Les conséquences concrètes de la fraude
Dans son excellent livre Les Affects de la politique, Frédéric Lordon explique brillamment que pour qu’un argument pénètre et infuse les masses politiques, il faut rendre le problème concret aux yeux des citoyens. En prenant l’exemple de la surveillance généralisée aux Etats-Unis, le sociologue et économiste montre bien cette dynamique : aussi longtemps que l’on parle de manière abstraite de surveillance globale le sujet n’intéresse pas mais dès lors que l’on explique par exemple que l’état pourrait voir vos parties intimes alors les oreilles s’ouvrent et la révolte naît. Il me semble que, par analogie, on peut agir de la même sorte pour la question de la fraude ou de la corruption. Tant que l’on parle de manière abstraite et en termes éthiques et/ou moraux sur la question il y a peu de chances que l’argument percute de plein fouet tout un chacun. Parlons donc concrètement des effets sur notre quotidien de la fraude. Je l’ai déjà dit dans les parties précédentes, on pourrait caractériser la fraude fiscale par le fait qu’elle est une fraude qui profite à un et un seul et qui coûte à chacun. Il me faut ici expliciter cette phrase. Depuis des années nous entendons nos dirigeants nous dire que la France doit réduire son déficit car elle vit au-dessus de ses moyens.
La conséquence de cette antienne répétée jusqu’à l’indigestion est la mise en place d’une politique de rigueur dans notre pays, d’austérité dans d’autres. Par exemple on nous explique qu’il faut baisser le temps d’indemnisation chômage parce que la France ne pourra bientôt plus payer tout cela en raison de son déficit. C’est le projet que porte Emmanuel Macron et qu’il espère pouvoir mettre en œuvre durant son quinquennat. C’est donc une grande casse sociale qui s’accompagne du sermon sur le déficit excessif de notre pays. C’est aux petites gens, nous disent-ils, de payer le redressement du pays. C’est à chacun d’entre nous, ajoutent-ils, de faire un effort pour que le pays ne sombre pas. Toutefois, si l’on change de perspective, l’on se rend rapidement compte que rien ne justifie l’accroissement de la précarité, la casse du code du travail, la libéralisation effrénée de notre pays pour la simple et bonne raison que ce n’est pas à nous, petites gens, qui souffrons déjà grandement de la crise financière qui a frappé le monde il y a presque 10 ans de faire des efforts mais bien à eux, ceux qui volent notre pays depuis des décennies en se complaisant dans la fange de la corruption et de la fraude. Chaque année le déficit français s’élève à environ 70 Milliards d’Euros. En regard de ce déficit la seule fraude fiscale représente, elle, entre 60 et 100 Milliards d’Euros annuels. Alors non ce n’est pas à nous de faire les efforts mais aux voleurs de rendre ce qu’ils nous ont pris parce que, oui, leur richesse est le fruit du travail et non pas issue de la génération spontanée de leur capital qui aurait fait des enfants tout seul au seul contact de lui-même. Nous le voyons donc, la fraude fiscale et la corruption ne sont pas des problèmes abstraits qui n’ont aucune conséquence sur notre quotidien. Au contraire c’est parce que certains se gavent et volent le pays que l’on exige que les petites gens fassent des efforts et payent de leur propre sang la félonie de grands possédants. Décidément, l’argent n’a ni couleur, ni religion, ni nationalité.
Petites gens et tentation
Face à ce constat, la tentation est grande de rejoindre le chœur de ceux qui hurlent au loup en criant « tous pourris ». Cette attitude, très déresponsabilisante, ne me paraît pas être la plus pertinente loin de là – mais nous y reviendrons en dernière partie de ce dossier. Toutefois nombreux sont ceux qui sont tentés de céder à ces logiques de prébendes et de corruption pour manger quelques miettes. Dans son Traité des lois, Cicéron – témoin privilégie du déclin de Rome en raison de la corruption – l’explique de manière percutante : « Si grave en effet que soit en lui-même le mal quand les grands commettent des fautes, il l’est encore plus du fait qu’on les imite. […] Pour moi, je pense que ce sont les habitudes de vie des grands qui changent les mœurs des cités. C’est par là que les vices des grands sont particulièrement funestes à l’État ; non seulement ils s’adonnent eux-mêmes à ces vices, mais ils les répandent dans la cité et, nuisibles par leur propre corruption, ils le sont encore parce qu’ils corrompent les autres ; leur exemple est plus funeste que leur faute ». Nous le voyons donc, plus graves que les corrompus et les fraudeurs eux-mêmes sont la corruption et la fraude en tant que principes tant elles parviennent à contaminer l’ensemble de la société et sont donc tolérées en cela que la corruption des âmes avance au fur et à mesure que le peuple tout entier s’adonne à cette triste passion.
Finalement ce que met en avant cette logique n’est rien d’autre que ce qu’a théorisé René Girard, encore lui, toujours dans La Violence et le sacré à savoir le désir mimétique. Plutôt que de rejeter en bloc ces attitudes néfastes au plus haut point certains finissent par vouer une forme d’admiration à l’égard des fraudeurs et des corrompus dans la mesure où ils se disent que celui qui a réussi cette prouesse aurait pu être eux – à cet égard on peut citer l’exemple de Trump qui durant la campagne présidentielle américaine s’était vanté de pratiquer l’optimisation fiscale. C’est donc là qu’est le nœud gordien du problème de la corruption et de la fraude. Loin de ne demeurer que dans la sphère mercantile, la corruption finit par la déborder pour corrompre jusqu’aux âmes d’un peuple. On voit ici ressurgir l’exigence qu’exprimait Camus dans La Peste dans la bouche de Tarrou. Il nous importe à chacun, de n’être ni bourreau ni victime. Cela n’est pas simple je ne le nie pas mais ce chemin de crête est le seul qui peut nous permettre de trouver le salut. Il ne suffit pas de critiquer les corrompus ou les fraudeurs mais bien s’attaquer à la corruption et à la fraude. Dans le cas contraire nous aurons juste remplacé les fraudeurs et les corrompus sans avoir rien changé au fond du problème et aux structures qui nous régissent. Cicéron pourtant reste optimiste après son constat implacable sur la diffusion de la corruption par capillarité et par admiration puisqu’après avoir dressé cette analyse lucide et noire il ajoute : « Peu, très peu de citoyens, revêtus de charges et de dignités, suffisent pour corrompre ou redresser les mœurs d’une Cité ». L’impérieuse nécessité est donc d’agir et de ne pas détourner les yeux d’une manière pudique et un peu lâche à l’encontre de ce problème lourd qui ronge notre société de l’intérieur. Nous avons coutume de dire que ce qui est effrayant n’est pas le bruit des bottes mais bien le silence des pantoufles. Tâchons de ne pas laisser s’installer le silence assourdissant de nos pantoufles chaudes quand retentit le bruit des bottes de la corruption, de la fraude et de l’affairisme. Si nous échouons à mobiliser les foules, à montrer à quel point notre pays est rongé de l’intérieur il se pourrait bien qu’il finisse par s’écrouler tant le délabrement nous guette.
Le délabrement qui vient
Toujours dans Les Affects de la politique, Fréderic Lordon explique que c’est parfois le franchissement de seuils imperceptibles qui entrainent des changements profonds. Je suis assez en phase avec cette vision des choses et il me semble qu’en termes de corruption et de fraude notre pays se rapproche chaque jour un peu plus d’un tel seuil qui pourrait précipiter des changements radicaux. Rarement depuis la fin de la Deuxième guerre mondiale, notre pays n’avait, en effet, était aussi fracturé et les inégalités si grandes. Le résultat de ceci est assurément la colère sourde qui monte progressivement dans le pays et que la caste au pouvoir (économique, politique, symbolique) feint de ne pas entendre. Ainsi en est-il de la volonté farouche du nouveau gouvernement d’imposer un agenda purement néolibéral alors même qu’il n’a aucune majorité sociale sur laquelle s’appuyer. L’arrogance de la caste politicienne et de l’oligarchie n’avait jamais été aussi grande que depuis l’élection de Monsieur Macron. Leurs forfanteries sont devenues une habitude et chauffent à blanc un pays usé et fracturé. Je n’aime pas jouer les Cassandre, c’est un euphémisme, mais il me semble que nous sommes à l’orée d’un point de bascule qui pourrait transformer les divisions du pays en fractures irrémédiables.
Dieu seul sait sur quoi pourrait déboucher l’explosion de la colère et de la misère qui ronge et tiraille le pays. C’est pourquoi je crois sincèrement que la lutte contre la corruption et la fraude ne saurait être reléguée aux calendes grecques tant les conséquences de ce Charybde et de ce Scylla se font chaque jour sentir. A force de tirer sur la corde comme le font l’oligarchie et la caste politicienne celle-ci pourraient finir par casser et les conséquences pourraient être terribles tant la part de personnes n’ayant plus rien à perdre grandit dans notre pays. Au vu de la situation de beaucoup dans notre pays, je suis fondé à dire que nous vivons une époque crépusculaire. « La crise, écrivait Gramsci, consiste justement dans le fait que l’ancien meurt et que le nouveau ne peut pas naître : pendant cet interrègne on observe les phénomènes morbides les plus variés ». Nous n’allons pas tarder, je pense, à vivre un tel moment politique et historique. Dans Le Mythe de Sisyphe, Albert Camus écrit : « Il arrive que les décors s’écroulent. Lever, tramway, quatre heures de bureau ou d’usine, repas, tramway, quatre heures de travail, repas, sommeil et lundi mardi mercredi jeudi vendredi et samedi sur le même rythme, cette route se suit aisément la plupart du temps. Un jour seulement, le « pourquoi » s’élève et tout commence dans cette lassitude teintée d’étonnement. « Commence », ceci est important. La lassitude est à la fin des actes d’une vie machinale, mais elle inaugure en même temps le mouvement de la conscience. Elle l’éveille et elle provoque la suite. La suite, c’est le retour inconscient dans la chaîne, ou c’est l’éveil définitif. Au bout de l’éveil vient, avec le temps, la conséquence : suicide ou rétablissement ». Il se pourrait bien que dans un horizon plus ou moins proche, les décors finissent par s’écrouler et que de ces décors s’échappent le génie de la révolte citoyenne. « Je me révolte donc nous sommes » ajoute le philosophe dans L’Homme révolté. Il me semble que l’heure de la révolte est en train de sonner tant le gouvernement semble sonner le tocsin contre les droits sociaux sans se préoccuper le moins du monde de la corruption et de la fraude. Toute la philosophie camusienne est une philosophie de l’action. Aussi chacun d’entre nous doit-il prendre sa part.
Partie I: La nuit sombre et menaçante
Partie II: Penser de manière systémique
Partie III: Au-delà de la morale
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