Le mode de scrutin PLM en quelques lignes

Marseille, le Vieux- Port -Paul Signac

Dimanche, une bonne partie des communes françaises éliront leur équipe municipale pour les six années à venir – un certain nombre des communes du pays, principalement les moins peuplées, l’ont fait dès le premier tour. S’il existe une différence dans le mode de scrutin entre les communes de moins de 1 000 habitants et les autres, une autre variation est présente pour Paris, Lyon et Marseille. Cet état de fait semble souvent oublié tant par les sondeurs que par les analystes politiques qui fondent leur commentaire sur des sondages globaux, faisant ainsi fi du mode de scrutin très particulier qui régit les élections municipales pour les trois plus grandes villes françaises.

Mise en place en 1982 par Gaston Deferre alors ministre de l’Intérieur et maire de Marseille (ce qui peut interroger), la loi relative au statut électoral de Paris, Lyon et Marseille s’inscrivait dans le contexte de décentralisation. Contrairement aux autres communes de plus de 1 000 habitants, le trio PLM n’élit pas une seule liste mais plusieurs. Dans chaque arrondissement pour Paris et Lyon ou secteur (regroupant chacun deux arrondissements) pour Marseille, une liste est élue et la mairie d’arrondissement ou de secteur envoie un certain nombre de conseillers municipaux à la mairie centrale, ce qui change beaucoup de choses.

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De la Plaine à la rue d’Aubagne, la bataille du centre

Le 5 novembre dernier, la France réalisait avec effroi à quel point la misère gangrénait sa deuxième plus grande ville. Plus précisément, en ce triste jour d’automne, le voile pudique posé sur la pauvreté, l’insalubrité et l’incompétence de l’équipe municipale se déchirait dans le fracas de l’effondrement de deux immeubles. Les huit morts du 5 novembre, progressivement sortis des décombres les jours suivants la catastrophe – au sens étymologique du terme, la katastrophê grecque signifiant le renversement – sont autant de témoins, désormais hors de ce monde, de l’incurie des pouvoirs publics dans la gestion de l’habitat à Marseille.

Si la France s’est réveillée ce jour-là par rapport aux politiques criminelles menées à Marseille, les Marseillais étaient conscients depuis longtemps de cet état de fait. Il n’en demeure pas moins que le tragique 5 novembre 2018 est désormais une plaie béante dans la chair de la Cité phocéenne, une date à marquer d’une pierre noire dans les livres d’histoire de la ville. De la même manière qu’il est vrai que les Marseillais, à commencer par les plus populaires d’entre eux, étaient conscients de la situation déplorable de l’habitat dans le centre-ville et de la stratégie volontairement mise en place par Jean-Claude Gaudin pour « nettoyer » cette partie de la ville selon ses propres mots, l’effondrement des deux immeubles a fait l’effet d’un choc dont les répercussions sont, encore aujourd’hui, difficiles à prévoir. Ce point de rupture auquel Marseille tout entière semble parvenue est peut-être le franchissement du seuil qui va permettre de précipiter des changements d’ampleur, c’est en tous cas ce que l’on peut espérer lorsque l’on voit la réaction digne et forte des Marseillais.

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Et Marseille s’effondra

Il est aux alentours de 14h30 ce samedi quand l’écran de mon téléphone s’allume pour afficher une notification de l’application de France Info. A quelques minutes du lancement de la marche blanche en hommage aux victimes de la rue d’Aubagne, celle-ci indique que les recherches sont définitivement terminées dans les décombres des bâtiments effondrés et que les sauveteurs ont l’assurance qu’il n’y a pas d’autres corps sous les gravats. Cette notification vient clore une semaine pénible et douloureuse au cours de laquelle nous avons vu le bilan s’alourdir progressivement. De l’effondrement des immeubles le lundi 5 novembre à la fin des recherches le 10 novembre, chaque jour ou presque une ou plusieurs notifications sont venues lester le bilan qui est finalement de huit morts.

Impuissants, nous avons été forcés de voir s’égrener cette liste mortuaire sans rien pouvoir y faire pendant qu’en parallèle, les responsables de ce carnage pavoisaient dans les médias ou sur le terrain en expliquant qu’ils avaient fait tout ce qui était dans leurs possibilités pour éviter un tel drame mais que, comble de l’indécence nous y reviendrons, ils ne pouvaient rien face à la puissance des éléments naturels. Comme un symbole de plus, un balcon s’est effondré lors du passage de la marche blanche ce samedi, symbole d’une ville en train de s’écrouler sur elle-même tandis que l’équipe municipale assure que tout va bien et qu’elle a tout fait pour éviter les drames. Il est plus que temps de démasquer les criminels et de démontrer à quel point le drame de la rue d’Aubagne n’est pas fortuit mais bien la conséquence en même temps que le symbole d’une politique bien plus large. Lire la suite

Marseille au bord de la rupture ? (3/3): demain, c’est loin ?

Politique versus politiques

 

C’est une constante qui n’est pas propre à Marseille mais à l’ensemble de la France : les commentateurs et observateurs s’empressent de parler de dépolitisation des populations dès lors que les taux d’abstention bondissent. La caste politicienne use allègrement de ce vocable pour mieux expliquer que ceux qui ne se rendent pas aux urnes n’ont que faire de la politique. Bien sûr dans leur bouche le terme de politique ne recouvre que leur petit marigot, en somme la politique politicienne. Il est d’ailleurs assez dramatique que ce terme désigne deux sens aussi éloignés : d’un côté les petites tambouilles et la course aux suffrages qui mène au clientélisme le plus acharné, de l’autre la vie de la Cité. Parce que le fond du problème sur cette question est bien là, la notion de politique a été préemptée par les politiciennes et politiciens professionnels qui en ont fait leur métier. La rhétorique sur la dépolitisation n’est donc pas anodine puisqu’elle permet tout à la fois l’infantilisation et la domination arbitraire de cette caste. Puisque vous ne vous intéressez pas à la politique on va la mener pour vous, voilà en somme ce qui se cache derrière le concept fourre-tout et fumeux de la dépolitisation. Concept qu’il est urgent de déconstruire, particulièrement à Marseille. Lire la suite

Marseille au bord de la rupture ? (2/3): la stratégie du dégoût

Bloc historique et pouvoir hégémonique

 

La grande fracture dont j’ai parlé tout au fil de la première partie suppose évidemment que si d’un côté il existe des exclus, des laissés pour compte, de l’autre un véritable groupe social tire profit de cette fracture. A Marseille en effet les inégalités sont très grandes, la pauvreté la plus extrême cohabite avec une grande bourgeoisie. C’est précisément cette dichotomie qui me pousse à parler de fracture. La politique de classe menée dans la Cité phocéenne n’est pas le fruit d’un quelconque hasard ou d’éléments fortuits. Elle est au contraire la conclusion et l’aboutissement d’une logique qu’avait enclenchée Gaston Defferre en son temps. La ville de Marseille se caractérise effectivement par la longévité de deux maires. De 1953 à aujourd’hui, si l’on excepte le passage de Robert Vigouroux durant 7 années à la tête de la ville, Marseille a été gouvernée par deux hommes : Gaston Defferre durant 33 ans quasiment jour pour jour et Jean-Claude Gaudin – promu par Defferre – depuis 1995. Si le patriarche Gaudin a annoncé qu’il ne se représenterait pas lors des municipales de 2020, sa succession au sein de son parti est loin d’être déterminée. En apparence, la ville de Marseille a basculé dans l’alternance lorsque Jean-Claude Gaudin en a pris les rênes. Dans la réalité il n’y eut guère de rupture. Defferre et Gaudin n’ont pas mené de politiques différentes dans leur nature, loin de là, une politique au profit d’un petit nombre quand la grande masse de la population marseillaise était laissée à l’écart. Lire la suite

Marseille au bord de la rupture ? (1/3): la faille béante

Il arrive parfois que l’actualité prenne un malin plaisir à souligner des éléments que l’on se refuse à voir. Il arrive aussi que le surgissement d’événements, d’annonces, d’inaugurations soit une forme de seuil franchi dans une logique déjà bien en place. Il me semble que nous avons assisté à des événements de ce type il y a deux semaines pour la ville de Marseille. Au cours de ladite semaine, en effet, trois éléments sont venus rappeler avec force et vigueur de quel mal souffrait la Cité phocéenne du fait de la petite caste au pouvoir, trois éléments différents dans leur nature mais constitutifs et révélateurs d’une même logique, celle d’une gestion erratique au profit de quelques-uns – notamment les touristes – et au détriment du plus grand nombre des Marseillais. Le premier acte de cette semaine apocalyptique au sens premier du terme (en grec ancien l’apocalypse désignait la révélation) fut sans conteste l’annonce de la mairie expliquant qu’un téléphérique allait voir le jour à l’horizon 2021 pour relier le Vieux-Port à Notre-Dame-de-la-Garde, un peu comme s’il n’y avait pas d’autres priorités dans la ville. Le deuxième acte, jeudi, fut l’inauguration du centre commercial du Prado à deux pas du Vélodrome qui est venu souligner la gestion totalement absurde de la ville et cette course effrénée à l’ouverture de malls à l’américaine. Le dernier acte, pendant le week-end, fut la distribution par Yves Moraine, le maire des 6ème et 8ème arrondissements de la ville de chocolat pour le week-end pascal à des personnes âgées venant signifier à quel point le clientélisme était encore prégnant dans la ville.

Cette semaine ou plutôt ces trois éléments ont ceci d’intéressant qu’ils représentent une forme de triptyque symbolisant l’ensemble ou presque des problèmes qui rongent Marseille. Dans une vision globalisante, l’on pourrait même dire que ces trois éléments représentent tout à la fois les résultats du passé (inauguration du centre commercial), les menaces du futur (téléphérique) et la persistance d’un présent qui semble éternel dans la plus vieille ville française (clientélisme). Ce tableau sombre et menaçant ne semble pourtant pas inquiéter le moins du monde la camarilla au pouvoir depuis des décennies dans la ville et qui a tout fait pour que les inégalités explosent. Parce que voilà ce qu’est Marseille aujourd’hui, une ville qui rassemblent sans doute une grande part des problèmes de la France entre des inégalités croissantes, une pauvreté endémique dans certains quartiers de la Cité et un dégoût tellement prononcé des populations à l’égard de la caste politicienne que celles-ci sont entrées dans une grève électorale – au plus grand plaisir de ceux au pouvoir dont c’était le but. Dans Demain, c’est loin, les rappeurs du groupe IAM tiennent des propos qui, assurément, plus de vingt ans plus tard décrivent encore à merveille la situation de la ville. « Les élus ressassent rénovation, ça rassure / Mais c’est toujours la même merde derrière la dernière couche de peinture » chantaient-ils et on ne peut que leur donner raison lorsque l’on voit à quel point Jean-Claude Gaudin s’est appliqué à faire un lifting géant du centre-ville, à procéder à une politique de gentrification à marche forcée pour mieux attirer touristes et investisseurs. Mais derrière ce décor de carte postale que Marseille essaye de vendre se niche une réalité bien plus sommaire et effrayante : celle d’une ville où les écoles sont délabrées et les bidonvilles présents parce que la mairie se fiche allègrement de ceux qui n’habitent pas du bon côté de la Canebière. Lire la suite

La fille de Phocée écarlate

Qu’il est difficile, douloureux et désagréable de prendre la plume pour t’adresser ces mots chère fille de Phocée. En apprenant que tu avais été frappée au cœur j’ai été quelque peu abasourdi. Sans doute le fait que je sois à près de 1000 km de toi a joué dans le sentiment que j’ai ressenti à ce moment-là. Quand quelque chose arrive à une personne que l’on aime, en effet, on aimerait être proche d’elle, tenter de la réconforter quand bien même cela est dérisoire en regard de ce qu’il s’est passé. Dimanche soir, au contraire, dans le froid et la grisaille de ta très éloignée sœur lilloise, je me suis senti comme impuissant et, je crois, qu’il n’y a pas de pire sentiment que celui-ci.

Voilà maintenant six années que mes études m’ont mené plus ou moins loin de toi mais avec une même constante, la félicité que représente l’arrivée à Saint-Charles pour l’exilé que je suis en partie devenu. D’Aix-en-Provence toute proche à Lille la très éloignée en passant par Paris ou Nantes, mes multiples pérégrinations en France me ramènent toujours vers le même point de fuite : la gare Saint-Charles, ton cœur qui a été touché dimanche soir. La gare Saint-Charles est, pour moi, cet endroit ambivalent entre le bonheur du retour et la nostalgie des départs lors de laquelle je ne peux m’empêcher de jeter un dernier coup d’œil sur tes courbes que j’aime tant. Lire la suite

Bernard Ravet ou la fable marseillaise

A chaque rentrée scolaire c’est toujours le même sempiternel bal des publications de livres ayant un rapport avec l’école au sens large. Chaque année, l’une de ses publications obtient les faveurs des médias et des politiciens. Si l’année dernière avait été marquée par une réflexion autour de l’utilisation des neurosciences à l’école et de leurs supposés bienfaits dans Les Lois naturelles de l’enfant de Céline Alvarez, cette rentrée est marquée par la surexposition médiatique d’un brûlot écrit par Bernard Ravet, un ancien principal de collèges marseillais. Dans Principal de collège ou imam de la République, cet homme s’applique méthodiquement à fustiger la progression supposée de l’islamisme au sein de l’éducation nationale en général et dans le 3ème arrondissement de Marseille en particulier.

Quiconque a l’habitude de parcourir mes divagations sur ce blog sait que la question de l’école est centrale pour moi. C’est donc tout naturellement que ce livre et cette prise de position au vitriol m’intéressent. Toutefois, et c’est l’originalité de ce livre pour moi, l’ouvrage de Monsieur Ravet me touche particulièrement dans la mesure où celui-ci évoque non seulement Marseille mais précisément l’arrondissement où j’ai grandi et qui abrite le collège où j’ai étudié. Etant donné l’absence de mise en perspective ou même de contradicteur sur l’ensemble des plateaux télé où est invité ce monsieur, il me paraît important de rétablir quelques vérités loin de la thèse orientée et se fondant sur des années de vie dans cet arrondissement. Lire la suite

Un deuxième tour indécis à Marseille

Ce blog ayant aussi  vocation à être un lieu d’échange je publie aujourd’hui le texte d’Anthony Guttuso sur l’entre-deux tours indécis à Marseille.

 

Tiraillés par la question du barrage républicain, les électeurs de la cité phocéenne ne savent pas encore quoi faire le 7 mai prochain.

 

« Je ne dirais pas pour qui je vais voter ». Jean-Luc Mélenchon, éliminé dès le premier tour de l’élection présidentielle, n’a pas donné de consigne de vote pour le deuxième round. Arrivé en tête à Marseille, où il a récolté 24,82% des suffrages, le candidat La France Insoumise (FI) laisse derrière lui de nombreux électeurs, qui devront choisir dimanche 7 mai entre Emmanuel Macron ou Marine Le Pen. Si le silence est parfois d’or, celui de « JLM » renforce l’incertitude qui règne autour du second tour dans la cité phocéenne. Lire la suite

Marseille, casino minable

Parfois il arrive que la réalité rattrape la fiction. Il semblerait qu’à Marseille nous soyons en train de vivre un tel phénomène. Dans la série éponyme de Netflix, le maire de la ville Raymond Taro, joué par Depardieu, souhaite mettre en place une marina sur l’emplacement du J4 en y plaçant notamment un casino pour « revitaliser la ville ». C’est précisément ce qu’envisage de faire Jean-Claude Gaudin lui qui souhaite transformer la Villa Méditerranée en casino qui « apportera argent et touristes » à la ville. Si la réalité rejoint la fiction, je doute fortement qu’elle la rejoigne jusqu’au bout. Dans la série, en effet, le 1er adjoint au maire joué par Magimel refuse la mise en place de la marina. On peine à imaginer sans pouffer Dominique Tian faire de même.

Alors certes, le premier édile de la ville a semblé amorcer un rétropédalage hier au micro de France Inter. Il a expliqué que le casino ne se ferait pas forcément en lieu et place de la Villa Méditerranée mais qu’il restait convaincu du bien-fondé d’une telle démarche. Toutefois, dans le même temps Christian Estrosi a réaffirmé que la région avait bel et bien l’intention de se séparer de la Villa Méditerranée qui serait trop « couteuse ». Dans ce jeu de billard à plusieurs bandes, comme bien souvent dans les affaires marseillaises, le flou et l’enfumage semblent être de mise. En réalité, peu importe que le casino remplace ou pas la Villa Méditerranée, le simple fait que Monsieur Gaudin y ait pensé est signifiant en lui-même. Loin de n’être qu’une volonté isolée, celle-ci s’inscrit dans une logique présente depuis de nombreuses années et qui aboutit aujourd’hui à accroître la schizophrénie de la ville entre vitrine clinquante pour touristes et pauvreté toujours plus grande pour les habitants. Lire la suite