Licenciement politique d’Aude Lancelin (qui a publié Le Monde libre pour le raconter), publication d’une longue enquête de Laurent Mauduit sur le monde des médias – Main basse sur l’information – ou encore purge à I-Télé après l’arrivée de Jean-Marc Morandini sur la chaine, l’année 2016 a été marquée par la continuation d’une logique délétère et dangereuse pour notre démocratie au sein des médias dits dominants. Traitement partiel et partial de nombreux sujets, pensée unique au sein des pages, désaffection toujours plus grandissante de la part des citoyens à l’égard des grands médias, nombreux sont les symptômes qui témoignent de la crise profonde que traverse les médias français tombés, pour la plupart, aux mains d’une dizaine d’industriels. Cette crise profonde traversée par les médias français ébranle également notre démocratie puisque nulle démocratie ne saurait être parfaite sans véritable contre-pouvoir et les médias en constituent peut-être la tête de file. Alors que les médias et les journalistes ont vocation à être les chiens de garde de la démocratie afin de ne pas permettre à l’élite politico-économique d’outrepasser ses compétences, ceux-ci sont depuis trop longtemps devenus des chiens de garde pour permettre que le système actuellement en place ne bouge pas et ne soit jamais remis en question. Il ne s’agit évidemment pas d’incriminer les journalistes en tant que tel qui sont nombreux à vouloir exercer leur métier en gardant la tête haute mais d’interroger les grandes dynamiques à l’œuvre depuis des décennies, celles qui ont abouti à jeter les médias dans les bras d’industriels peu scrupuleux.
Si, comme le disait Jefferson, un pays sans gouvernement mais avec presse libre est préférable à un pays avec gouvernement mais sans presse libre alors il est grand temps d’agir pour redonner de la noblesse aux médias, en les sortant des griffes acérées dans lesquelles ils se sont perdus – parfois volontairement. Comme je le disais plus haut, au-delà de la simple liberté de la presse c’est bel et bien toute notre architecture démocratique qui est en péril. A trop sacrifier l’urgence à l’essentiel nous avons oublié l’urgence de l’essentiel ainsi que l’écrit brillamment Edgar Morin. Le voilà qui nous rattrape par le col et nous force à composer avec lui sous peine de sombrer définitivement dans une forme de dictature douce qui n’aurait rien à envier à celle que décrivait Georges Orwell dans 1984. Il n’est pas trop tard pour casser la dynamique mortifère actuellement à l’œuvre au sein des médias français mais pour cela il faudra que cette question soit l’une des questions centrales de la campagne présidentielle qui s’annonce. Sans volontarisme fort, il n’y a en effet guère de chance que les médias recouvrent une pleine et entière liberté alors même que nous en avons besoin si nous voulons conserver et améliorer notre système démocratique. Il n’est pas trop tard mais l’urgence devient chaque jour plus pressante. Pour parvenir à rendre nos médias plus libres et plus démocratiques il me semble qu’il nous faut absolument partir du champ de ruines actuel qu’a entrainé la double normalisation subie par les médias. Afin de sortir de l’ornière, réinventer la loi de 1881 sur la liberté de la presse me semble être absolument nécessaire pour que la chèvre de Monsieur Seguin triomphe enfin du loup. Lire la suite →