Depuis le lancement de son mouvement En Marche – et a fortiori depuis le lancement de la campagne présidentielle – Emmanuel Macron a répété à qui voulait l’entendre qu’il souhaitait renouveler profondément les pratiques politiques en dépassant le clivage gauche droite. Je l’ai déjà écrit à de nombreuses reprises, la volonté du nouveau Président, volonté que je trouve éminemment dangereuse, est de substituer le clivage moral au clivage politique. Aussi s’évertue-t-il à expliquer qu’il s’agit d’une lutte entre deux camps : celui des progressistes et celui des conservateurs. Il va sans dire qu’un tel positionnement relève d’un manichéisme primaire et d’un simplisme binaire mais aussi que la corrélation directe de cette volonté d’imposer un tel clivage est de propulser le FN en opposition – ce qui donnerait une forme de permis à vie pour le pouvoir.
Le corollaire de cette volonté de supprimer le clivage politique pour le transformer en clivage moral est assurément la volonté de dépolitiser les grandes questions de notre temps. Par dépolitisation il faut entendre le fait qu’il ne devrait plus y avoir de débat sur les orientations politiques, économiques, sociales que prend notre pays puisque nous serions désormais régis par une supposée raison infaillible, un supposé pragmatisme fabuleux mais qui n’est en réalité que la quintessence du capitalisme néolibéral financiarisé. Les conséquences de l’élection de Macron lors de l’élection présidentielle n’ont pas attendu pour se faire sentir si bien que le grand flou qu’il a porté tout au fil de la campagne se retrouve de manière plus prégnante encore lors de cette campagne législative.
En marche dans le brouillard
Comme je l’ai déjà écrit, cette campagne législative n’aborde absolument pas les questions de fond si bien que les Français sont sommés de donner une majorité à Monsieur Macron sans même savoir ce qu’il leur réserve précisément au cas où il obtiendrait ladite majorité. Dans l’argumentaire qui s’est mis en place, l’élément le plus prégnant est qu’il faut donner une majorité au président nouvellement élu un peu comme si nous étions un troupeau de mouton dont le vote est supposé machinal. Etant donné que le débat de fond semble avoir disparu dans notre pays, il n’est guère étonnant de constater que Monsieur Macron et son gouvernement ne défendent pas leur programme lors de cette campagne mais demande simplement aux Français de leur accorder un blanc-seing au prétexte qu’ils auraient rassemblé « deux tiers des Français » lors du deuxième tour de la présidentielle comme l’avait exprimé François Bayrou dans une forfanterie devenue la norme.
Emmanuel Macron ne s’en est d’ailleurs jamais caché, pour lui ce qui importe n’est pas le programme mais la vision. C’est pourquoi il s’est échiné à demeurer aussi flou que possible tout au fil de la campagne présidentielle et que son gouvernement continue à l’être en attendant que le couperet du 18 juin soit tombé. Sur les grandes orientations de son programme il louvoie afin de perdre le moins de plume possible en attendant les élections. La réforme du code du travail est à ce titre un exemple parfait : promettant la sécurité en plus de la flexibilité, Macron tente de faire croire à la population que sa réforme n’est pas foncièrement néolibérale puis reconnait qu’il n’a rien dit aux syndicats pour enfin évacuer toute la question de la sécurité de son premier projet sans réellement le dire.
Le vote aveugle
L’autre partie de cette mâchoire d’airain transformant les législatives à venir en grand flou artistique est assurément constitué par le fait que beaucoup de candidats à un poste de député n’ont pas clairement dit dans quel groupe ils siègeront ni s’ils soutiendront Emmanuel Macron et son gouvernement une fois les législatives passées. Pour caricaturer, on peut dire que, parmi les grands mouvements politiques de notre pays, seuls la France insoumise et ses alliés, Debout la France et le Front National ont clairement dit qu’ils seraient dans l’opposition à Emmanuel Macron. Pour tous les autres partis les électeurs sont aveugles et ne savent pas si tel ou tel candidat PS ou LR ne finira pas par être membre de la majorité présidentielle si celle-ci devait se constituer. C’est, selon moi, un lourd problème démocratique auquel nous sommes confrontés dans la mesure où beaucoup de citoyens de notre pays risquent de voter pour un candidat à propos duquel ils ne savent pas quelle sera sa position à l’issue des élections.
Le résultat de ce grand flou est que la plupart des candidats jouent sur leur personne (ou sur la personnalité politique qui les soutient) et non pas sur les idées et le fond des choses. Nous assistons finalement à une hyper personnalisation accrue dans cette campagne législative, ce qui ne constitue évidemment pas une rupture mais un approfondissement des éléments délétères de la Vème République. L’hyper personnalisation de la présidentielle a plus que jamais cours lors des élections législatives cette année. Alors évidemment, la personnalisation est inhérente à notre système électoral qui transforme les élections législatives en 577 élections avec tous les défauts que cela comporte. Il serait donc injuste de dire que c’est le seul avènement de Macron qui a précipité cette dynamique. Toutefois, son élection et sa volonté de brouiller les clivages ont assurément accentué cette dynamique que je trouve à la fois tragique et dangereuse.
Nous le voyons donc, ces élections législatives sont porteuses d’un flou et d’un brouillard rarement vus dans l’histoire de la Vème République. Ce confusionnisme ambiant frappe également le rapport que nous avons aux députés. Cet état de fait n’est évidemment pas nouveau mais je crois qu’il s’est encore accentué cette année. C’est ainsi que certains candidats mettent, par exemple, en avant sur leur affiche ou film de campagne des trains alors même que cela est de la compétence de la région. De la même manière bien des candidats s’engagent à agir de manière locale alors que les élections législatives ne sont pas des élections municipales. Le rôle des députés n’est pas de flatter telle ou telle circonscription mais bien de voter les lois à l’Assemblée censées se préoccuper de l’intérêt général du pays. L’avenir peut sembler sombre au vu de ce grand flou ambiant mais il me semble qu’il ne faut ni baisser les bras ni perdre espoir. Pour reprendre le vers du génial Apollinaire, il est grand temps de rallumer les étoiles.
LIEN : http://www.socialisme-libertaire.fr/2017/05/electeur-ecoute.html
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