La fille de Phocée écarlate

Qu’il est difficile, douloureux et désagréable de prendre la plume pour t’adresser ces mots chère fille de Phocée. En apprenant que tu avais été frappée au cœur j’ai été quelque peu abasourdi. Sans doute le fait que je sois à près de 1000 km de toi a joué dans le sentiment que j’ai ressenti à ce moment-là. Quand quelque chose arrive à une personne que l’on aime, en effet, on aimerait être proche d’elle, tenter de la réconforter quand bien même cela est dérisoire en regard de ce qu’il s’est passé. Dimanche soir, au contraire, dans le froid et la grisaille de ta très éloignée sœur lilloise, je me suis senti comme impuissant et, je crois, qu’il n’y a pas de pire sentiment que celui-ci.

Voilà maintenant six années que mes études m’ont mené plus ou moins loin de toi mais avec une même constante, la félicité que représente l’arrivée à Saint-Charles pour l’exilé que je suis en partie devenu. D’Aix-en-Provence toute proche à Lille la très éloignée en passant par Paris ou Nantes, mes multiples pérégrinations en France me ramènent toujours vers le même point de fuite : la gare Saint-Charles, ton cœur qui a été touché dimanche soir. La gare Saint-Charles est, pour moi, cet endroit ambivalent entre le bonheur du retour et la nostalgie des départs lors de laquelle je ne peux m’empêcher de jeter un dernier coup d’œil sur tes courbes que j’aime tant. Lire la suite

Les tensions avec la Corée du Nord, révélateur de l’aveuglement occidental

Depuis quelques semaines, voire quelques mois, la tension est extrême entre la Corée du Nord et les Etats-Unis. Promesse de faire tomber le feu et la furie comme jamais de la part de Donald Jr. Trump contre provocations et tests nucléaires par Kim Jong-Un, rarement les relations auront été aussi tendues autour de la Corée du Nord. Cette tension dépasse, évidemment, allégrement ce simple duel puisque certains voisins – à commencer par le Japon – sont également entrés dans la danse. De la même manière, Russie et Chine ne se sont pas gênées pour tenter de renforcer leur place dans le jeu diplomatique en se servant de cette crise si bien que l’ONU, comme d’habitude, a été incapable de prendre une résolution ambitieuse sur la question.

Il n’est toutefois guère étonnant de voir la Chine s’élever contre la position belliciste du nouveau locataire de la Maison Blanche. Celui-ci aurait en effet affirmé en privé, à en croire certains conseillers, que si la situation devait empirer les morts seraient à dénombrer du côté asiatique et pas américain. La Chine étant voisine de la Corée du Nord, il est tout à fait normal qu’elle ne s’engage pas dans cette voie belliciste pour la simple et bonne raison qu’elle pourrait subir les conséquences d’un bombardement visant la Corée du Nord. En ce sens, il me semble que cette crise avec la Corée du Nord est un formidable révélateur de l’aveuglement occidental – chez les médias, chez les politiciens mais également au sein de la population – à l’œuvre depuis des décennies. Lire la suite

La France, les attentats et leur traitement singulier

Le 22 mai dernier, Daech a de nouveau frappé en Europe. En s’en prenant à un concert d’Ariana Grande à Manchester – qui se tenait à la Manchester Arena – il a réitéré le même mode opératoire que lors des attentats de Paris du 13 novembre 2015, à savoir s’attaquer à des jeunes dans un haut-lieu du divertissement. Avant cela Berlin et Stockholm avait été frappés par le terrorisme issu de Daech respectivement en décembre et avril derniers. Ces tragédies successives démontrent à ceux qui en doutaient encore que la France n’est pas la seule touchée dans le monde occidental – et a fortiori pas la seule touchée à l’échelle de la planète.

Toutefois, il me semble que les enseignements les plus intéressants à retirer de cette succession d’attaques terroristes ne sont pas ceux qui nous montrent que la France n’est pas la seule touchée. En effet, je crois qu’au-delà des attentats en eux-mêmes ce qui est le plus significatif dans chacun des exemples cités plus haut est la réaction adoptée par les pays touchés de plein fouet par ces drames. Loin de réagir – ou plutôt de surréagir – comme le font nos irresponsables responsables politiques, de l’autre côté de la Manche, du Rhin ou en Scandinavie, les réactions ont été plus responsables, plus pondérées, plus nuancées et in fine plus pertinentes, à mes yeux, pour endiguer le fléau terroriste. Ces divers attentats qui ont récemment frappé des pays occidentaux démontrent finalement, en creux, la singularité française dans l’approche du terrorisme et des attentats. La modeste ambition de ce billet est de tenter d’initier une explicitation de cette singularité. Lire la suite

Le salafisme, moyen de lutter contre le terrorisme ?

Dimanche soir, les électeurs de la primaire de droite et du centre ont donc renvoyé Nicolas Sarkozy, le chantre du débat sur l’identité nationale et le monomaniaque sur la question de l’Islam, à ses études. Beaucoup de personnes ont sans doute poussé un soupir de soulagement en même temps qu’un sourire de joie non feinte à l’annonce des résultats. L’un des pyromanes était mis, en principe définitivement, hors-jeu. Le scrutin de dimanche dernier a toutefois consacré François Fillon qui est arrivé largement en tête et qui est loin d’être un enfant de chœur sur la question identitaire. Farouchement néolibéral, l’ancien Premier ministre est tout autant conservateur sur les questions de société. Durant la campagne, il n’a d’ailleurs pas hésité à affirmer sans détour que la France « avait un problème avec un seul communautarisme : le communautarisme musulman ». Le grand vainqueur du premier tour de la primaire et auteur de Vaincre le totalitarisme islamique ne s’embarrasse pas de formules retorses pour cibler une religion – on peut lui reconnaître sa franchise.

La question du terrorisme a d’ailleurs occupé une bonne partie des débats de cette primaire et chacun y est allé de sa petite voix pour expliquer comment il fallait faire pour lutter efficacement : augmentation faramineuse des effectifs policiers pour les uns, internement des fichés S pour les autres, les candidats n’ont pas manqué d’idées pour bomber le torse et gonfler les pectoraux. Chacun s’est accordé à dire que le salafisme devait être farouchement combattu et que c’était le moyen le plus sûr de détruire le terrorisme, Nathalie Kosciusko-Morizet allant même jusqu’à en proposer l’interdiction. Je serai néanmoins malhonnête si je ne reconnaissais pas que toute la classe politique ou presque brocarde le salafisme. A rebours de cela, je suis persuadé que le salafisme est l’une des manières de lutter contre le terrorisme. Je suis bien conscient du trouble que peut provoquer une telle assertion, aussi demandé-je à chaque personne qui lira ce billet d’aller jusqu’à son terme avant de crier au double discours. Lire la suite

Lettre ouverte d’un idiot utile de l’islamisme à Frédéric Encel et Yves Lacoste

Mes chers Frédéric Encel et Yves Lacoste, j’ai lu avec attention votre tribune écrite à quatre mains publiée dans Le Monde le 26 juillet dernier et sobrement intitulée « Face à une idéologie fanatique, nous devons réenchanter la nation républicaine » – tribune que l’on peut retrouver ici. Cette tribune était, je l’imagine, une réponse à l’attentat effroyable commis par deux membres contre une église de Saint-Etienne-du-Rouvray qui s’est soldé par l’égorgement du père Jacques Hamel. Ce nouvel acte de terrorisme, bien qu’il n’ait pas été aussi meurtrier que le carnage de Nice du 14 juillet, nous remue intensément nous Français parce qu’il convoque des souvenirs atroces. Avant de lire cette tribune je vous connaissais de nom bien évidemment avec une connaissance un peu plus approfondie, si j’ose dire, d’Yves Lacoste. Je me souviens de ces années de classes préparatoires au cours desquelles vous étiez cité assez souvent par mes professeurs de géopolitique en tant que grand géographe. Pour vous, Frédéric Encel, ma connaissance de votre œuvre est bien plus incomplète. Le fait est que vous êtes aujourd’hui des géopoliticiens reconnus quand moi je ne suis qu’un simple étudiant.

Quel poids a donc ma petite voix d’étudiant face aux vôtres ? Elle ne pèse pas grand-chose je le concède aisément. Néanmoins, j’ose espérer – même si je suis conscient qu’il s’agit certainement d’un vœu pieux – que vous prendrez le temps de lire ce petit texte et, pourquoi pas, que vous y répondrez. J’ai avant tout trouvé cette tribune intéressante car dans cette période de trouble, je suis persuadé qu’il faut savoir raison garder et ne pas céder à l’hystérie comme le font bien trop souvent nos représentants politiques de l’opposition comme du gouvernement. Je le répète, de prime abord, votre texte semble être une véritable bouffée d’oxygène qui ouvre un espace de débat et de réflexion. Malheureusement, le lecteur est très vite déçu puisqu’il suffit de quelques lignes pour s’apercevoir qu’il ne s’agit en aucun cas d’une tribune qui pousse à la réflexion et au débat mais bien d’un texte qui a pour ambition d’imposer sa vérité comme universelle et de renvoyer tous ceux qui ne pensent pas de la même manière dans une espèce de mélange un peu rance des ennemis de la Nation.

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Panser l’idéalisme pour lutter contre Daech

Le mois de mars fut sanglant et est venu nous rappeler que 2015 n’était pas qu’une parenthèse. Aux quatre coins du globe, des crimes de masses ont été perpétrés. De l’Irak au Nigéria, de la Turquie à la Belgique, de la Syrie à la Côte d’Ivoire, aucune région de la planète, ou presque, n’est épargnée. A la suite des attentats de Bruxelles, les dirigeants français, Manuel Valls en tête, ont réitéré leur discours belliqueux. « La France et l’Europe sont en guerre » martelait une nouvelle fois le Premier ministre français à qui voulait bien l’écouter. Les services de sécurité français se sont d’ailleurs empressés d’annoncer la mise en échec d’une dizaine d’attentats comme pour mieux montrer que l’Etat agissait et agissait bien. Et pourtant, selon moi, cette rhétorique guerrière et sécuritaire, symbolisée à l’envi par Monsieur Valls, est  le symptôme le plus prégnant d’un échec retentissant et d’un manque de pertinence criant dans l’analyse de la situation mondiale.

Se contenter de parler de sécurité et d’attaques armées en fustigeant la sociologie et en mettant de côté toute autre type de politique concourt largement à nous faire passer à côté des enseignements majeurs portés par les sombres attaques qui touchent la planète. Ce faisant, nos dirigeants oublient prestement la célèbre phrase d’Albert Camus dans ses Lettres à un ami allemand : « Nous y avons appris que contrairement à ce que nous pensions parfois, l’esprit ne peut rien contre l’épée, mais que l’esprit uni à l’épée est le vainqueur éternel de l’épée tirée pour elle-même ». En nous contentant de répondre à l’épée par l’épée, en mettant de côté l’esprit – et donc les idées – nous ne faisons rien d’autre que renforcer le contingent de jeunes qui aspirent à rejoindre Daech. L’élimination du numéro deux de l’organisation, annoncée vendredi, risque de renforcer la conviction profonde de nos dirigeants, celle qui érige les bombardements comme seule solution. Cette conviction nous mènera dans l’impasse. Lire la suite

Non nous ne sommes pas en guerre

Nous espérions tous que 2016 allait nous permettre de tourner la page d’une année 2015 sanglante et marquée par le sceau de l’horreur sur le continent européen, qu’après les 17 morts de janvier et les 130 morts de novembre nous aurions droit à un peu de répit. Pourtant, paradoxalement, nous savions bien dans le même temps que de tels actes pouvaient se reproduire, allaient se reproduire. Quand vendredi dernier Salah Abdeslam a enfin été arrêté, nous avons poussé ensemble un soupir de soulagement. Alors oui, cette arrestation nous ramenait quelques mois en arrière, en cette si triste soirée de novembre mais c’était pour une bonne raison pensait-on : les autorités allaient pouvoir en savoir plus.

Il nous aura fallu à peine plus de trois jours pour que ce relatif apaisement soit balayé par de nouveaux actes de terrorisme sanglants, à Bruxelles cette fois. Un peu comme une réponse à l’arrestation de Salah Abdeslam – qui aurait déclaré aux policiers belges « ce n’est pas parce que je ne joue plus que le jeu s’arrête » – trois explosions  ont retenti hier matin à Bruxelles, à l’aéroport et dans le métro, faisant plus de 30 morts. Là encore les souvenirs douloureux du 13 novembre sont remontés à la surface et les réactions de notre Premier ministre se sont rapprochés de celle d’il y a quatre mois : « La France est en guerre, l’Europe est en guerre » a-t-il martelé une nouvelle fois, déformant toujours plus la réalité et arborant une position belliciste qui sied bien peu au besoin d’unité. Lire la suite