OM : Supporters, seulement fautifs ou complices ?

Grève à Saint Ouen – Paul Louis Delance

Samedi alors que le ciel est menaçant sur Marseille, la rumeur qui commençait à prendre de l’importance, au point que l’Equipe en parle, devient réalité. Un groupe, difficilement identifiable, de plusieurs centaines de personnes se retrouve sur le chemin sinueux qui mène à la Commanderie. La manifestation pour protester contre la politique de JHE et de McCourt est la suite logique d’une campagne d’affichage de banderoles hostiles aux deux dirigeants dans la ville. Cette fois, l’idée est de montrer physiquement le mécontentement. Depuis, les médias dominants ont fait leur choix, Jacques Henri Eyraud est monté sur ses ergots et ne fait qu’attiser le mécontentement. Retour sur une situation qui ne pouvait pas finir bien.

Le mécontentement n’est pas nouveau du côté de Marseille, les supporters et plus largement les groupes ultras ou non qui animent le Vélodrome et se déplacent un peu partout en France et en Europe pour pousser leur équipe en ont marre de la gestion et de l’attitude JHE. À l’image des Bukaneros, le président de l’OM comme celui du Rayo est grimé en Mickey Mouse. Le torchon brûle à Marseille, mais les tensions sont fortes ailleurs. Nantes ou encore Bordeaux récemment, les supporters ne sont plus aussi réceptifs qu’avant au discours de père Noël des propriétaires de club ou de leur marionnette. Les supporters marseillais ont décidé de passer à l’action. Quitte à mourir, autant le faire dignement.

Complices malgré eux ?

Depuis l’arrivée de l’argent des chaînes payantes, le Football est devenu viable économiquement. Pour autant, il fallait que le produit devienne consistant et vendeur. Bien sûr, le jeu, la qualité des pelouses, des stades, des caméras et la capacité à vendre le feuilleton qu’allait devenir le Football étaient essentiel. Cependant, si le football réunit autant de monde devant son écran ou entassé dans une tribune, c’est parce qu’il est un fait social. Réduire le football à un simple sport où 22 shorts courent après un ballon c’est rater beaucoup de choses.

Rapidement les diffuseurs ont compris que la vie des tribunes était aussi importante pour rendre le produit football intéressant. Ce n’est pas pour rien si Canal+, diffuseur du championnat de France et propriétaire du PSG a forcé comme pas possible pour rendre les matchs entre les Phocéens et le club de la capitale aussi importants et attendus, aucune bonté ici. Actuellement, la Liga sanctionne les clubs qui n’arrivent pas à remplir la tribune qui est télévisée, par exemple.

Les Ultras, ce peuple des tribunes, capable de peindre des heures durant un tifo qui sera transporté dans le stade et dévoilé à la sortie des équipes passionnent la télévision. Même quand le spectacle n’est pas vraiment au rendez-vous, ils apportent un souffle de vie souvent salutaire. Ce n’est pas la norme partout, mais en France, ils sont une composante importante dans la valorisation du produit L1. Ce n’est pas pour rien si dans la plupart des spots de pub pour une rencontre, on glisse des séquences de fumigènes ou de tifos.

Cependant, plus les droits TV ont augmenté, plus les capitalistes paternalistes qui comprenaient souvent la ville et avaient de bonnes relations avec les groupes de supporters ont été remplacés par des personnes seulement avides de plus-values financières. Ces propriétaires, souvent étrangers n’avaient aucune connaissance de la vie des clubs et de la sociologie des villes. Ils pensaient qu’il serait possible d’appliquer une méthode simple pour rendre les clubs rentables et que les supporters suivraient, coûte que coûte.

D’alliés à ennemis

Dans ce changement de paradigme, les supporters ont permis de donner de l’épaisseur au produit football et surtout à la L1. Cependant, dans cette course à l’augmentation des droits TV, à la rentabilité, il faut braconner sur des gains annexes, surtout sur la billetterie et les produits dérivés. Il faut toujours payer plus cher pour regarder le football à la télé, il faut aussi payer plus cher pour aller au stade. Les clubs se mettent à vendre 3 puis 4 puis 5 maillots et tentent de développer des gammes entières de produits dérivés et de braconner la data pour faire des publicités ciblées.

Le football n’est plus vu comme un fait social, un sport qui unit les gens, un stade qui permet de se rassembler et se sociabiliser, il devient un spectacle qui doit générer de l’argent et être rentable pour les propriétaires. Des groupes capitalistes achètent des clubs, et tentent de le changer, de le couper de la base locale pour toucher des fans plus enclins à consommer. Le supporter, souvent ultra qui a un lien particulier avec son club ne se reconnait pas dans ce virage à 180 degrés. Surtout que bien souvent, ces nouveaux dirigeants sont des tocards qui ne cherchent qu’à agrandir leur capital économique ou social sans faire progresser le club. C’est souvent les premiers griefs qui leurs sont destinés, puis se rajoutent plein de choses et des revendications plus large.

D’alliés désignés pour rendre le produit football vendeur, les supporters deviennent la raison de tous les maux. Ils mettent une ambiance hostile en célébrant de manière un peu trop virulente les buts. Leur attitude, leur look et leur chant feraient peur aux autres spectateurs, plus enclin à consommer et surtout à ne pas revendiquer. Parce que c’est là que la scission se produit. Le football est un fait social, politique, et les groupes de supporters, souvent officiellement apolitique permettent tout de même la possibilité de revendiquer ou de s’engager dans la vie de la Cité. Une position qui ne colle avec le statut de consommateur bête attendu par les propriétaires qui utilisent la passion pour faire consommer toujours plus tout en essayant de faire taire les voix discordantes.

Sortir de l’immobilisme

C’est la petite musique qui tourne dans les médias depuis la manifestation de samedi à la Commanderie. Les supporters n’ont pas utilisé les bons moyens de protestation et donc ils desservent la cause qu’ils disent défendre. Ce propos et absurde et totalement déconnecté des réalités. Jacques Henri Eyraud comme Waldemar Kita ou Longepée sont dans la tourmente depuis un certain moment.

À Marseille, les banderoles contre le projet porté par McCourt et JHE sont anciennes. Les cortèges avant les matchs, aussi, comme les chants qui remettent en question les choix de JHE et le Football porté par l’ancien dirigeant de Paris Turf. Les supporters ont longtemps utilisés les moyens tolérés socialement pour contester, pour quelle finalité ? Aucune, hormis la persévérance de la direction olympienne dans son projet de démantèlement de l’OM pour n’en faire qu’une société de spectacle coupée de toute passion. Pire, JHE, lâchait des crottes de nez, plus ou moins dissimilées à sa base en alternant mépris et méconnaissance mais souvent avec de la violence contre leur attitude et leur relation avec le club.

Cette manifestation, qui était attendue mais qui a surpris par sa détermination et le nombre de participants est une bonne chose. Elle permet de mettre JHE et les fossoyeurs du football populaire devant les conséquences de leurs choix. Quand on reste cantonné dans l’espace qu’il nous accorde, on est bloqué et ils peuvent minorer ou dénaturer notre parole. Cette fois, les capitalistes qui tentent de s’accaparer le football ne peuvent pas passer à côté et cela permet de faire tomber de nombreux masques. JHE est sorti du bois, et ne cache plus son projet ou en tout cas son mépris de la base populaire marseillaise. Je ne peux jamais applaudir quand de la violence surgit, mais elle peut être nécessaire et salutaire.

Fini les applaudissements sur la passion des supporters, maintenant beaucoup nous tombent tous dessus. Les mots, les analyses qui sont dominants dans les médias bourgeois montrent bien qu’ils nous méprisent. Quand le propriétaire de l’OM compare la manifestation de ses supporters, connus pour leur positionnement antiraciste aux fascistes qui ont envahi le Capitole, les limites de l’acceptable sont dépassées. Pareil quand un célèbre chroniqueur foot (au passé d’astrologue) utilise le terme d’ensauvagement sans être repris par ses collègues. On peut citer une adjointe à la mairie de Marseille qui convoque et demande du calme … aux supporters tout en étant plus gentille avec le dirigeant marseillais.

Ne pas en faire qu’un problème de football

Cependant, il serait dommage de cantonner ces tensions entre des groupes et des dirigeants au Football. Bien sûr, l’exposition médiatique qu’offre le football permet d’offrir un traitement plus large de ces contestations mais ce n’est pas les seuls endroits où des gens qui n’ont pas grand-chose se battent contre des dominants qui les méprisent et ne les entendent pas. Le nombre de grèves, les mouvements pour un habitat digne, pour un meilleur traitement des réfugiés, les gilets jaunes pour ne citer qu’eux convergent vers le même point : la protection d’une certaine idée de société qui est détruit par les dominants.

Pour beaucoup, ce n’est qu’un problème de communication. On n’écoute pas assez les supporters, on n’écoute pas assez le personnel soignant qui alerte sur la situation de l’hôpital public, on n’écoute pas assez les professeurs sur le manque de moyens dans l’éducation, on n’écoute pas assez la France qui subit de plein fouet la politique contre la voiture individuelle. Cantonner les crispations et les manifestations à un manque de communication est un non sens. Macron, Jacques Henri Eyraud et de nombreux dirigeants ou gouvernements veulent nous imposer leur projet de société, et répriment toute opposition ou contradiction. Ils ne veulent aucunement nous écouter, nous entendre ou nous comprendre. Nous ne pouvons que les soutenir, sinon nous sommes leur ennemi et ils veulent nous détruire.

La répression policière toujours plus grande, comme les mots de JHE sur l’environnement marseillais qui doit être purgé, comme l’intransigeance des patrons montrent bien que nous ne sommes pas dans le domaine de la discussion mais dans celui de la bataille. Un combat d’idées, un affrontement de projets de société. Ici, à Marseille les supporters veulent protéger le patrimoine de ceux qui n’ont rien contre l’avidité de capitalistes assoiffés d’argent. Ils ne comprennent pas pourquoi nous sommes autant attachés, à notre club, à l’hôpital public, à l’éducation publique, des choses qui veulent détruire pour les rendre rentable. Des choses qu’ils pensent pouvoir gérer comme ils l’entendent parce qu’ils ont le capital économique mais qui nous appartiennent aussi.

La convergence des luttes est une licorne à gauche actuellement mais elle reste nécessaire. Les supporters privés de libertés de déplacement depuis de longs moments ont été des cobayes pour le maintien de l’ordre et la gestion des manifestations. Pareil pour l’attitude de la police dans les banlieues qui ont fini par toucher l’ensemble des citoyens voulant simplement manifester. Il faut refuser le cloisonnement et l’hypothétique éloignement de nos situations d’oppressions décidés par les Gouvernants pour comprendre que c’est le même projet et le même groupe qui nous attaquent. Et que sans union, point de salut.

Benjamin Chahine

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