Quel modèle pour demain ?

Voilà sept ans que le monde est en crise. Matin, midi et soir au fil des dépêches AFP, des JT ou autres flash des chaines d’info en continu nous sommes matraqués par la crise, cette hydre à plusieurs têtes que l’on arrive ni à juguler ni même – et c’est sans doute bien plus gênant – à saisir dans toute sa globalité et sa complexité. Nombre d’observateurs et d’analystes tentent d’expliquer en quoi cette crise est conjoncturelle, qu’il suffit de s’attaquer aux conséquences de ladite crise et de rafistoler avec des rustines pour régler le problème et éviter que celui-ci ne se reproduise à l’avenir.

Il me semble que cette crise est bien plus structurelle en réalité. Si l’on s’intéresse à l’histoire économique, on se rend assez vite compte que l’économie est affaire de cycle, tout du moins en Occident. Ainsi, c’est l’oscillation entre libéralisme, au sens large, d’une part et interventionnisme étatique d’autre part qui a permis de juguler les différentes crises économiques rencontrées. Au capitalisme libéral issu de la Révolution Industrielle s’est, en effet, substitué un capitalisme keynésien beaucoup plus interventionniste avec la mise en place de l’Etat Providence. La crise de ce modèle a été jugulée par le retour en force du libéralisme, dans une version encore plus poussée sous l’impulsion de l’Ecole de Chicago. En toute logique, pour régler la crise actuelle il faudrait revenir à un ersatz du modèle keynésien. Or, le problème principal que l’on rencontre est que ce modèle est devenu complétement caduc avec la mondialisation (dans la mesure où mener une politique nationale sans s’occuper du reste de la planète n’est plus possible).

Bouleversements politiques et changements économiques intimement liés

Dans notre époque où les observateurs claironnent à longueur de journée que le politique a été mis au pas par l’économique, on semble oublier que des changements économiques profonds sont nécessairement liés à des bouleversements politiques non moins profonds. Le capitalisme montre bien cette double dynamique et ce, dans toutes ses évolutions mentionnées en introduction. Au moment de l’avènement du capitalisme libéral, l’action étatique a très vite accompagné la transition vers le libéralisme. Les lois anti-trust aux Etats-Unis (Sherman Act notamment) ou la loi Waldeck-Rousseau sont venus se joindre à la révolution économique qui s’était amorcée. On retrouve cette même logique lors de la période keynésienne avec l’avènement du Welfare State ou de la période néo-libérale qui a vu l’Etat se retirer franchement pour accompagner le tournant des années 1970-1980.

Mais comment parler des liens entre politique et économie sans évoquer l’exemple du communisme ? Ce modèle est l’exemple le plus symptomatique de cette concomitance entre révolution politique et changements économiques. A vrai dire, le communisme est le paroxysme de ce modèle dans la mesure où les changements économiques et politiques sont nécessairement liés. Impossible, en effet, de mettre en place le socialisme ou le communisme sans avoir préalablement obtenu le pouvoir politique. De la même manière comment se dire socialiste ou communiste si l’on accède au pouvoir mais qu’on n’applique pas le modèle économique ? On voit bien ici que les changements économiques ne sauraient se passer d’une assise politique, peu importe ce qu’on peut bien dire sur le recul de l’Etat ou la fin du politique.

Le modèle collaboratif, solution à la crise ?

Il me semble que le modèle économique qui pourrait nous faire sortir de l’ornière est celui de l’économie collaborative. On le constate au quotidien. Le covoiturage, la propriété partagée, le principe du troc ou du prêt soit autant d’éléments qui nous montrent que nous sommes sans doute en train de vivre un certain basculement de l’histoire économique et a fortiori de l’histoire humaine. L’institutionnalisation de l’économie sociale et solidaire ne va-t-elle pas dans ce sens ? L’essor du modèle des SCOP (les sociétés coopératives) participe également de cette dynamique. Les Fralib de Gémenos ne nous donnent-ils pas l’exemple à suivre ? Dans toutes les couches de la société on assiste à l’émergence de nouveaux modes de consommation, de nouvelles démarches qui mis bout à bout concourent à construire un nouveau modèle plus soucieux de justice et d’égalité.

Certains diront que l’assise politique n’est pas présente pour accompagner ce changement qui se veut durable et profond. Je pense que nous vivons également l’amorce d’un changement profond dans notre rapport à la politique. En somme, il s’agit d’être collaboratif en économie tout comme en politique. Finalement tout l’enjeu et le défi qui sont aujourd’hui proposés à l’humanité et de repolitiser la société de revenir aux fondements de la politique à savoir la vie de la cité. Il faut que chacun redevienne citoyen et œuvre à sa propre échelle pour le vivre-ensemble. C’est, en effet, le seul moyen d’offrir une assise politique à l’économie collaborative. Le milieu associatif, les actions collectives, les cordées de la réussite sont autant d’initiatives qui visent à refaire de l’individu un citoyen soucieux de s’occuper de la vie de la cité (donc de la politique au sens grec du terme).

Finalement nous vivons réellement une crise mais une crise au sens grec du terme. Crise est issue de crisis qui signifie choix. Et c’est bien tout le défi qui s’offre à nous aujourd’hui, celui de faire le choix du modèle économique et politique que nous souhaitons mettre en place. « La crise, disait Gramsci, c’est quand le vieux se meurt et que le jeune hésite à naitre ». Cette dynamique prendra du temps, peut-être une ou deux génération, mais toute la responsabilité qui est la nôtre est de lancer le mouvement tout en ne cédant ni aux sirènes ni aux hydres car comme rajoutait Gramsci : « Le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaitre et dans ce clair-obscur surgissent les monstres ».

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