Le franchissement de seuil (sur la fusion en cours entre fascisme et néolibéralisme)

Les Quatre Cavaliers de l’Apocalypse – Viktor Vasnetsov

19 décembre 2023, après quelques jours de frénésie politique et bien des péripéties, la loi immigration portée par le gouvernement et par Gérald Darmanin est adoptée à la fois par l’Assemblée Nationale et le Sénat. Quelques jours plus tôt, le locataire de la Place Beauvau et homme fort du gouvernement avait subi un immense camouflet à la suite de l’adoption d’une motion de rejet dès le début des débats sur sa loi. S’il ne fallait pas être dupe du vote de Les Républicains et du Rassemblement National – qui ont ostensiblement affirmé qu’ils avaient voté contre parce que la loi n’allait pas assez loin – cela a constitué une défaite majeure pour le gouvernement. 

À cette défaite ont succédé une commission mixte paritaire qui a fortement durci le texte initial, des marchandages avec LR et le RN pour s’assurer de leurs votes et in fine l’adoption dudit texte durci grâce à l’adjonction des voix de la droite extrême et de l’extrême-droite. Le gouvernement et Emmanuel Macron ont beau eu vitupérer que le texte n’avait pas été adopté avec les voix de l’extrême-droite ou expliquer que le conseil constitutionnel avait censuré une bonne partie des dispositions – donc laisser ce dernier arbitrer politiquement pour le compte du pouvoir en place, ce qui n’est pas sans conséquences mortifères – la réalité est bien présente sous nos yeux depuis lors : l’adoption de cette loi importante pour le gouvernement grâce aux voix de l’extrême droite n’était pas un coup politique mais bien un franchissement de seuil dans la fusion en cours entre macronisme et lepénisme.

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Les vents mauvais (sur l’élection présidentielle et la bataille culturelle)

Bâteaux de pêche hollandais dans la tempête – J.M.W Turner

En ce début du mois d’octobre, la campagne présidentielle semble bel et bien lancée. Bien que le scrutin ne se tienne que dans plusieurs mois et que nous ne sachions pas encore qui sera effectivement candidat, la rentrée politique a, sans surprise aucune, initiée les débats autour de cette élection. Plus précisément, le cadre de la campagne est en train d’être petit à petit posé et il risque ensuite d’être extrêmement compliqué, pour ne pas dire impossible, de faire émerger d’autres thèmes structurants que ceux qui auront été définis dans cette période.

Victoire, d’une courte tête, de Yannick Jadot dans la primaire EELV, candidature d’Anne Hidalgo pour un PS qui se rêve ressuscité, montée en puissance d’un Zemmour bien aidé par les médias dominants pendant que le gouvernement prépare sans guère se cacher la candidature d’Emmanuel Macron sur des sujets identitaires, tout est en train de se mettre progressivement en place. Dans cette optique, il importe de s’intéresser à la bataille culturelle et aux idées forces qui risquent fort de structurer la campagne dans les mois à venir puisque c’est bien ces structures qui importent le plus.

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La gauche, le Front Républicain et la posture Macronienne

Dimanche de lecture dans une école rurale, 1895 – Nikolaï Bogdanov-Belski

Dans la torpeur d’un samedi sous couvre-feu dans la plus grande partie de la France et sous confinement ailleurs, Libé sort une enquête sur ces électeurs de gauche qui ne sont plus prêts à faire barrage en 2022. Branle-bas de combat dans l’intelligentsia Macronienne, qui a fait de la lutte contre le FN sa posture et du front républicain la seule façon d’être au pouvoir et d’y rester. Cependant, dans un pays qui n’est pas gouverné par des fascistes mais où un parti fondé par des anciens SS fait régulièrement 30%, que sous-entend le front républicain? Et pourquoi on ne demande cette posture essentiellement à la Gauche, autant en amont d’un scrutin ? Tentative de réponse.

Toute la Macronie, certains Ze sur Twitter, quelques personnalités de droite, tous y sont allés de leur petite pique, même de leur attaque envers le journal Libé et concernant cette enquête sur les gens qui ne croient plus dans le barrage républicain pour faire reculer le RN en France. Même Nathalie Loiseau, qui a été sur une liste du GUD à 19 ans a jeté son regard dédaigneux sur cette une et cette enquête. Encore une fois, la honte ne les étouffe pas, mais ça dit beaucoup sur eux, et autant sur la Gauche.

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L’escalier infernal (à propos de Samuel Paty)

Bâteaux de pêche hollandais dans la tempête – J.M.W Turner

Le 16 octobre dernier, alors qu’environ un tiers des Français s’apprêtaient à entrer dans une période de couvre-feu en raison de la recrudescence du coronavirus, c’est tout le pays qui s’est soudainement vu placer sous une chape de plomb. L’assassinat sauvage de Samuel Paty par un jeune homme fanatisé a effectivement convoqué des souvenirs douloureux des attentats de 2015 et 2016. Quasiment un an jour pour jour après l’attaque au couteau effectuée par Mickaël Harpon au sein de la préfecture de police de Paris, un professeur d’histoire a été décapité – ce qui n’est pas sans ajouter de l’horreur à l’horreur – pour avoir projeté à ses élèves des caricatures tout en prenant soin de proposer à celles et ceux qui pourraient se sentir choquer de sortir de la salle.

Après Charlie Hebdo, après l’Hypercasher, après le Bataclan, après un religieux, après la promenade des Anglais, après bien d’autres cibles c’est désormais l’école et l’enseignement de l’esprit critique qui ont été pris pour cible. Il y a un an, après l’affaire Mickaël Harpon, nous avions assisté à une forme de folie vengeresse bien loin de la rationalité que nécessite un tel combat face aux terroristes. Aujourd’hui, la dynamique semble aller encore plus loin. Quelques jours avant le lâche assassinat de Samuel Paty, le débat public avait effectivement été focalisé sur la question du séparatisme. Ce drame a ainsi donné une latitude presque totale aux tenants des solutions extrêmes et de la haine à l’encontre non seulement des musulmans mais plus largement de toutes celles et ceux qui défendent leurs droits à vivre comme les autres en France.

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