Il est des livres dont la lecture provoque en vous un haut-le-cœur de dégoût, une irrépressible rage et une profonde envie de révolte. Ainsi en est-il de Corruption, l’excellent livre d’Antoine Peillon dont je conseille la lecture à chacun. Faisant suite aux 600 milliards qui manquent à la France, l’ouvrage évoque pêle-mêle la corruption, la fraude fiscale, le népotisme ou encore l’affairisme pour dresser un constat glaçant de la situation de notre système à la fois économique et politique. Ce système est rongé par ces vices qui le font pourrir de l’intérieur depuis bien trop d’années. Loin de refluer, cette logique gagne en influence chaque jour. Pour paraphraser Marx et Engels, l’on pourrait dire qu’une ombre hante notre pays, celle de la corruption, de la fraude fiscale et de l’affairisme. Emmanuel Macron s’est d’ailleurs engagé à mettre en place une loi de la moralisation de la vie publique et les premiers éléments qui ont été présentés, bien qu’imparfaits et insuffisants, sont encourageants à mon sens – j’y reviendrai dans un prochain billet. Il faut dire que la campagne présidentielle qui s’est terminée il y a un peu plus d’un mois aura été l’occasion de montrer à quel point cette logique gangrène notre République. Deux candidats soupçonnés de détournement de fonds publics, un autre soutenu et financé par des lobbies en tous genre – lobbies qui ont depuis fait leur entrée dans les ministères et les cabinets – rarement une élection présidentielle avait rassemblé autant de symboles des problèmes qui minent notre pays et notre République, la Res Publica, la chose commune.
Face à ce sentiment d’urgence qui se fait chaque jour plus pressant que convient-il donc de faire pour nous, simples citoyens ? Nommer les choses me semble être un préalable plus que nécessaire si nous souhaitons réellement nous battre contre cette logique mortifère qui régit et gouverne notre pays. Nous sommes, je le crois, dans une époque orwellienne au cours de laquelle les mots sont utilisés à tort et à travers pour désigner tout et n’importe quoi si bien que le langage tend à devenir inopérant pour décrire les situations que nous vivons. « Mal nommer un objet, c’est ajouter au malheur du monde » aurait dit Albert Camus. Il me semble qu’aujourd’hui plus que jamais cette phrase demeure vraie. Il nous faut faire comme Orwell le journaliste qui décrivait crument la réalité des choses sous peine de tomber dans une forme de totalitarisme doux au sein duquel la République n’aurait plus de république que le nom. Sans doute est-ce là une déformation liée à mes lectures et études mais je suis intimement convaincu que pour lutter contre un phénomène il faut d’abord l’avoir nommé puis analysé. C’est donc la modeste ambition de ce dossier que de parvenir à mettre un mot sur ces grandes tendances qui parcourent notre société depuis des décennies et participent à son délitement. Aussi me paraît-il fondamental de dresser avant tout un constat sans concession sur la situation dans notre pays. Cela doit nécessairement être le préalable qui permettra ensuite de penser les choses de manière systémique puis de tenter de dépasser la question morale à laquelle on tente de limiter les débats dès lors que l’on parle de corruption, de népotisme, d’affairisme ou encore de fraude fiscale. In fine cette démarche doit permettre d’aboutir à des actions franches et concrètes pour lutter contre ces logiques morbides. Lesdites actions ne sauraient se limiter à quelques élus mais concernent bien évidemment l’ensemble de la société. Dans le cas contraire, celles-ci ne seraient que des impasses et des apories. Lire la suite →