Il y a une dizaine de jours, l’Equipe de France était sacrée championne du monde de football pour la deuxième fois de son histoire sur la pelouse du stade Loujniki de Moscou. Si ce sont bien les joueurs français qui sont les artisans de ce titre de champion du monde après avoir successivement terrassé l’Argentine, l’Uruguay, la Belgique et enfin la Croatie en finale, c’est Emmanuel Macron qui a fait le spectacle en tribunes, sur la pelouse puis dans les vestiaires à grand renfort d’accolades. Il faut dire que la disposition du cérémoniel de remise du trophée – placé pour la première fois sur la pelouse et non en tribunes avec la présence des chefs d’Etat des deux pays finalistes ainsi que du pays hôte sur le podium – a grandement contribué à cette mise en scène de la part du locataire de l’Elysée.
Je suis effectivement de ceux qui croient qu’il y avait une part – je ne saurais dire avec certitude la taille de cette part – de mise en scène dans la joie exubérante du successeur de François Hollande ainsi que l’espoir de voir dans ce titre de champion du monde le moyen d’affirmer que la France était de retour. En effet, même si je pense sincèrement qu’Emmanuel Macron était immensément heureux de cette victoire en tant que suiveur de foot, il me parait hautement naïf de ne pas croire que celui-ci a cherché a en tiré profit d’une manière ou d’une autre à la fois sur le plan intérieur (sujet qui ne m’intéresse pas ici) mais également en termes de diplomatie et de géopolitique tant le football est aujourd’hui fermement ancré dans le soft-power des nations. Pourtant, l’affaire Benalla est rapidement venue balayer cette illusion, dans une forme d’allégorie de la politique étrangère d’Emmanuel Macron depuis son accession au pouvoir et qui pourrait se résumer par l’expression de diplomatie de façade.
L’illusion permanente
Dès son arrivée au pouvoir, Monsieur Macron a tenté de mettre en scène sa diplomatie qui se voulait à la fois conquérante et pragmatique. En recevant Vladimir Poutine à Versailles peu après sa victoire puis en invitant Donald Trump à son premier défilé du 14 juillet, Emmanuel Macron a sans conteste souhaité montrer qu’il avait tout à la fois la stature et la poigne pour dialoguer avec les grandes puissances de la planète. Comment expliquer sinon qu’il ait choisi Versailles, lieu hautement symbolique, pour recevoir celui que l’on présente comme le nouveau tsar et qu’il ait peu après décidé de convier Donald Trump, alors persona non grata en Europe, pour la fête nationale ? Il y avait sans conteste une volonté grossièrement dissimulée de s’asseoir de force à la table des plus grands et de montrer que le nouveau locataire de l’Elysée était non seulement capable de discuter avec tous les dirigeants de la planète mais également de leur parler d’égal à égal.
De la même manière, Emmanuel Macron a rapidement souhaité prendre une position de pivot et de moteur au sein de l’Union Européenne, espérant tout à la fois profiter de la crise politique allemande pour affirmer son leadership et qu’Angela Merkel alors affaiblie accepterait ses plans pour la zone euro. Cette volonté d’affirmation de sa puissance diplomatique trouve également un écho dans la manière – grotesque – dont Macron a serré la main de Trump, dans une bataille assez enfantine disons-le, ou dans sa mise en accusation de Russia Today en présence de Vladimir Poutine à Versailles. Toutefois, derrière les effets de manche se dessinent la réalité du positionnement diplomatique d’Emmanuel Macron, à savoir un président fort avec les faibles – la séquence hallucinante où il humilie le président du Burkina Faso en est un exemple idoine – mais très faible avec les forts comme l’ont montré ses échecs successifs dans ses batailles diplomatiques et géopolitiques.
De l’art du maquillage
Au mois d’août 2017, quelques mois après son élection, Emmanuel Macron s’est vu reprocher les frais élevés qu’il consacrait à son maquillage. Bien que l’affaire n’ait pas pris de l’ampleur, c’est avec une certaine ironie que l’on constate que le maquillage le plus inquiétant ne concernait pas tant le fond de teint de Monsieur Macron mais bien plutôt sa manie de maquiller en victoires diplomatiques ce qui sont en réalité de lourds revers. Depuis un peu plus d’un an en effet, Emmanuel Macron tente de peser sur les choix des grandes puissances de la planète notamment en cajolant leurs dirigeants – tout le monde a en tête le déplacement ridicule du locataire de l’Elysée aux Etats-Unis quelques jours avant que Monsieur Trump n’annonce une hausse des tarifs douaniers sur l’acier.
Tout le problème réside principalement dans le fait que sur la scène internationale, la France n’a jamais, ou presque, fait avancer ses positions depuis l’arrivée du monarque présidentiel à sa tête en mai 2017. Emmanuel Macron peut bien se targuer de victoires diplomatiques, la réalité est que des débats européens (budget et parlement de la zone euro, politique commune vis-à-vis des exilés) à la politique d’Israël en passant par le retrait des Etats-Unis de l’accord de Paris ou le positionnement inflexible de Poutine sur la Syrie, le gouvernement Macron ne fait qu’enchainer les défaites diplomatiques. Emmanuel Macron et son gouvernement peuvent bien tenter de raconter une autre histoire dans une forme de novlangue qui nous est désormais familière, la réalité est bien que le bilan est famélique après plus d’un an d’exercice du pouvoir. Il faut dire que la manière autoritaire dont il dirige le pays, se plaisant à être un bulldozer pour dynamiter le modèle social français ne peut fonctionner sur la scène internationale tant le président français finit par se retrouver sempiternellement isolé. Sans doute que le fond du problème de monsieur Macron sur la scène internationale réside dans le fait qu’il croit que c’est son pragmatisme qui peut faire avancer les choses dans son sens. Or, en diplomatie tout comme en géopolitique, ce ne sont pas ceux qui louvoient sans idées qui sortent vainqueur le plus souvent mais bien ceux qui ont les idées claires et qui tentent de les faire avancer. Le locataire de l’Elysée ferait bien de s’en rendre compte rapidement. A défaut, il risque de le toucher violemment, le fond. La façade a déjà commencé à se craqueler, il s’en faudrait de peu pour qu’elle s’écroule complètement et laisse voir le roi nu tel qu’il est, c’est-à-dire impuissant et hideux.