Les gauches européennes à l’épreuve du Brexit

Résultats décevants pour Podemos, guerre ouverte au sein du Labour Party, motion de défiance votée à l’égard de Jérémy Corbyn soit autant d’éléments qui, de près ou de loin, ont à voir avec le vote britannique de jeudi dernier et qui révèlent peut-être la vraie information que nous apporte le Brexit. Evidemment celui-ci souligne à la fois l’échec de l’Union Européenne telle qu’elle existe aujourd’hui et les fractures grandissantes au sein même du Royaume-Uni (entre cadres et classes populaires, entre Londres et le reste de l’Angleterre ou encore entre l’Ecosse et l’Irlande du Nord d’un côté et l’Angleterre et le Pays de Galles de l’autre). Nier ces enseignements reviendrait à vivre complètement déconnecté de la réalité.

Toutefois, il me semble que la principale révélation de ce scrutin – mais aussi de toute la campagne – est la mise en évidence de la faiblesse criante de la gauche européenne. Jérémy Corbyn est contesté dans son camp pour ne pas avoir assez fait campagne pour le « Remain ». Et pour cause, il ne croit pas en cette Union Européenne et rêvait secrètement, comme ont tenté de le faire beaucoup de ceux qui lui ont permis d’accéder à la direction du parti, d’entrer en campagne pour le « Lexit » (contraction de left, gauche, et exit, sortie, comprenez une sortie de l’UE par la gauche). Lire la suite

De quoi la Réforme est-elle le nom ?

Voilà désormais plus de deux mois que la contestation contre la loi Travail, ou loi El Khomri comme vous préférez, a commencé. Loin de l’avoir brisé, l’usage du 49-3 a, semble-t-il, donné une forme de regain au mouvement social – ce qui ne manque pas de provoquer l’ire et la panique de l’exécutif et du gouvernement à quelques jours du début de l’Euro 2016. Depuis le début de la contestation, le pouvoir en place, Manuel Valls en tête, n’a eu de cesse de se lever contre les conservatismes de toutes parts qui seraient en train de faire échec au réformisme nécessaire. La une du Point de la semaine dernière ne dit pas autre chose en titrant sur les sources du « mal français », comprenez les syndicats et la gauche archaïque.

La loi travail doit se faire, coûte que coute au nom de la Réforme à entendre le Président sur Europe 1 ou le Premier ministre dans ses multiples prises de paroles. Il faut libérer la France des archaïsmes et donc la réformer pour la faire entrer dans la modernité si l’on s’en tient aux propos de nos dirigeants. Si le recours au terme de Réforme pour justifier des mesures visant à casser notre modèle social est ancien, il me semble que la tendance soit en train d’atteindre son climax puisque, dans la bouche de Manuel Valls, cette Réforme est impérieuse pour lui qui affirme qu’il existe désormais « deux gauches irréconciliables » ce qui sous-entend que l’une de ces gauches serait dans la Réforme tandis que l’autre serait dans l’archaïsme. Lire la suite

Réforme du code du travail: le tocsin est sonné !

Hier, dans l’après-midi, le gouvernement a sonné la charge pour défendre son projet de loi controversé sur le code du travail. En créant un compte sur Twitter, il s’est, en effet, mis en position de lutte. Après la déflagration de la tribune signée par Martine Aubry dans Le Monde, Manuel Valls et François Hollande ont donc répliqué sur plusieurs fronts : le Premier ministre a répondu de manière véhémente dans le même journal et le gouvernement a donc lancé ce grotesque compte twitter. Les réactions n’ont pas tardé à apparaitre sur le réseau social à l’oiseau entre moqueries et colère.

Dans l’Histoire de notre pays, le tocsin était sonné pour prévenir la population d’un danger important – le plus souvent un incendie – mais aussi pour rassembler la population en cas d’urgence. Les deux pyromanes à la tête du pays n’en sont pas à leur premier départ d’incendie – prolongation de l’état d’urgence, déchéance de nationalité, tournant libéral – mais celui-ci pourrait bien se retourner contre eux, voire mettre le feu entre eux si l’on en croit les différentes sources indiquant un climat glacial de quasi-cohabitation entre le président de la République et son Premier ministre. Lire la suite

Lettre ouverte d’un jeune de gauche à Jean-Luc Mélenchon

Mon cher Jean-Luc, j’ai pas mal hésité avant de t’écrire cette lettre. La liras-tu ? J’ose espérer que oui toi qui en appelles au peuple tout le temps. J’espère que tu excuseras mon tutoiement mais je me permets de te tutoyer vu que tu te dis proche du peuple. J’imagine que tu ne m’en tiendras pas rigueur et si c’est le contraire tant pis ça sera une nouvelle preuve de l’hypocrisie dans le monde politique. Si je prends cette liberté, c’est aussi parce que nous sommes relativement proche au niveau des idées sur pas mal de points : une répartition plus équitable des richesses, la dénonciation d’une Europe trop libérale et enfermée dans les carcans des traités ou encore l’appel à une VIème République. Cette proximité d’idées, c’est aussi la raison pour laquelle j’ai hésité à t’écrire cette lettre. J’espère que tu prendras le temps de lire cette missive et, pourquoi ne pas rêver, d’y répondre. Je te le disais, j’ai longuement hésité avant de t’écrire cette lettre. En apprenant ta candidature j’ai commencé un brouillon. Je me suis alors dit qu’émettre des doutes sur la personne qui porte les idées dont je suis le plus proche n’était pas très pertinent. J’ai donc jeté mon brouillon. Puis j’ai à nouveau réfléchi et je me suis dit que ça allait à l’encontre du doute méthodique si cher à Descartes et Socrate et que ne pas t’écrire reviendrait à trahir l’honnêteté intellectuelle que j’essaye d’avoir en permanence. Lire la suite

Le Parti Socialiste en état de mort clinique

Le débat sur la déchéance de nationalité a ébranlé le PS et c’est aujourd’hui l’heure de vérité. Le débat sur la réforme constitutionnelle nous dira, en effet, ce qu’il reste de la majorité présidentielle après plus de trois années d’exercice. Après le tournant libéral, après le virage sécuritaire, voilà François Hollande qui se présente une nouvelle fois – d’aucuns diront une dernière – face à sa majorité pour une réforme constitutionnelle qui pourrait bien marquer un tournant dans sa vie politique et dans la vie politique française. Le président de la République joue, en effet, une partie de poker demain à l’Assemblée : il en sortira renforcé ou quasiment détruit.

Nicolas Sarkozy l’a très bien compris, lui qui a demandé aux députés de son parti de voter pour la réforme constitutionnelle. Il est bien conscient que s’il n’est pas écouté, c’est sur lui et sur son parti que retombera l’opprobre. François Hollande et le PS ne se priveront pas de fustiger une droite qui fait fi de l’union nationale. Le chef de l’Etat a bien conscience que si jamais la droite vote favorablement et que les voix manquantes se trouvent dans son propre camp, cela signera peut-être la fin de ses ambitions de réélection. Alors bien sûr, ci et là on entend des frondeurs au PS dire qu’ils voteront contre mais il y a fort à parier que la grande majorité des députés socialistes voteront en faveur de cette loi. En réalité, le PS est aujourd’hui en état de mort clinique et le conseil national du parti l’a acté samedi dernier. Lire la suite

Hollande et Valls ou la politique de la terre brulée

Mercredi dernier, le couperet est finalement tombé. Christiane Taubira a quitté son poste de Garde des Sceaux, emportant avec elle le peu de gauche qu’il restait encore dans ce gouvernement. Pour beaucoup d’observateurs, l’ancienne vice-présidente du Parti Radical de Gauche constituait la dernière « caution de gauche » du président dans un gouvernement qui a renié les promesses de 2012 les unes après les autres optant pour une approche de plus en plus libérale et autoritaire, insufflée en grande partie par Manuel Valls. Ce dernier a entretenu, depuis 2012, une relation tumultueuse avec la désormais ex-Garde des Sceaux. Depuis son arrivée à Matignon, il n’a, en effet, eu de cesse de réclamer à François Hollande l’éviction d’une Christiane Taubira qui ne se gênait pas pour faire entendre sa voix, presque toujours discordante avec l’action du gouvernement.

Le Premier ministre ne s’est, d’ailleurs, pas privé d’un dernier tacle à l’encontre de Madame Taubira. « Résister ce n’est pas fuir ses responsabilités » a-t-il rétorqué au tweet de son ex-collègue dans lequel elle affirmait : « Résister c’est parfois rester. Résister c’est parfois partir ». Dernière passe d’armes entre un Premier ministre socialiste-libéral – comme il s’est lui-même défini – et une femme de convictions, ou tout du moins une femme qui se dit fidèle à ses convictions. Je laisse chacun se faire son opinion sur la question. Aujourd’hui débute le débat sur la réforme constitutionnelle et sur la prolongation de l’état d’urgence. Le mariage pour tous aurait pu être le symbole sociétal de ce quinquennat – comme l’abolition de la peine de mort en a pu l’être en son temps – mais il n’en sera rien. Cette mandature restera marquée au fer rouge, tel le bagnard Jean Valjean, par le débat sur la déchéance de nationalité et sur la limitation des libertés individuelles. Lire la suite

Podemos synonyme de changement profond, vraiment ?

« Séisme », « tremblement de terre », « bouleversement total » ; tels étaient les titres des journaux espagnols au matin du 21 décembre dernier. Le bipartisme est mort, vive le nouveau modèle politique entendait-on un peu partout en Espagne. Le Parti Populaire du Premier Ministre Mariano Rajoy est certes arrivé en tête mais a subi un net recul. Celui-ci est lié à la percée de Ciudadanos d’une part mais surtout au résultat de Podemos qui talonne le PSOE (Parti Socialiste Espagnol) en termes de sièges obtenus et le dépasse même en termes de suffrages. Ce résultat constitue, en réalité, la troisième réplique en Europe après l’arrivée au pouvoir de Syriza et le renversement du gouvernement conservateur au Portugal.

Toutefois, si séisme il y a eu, celui-ci n’a rien à voir avec le choc qu’avait pu provoquer l’arrivée au pouvoir de Syriza en janvier 2015 pour au moins deux raisons : Podemos n’arrive pas en tête et il y a peu de chances que le parti issu du mouvement des Indignés gouverne l’Espagne pour le moment et surtout Podemos n’a jamais menacé frontalement la politique d’austérité en Europe, Pablo Iglesias a même dit qu’il était prêt à tout pour conserver l’Espagne dans la zone euro. Podemos a néanmoins déjà œuvré pour plus de solidarité en Espagne grâce aux mairies conquises en 2015. Lire la suite

A gauche, la lâcheté décide de tout

La semaine dernière, le premier secrétaire du parti socialiste, Jean-Christophe Cambadélis, était sur le plateau d’On n’est pas couché pour présenter et faire la promotion de son nouveau livre intitulé A gauche, les valeurs décident de tout. Dans cet ouvrage, il explique que l’essence même de la gauche (comprenez le Parti Socialiste) est de s’adosser à ses valeurs et de les défendre coute que coute. Il précise également que depuis quelques temps la gauche a pu transiger avec ce principe là et qu’il faut qu’elle revienne rapidement à ses valeurs fondamentales sous peine d’être vouée à disparaitre en tant que gauche.

Monsieur Cambadélis semble oublier qu’il est premier secrétaire du PS et qu’il est donc, de facto, celui qui est censé insuffler la dynamique au sein du parti. Si la gauche s’est détournée de ses valeurs, il n’y est donc pas étranger. Et pourtant, le livre ne sonne absolument pas comme une autocritique mais bien comme une charge contre quelque chose d’informe. En utilisant le mot « gauche », le premier secrétaire s’exonère de dire clairement quelles sont les personnes visées par sa diatribe. Toutefois, il a raison sur un point : la gauche s’est bel et bien détournée de ses valeurs. Par lâcheté face aux sondages ou face à l’Allemagne, le PS a renié ses valeurs d’égalité et de solidarité, fondements de son identité. Lire la suite

Changer l’Euro et réorienter l’UE : la fin de l’utopie

Longtemps j’ai cru qu’il était possible de modifier l’euro et de réorienter la politique européenne vers plus de croissance, plus de justice et plus de solidarité. Naïf, je me suis dit que la crise de la dette souveraine, qui touche l’Europe depuis 2010, allait permettre cette réorientation vers une politique plus humaine où le politique reprendrait réellement le pas sur l’économique. D’ailleurs, crisis ne signifie-t-il pas choix en grec ? Malgré les mises en gardes répétées de plusieurs économistes ou politologue, comme Jean-Paul Fitoussi dans La Règle et le choix, j’ai voulu croire que c’était quand même possible. La crise grecque et le diktat imposé au pays de Platon, d’Aristote et de Socrate par les institutions européennes est venu signifier la fin de ce doux espoir. Non l’Euro ne peut pas être changé et non l’UE ne sera pas réorientée, l’Allemagne et ses sbires ne le permettront jamais.

Au-delà de la simple critique de l’Allemagne, ce que « l’accord » du 12 juillet met en lumière, c’est la crise profonde que traverse la gauche européenne (comme l’avait si bien remarqué Raffaele Simone dans Le Monstre doux). La pensée de gauche est en crise parce qu’elle est incapable de remettre en question les choses existantes. Elle a perdu cette force qui était la sienne et qui la poussait à remettre en cause l’ordre établi pour aller vers plus de solidarité et plus de progrès. Il faut aussi s’intéresser à l’étymologie du mot crise. Comme dit plus haut, en grec crisis signifie choix. Si la gauche est en crise c’est aussi parce qu’elle est à la croisée des chemins : se réinventer ou mourir, telle est l’alternative qui se présente aujourd’hui à la gauche européenne.
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