué un documentaire s’intéressant au président russe et diffusé il y a quelques mois sur France 2. De manière plus directe, il avait renvoyé François Hollande à son statut de Président souffrant d’une indécision chronique lors d’une séquence diplomatique à propos de la Syrie. En choisissant de recevoir Vladimir Poutine au château de Versailles après l’avoir vertement critiqué durant la campagne présidentielle – et critiqué par la même occasion et par procuration ses trois principaux adversaires – Emmanuel Macron a de nouveau offert le rôle de cavalier de l’apocalypse au président de la fédération de Russie.

Apocalypse est ici à prendre dans son sens étymologique à savoir celui de la révélation. Il me semble, en effet, que cette réception à Versailles – venant conclure une séquence diplomatique de la part de notre Président – nous dit bien des choses sur le nouveau locataire de l’Elysée. Toutefois, loin de ne concerner que lui-même, le révélateur Poutine a également eu un effet sur les médias dits dominants (ou mainstream) dans notre pays. Il faut dire que Poutine a tellement polarisé à la fois l’attention des médias et les positions géopolitiques durant la campagne présidentielle qu’il ne pouvait en être autrement lorsque celui-ci serait reçu en France, peu importe le vainqueur de l’élection présidentielle. Lire la suite