« Soutien total à l’initiative de la Ville de Paris et à Tel Aviv sur Seine. Halte au déferlement de bêtise ». En 106 petits caractères, voilà comment Manuel Valls a réagi à la polémique à propos de Tel Aviv sur Seine. Une réaction digne d’un Premier ministre pour vous ? Pas pour moi en tous cas. Que Manuel Valls apporte son soutien à l’initiative de la ville de Paris est une chose normale. Volant au secours du Parti Socialiste parisien qui voit sa majorité au conseil municipal fracturée en raison de cet évènement, le Premier ministre est pleinement dans son rôle. Toutefois, la manière dont il l’a fait est plus que critiquable. Assimiler toutes les personnes qui contestent l’organisation d’un tel évènement à des abrutis n’est pas acceptable et constitue une nouvelle preuve de mépris envers le peuple.
Si la discussion et le dialogue sont éminemment importants dans cette problématique, le recours aux invectives et aux petites phrases frôlent l’inconscience. On peut reprocher à Anne Hidalgo d’avoir organisé cet évènement mais on ne peut pas lui reprocher de n’avoir pas cherché à expliquer les raisons de celui-ci. En publiant une tribune dans Le Monde, elle a en effet tenté d’expliquer par le dialogue pourquoi elle défendait Tel Aviv sur Seine. Quoi que l’on pense de sa position, elle a fait ce premier pas vers l’autre qui me semble primordial parce que pour être en désaccord, encore faut-il être d’accord pour discuter. Ce reproche que j’adresse à certains défenseurs de Tel Aviv sur Seine, je l’adresse également à certains contempteurs de cet évènement. A trop généraliser et essentialiser, on en arrive à un manichéisme inquiétant qui ne peut être vecteur que de divisions et de violences.
Essentialiser et simplifier à outrance, meilleur moyen de renforcer les plus radicaux
Le mépris dont a fait preuve Manuel Valls avec son tweet est révélateur d’une certaine manière de penser qui contredit d’ailleurs toutes les postures pacifistes que peuvent avoir certaines de nos personnalités politiques. La position de Manuel Valls fait qu’il se place de facto dans un manichéisme outrancier : si vous contestez l’organisation d’un tel évènement vous participez au déferlement de bêtise. C’est-à-dire que ce que vous dites n’est plus valable. On n’écoute plus vos démonstrations, fussent-elles pertinentes, au prétexte que vous faites partie de la masse informe d’abrutis haineux et quasiment antisémites. La technique est bien connue, si vous n’êtes pas avec nous vous êtes contre nous. Un manichéisme primaire en somme. Le principal point de danger dans cette position est que, paradoxalement, il aboutit à renforcer ceux que l’on prétend combattre. A être trop radical dans ses condamnations on finit par radicaliser certaines personnes qui ne l’étaient pas. Et ce phénomène est un cercle vicieux puisque la même démarche se met en place de l’autre côté.
Il ne faut, effectivement, pas négliger la tendance au manichéisme chez les opposants à ce projet. Assimiler toute personne défendant le projet à un sioniste de la pire espèce n’est ni honnête intellectuellement, ni efficace en terme d’argumentation. Dire que tous les gens qui sont hostiles au Hamas sont favorables à une politique d’apartheid en Israël n’est pas pertinent non plus. S’il ne faut pas nier que l’opinion publique israélienne a bel et bien glissé beaucoup plus à droite comme en témoignent la dernière campagne de Benyamin Netanyahou ou la place de plus en plus importante du « parti des colons » dans le gouvernement israélien, crier sur tous les toits que les Israéliens dans leur ensemble sont favorable à la politique abjecte de colonisation menée par l’Etat hébreux est pour complètement faux. En outre, ce sont souvent les mêmes personnes qui sont promptes à faire l’amalgame d’un côté et à s’insurger d’être elles-mêmes confondues dans une masse disparate de personnes haineuses.
La promotion du dialogue, seul moyen d’arriver à une situation plus juste
Les hommes construisent trop de murs et pas assez de ponts disaient Newton en son temps. S’il est possible d’appliquer cette phrase au sens propre sur le territoire israélien avec la construction de la « barrière de séparation israélienne », l’appliquer au sens figuré me semble bien plus pertinent dans ce conflit. A trop laisser la parole aux personnes radicales des deux côtés, on a comme l’impression que le dialogue n’est plus possible. Et quand je parle de dialogue je ne parle pas de dialogue entre autorités politiques, le gouvernement de Netanyahou et le Hamas n’ont ni l’un ni l’autre l’envie d’arriver à une solution. Alors quoi ? Il faudrait abandonner et laisser les armes parler jusqu’à ce que l’un des deux opposants finisse par s’imposer et par détruire l’autre ? Je ne m’y résous pas, sans doute parce qu’il m’est intolérable que l’on justifie le meurtre ou l’assassinat comme le refusait en son temps Camus lors de la guerre d’Algérie.
J’ai bien conscience que cette voix est plus qu’inaudible aujourd’hui mais, face aux prêcheurs de la violence à tout va qui nous expliquent que l’on peut s’accommoder de la mort d’un bébé, d’une famille bref d’innocents pourvu que la cause poursuivie est juste, je veux leur opposer ces phrases de Camus qui prennent tout leur sens ici : «La fin justifie les moyens ? Cela est possible. Mais qui justifie la fin ? À cette question, que la pensée historique laisse pendante, la révolte répond : les moyens». Rien ne saurait justifier le meurtre d’un civil, qu’il soit palestinien, israélien, juif, chrétien, musulman, arabe ou occidental. Je sais bien que ce que j’émets là est certainement une utopie mais que reste-t-il à l’Homme si ce n’est le rêve et l’espoir pour l’arracher à sa tragique condition. Et pour pleinement illustrer mon propos, je ne peux m’empêcher de penser à cette phrase si puissante de Senancour : « L’homme est périssable. Il se peut; mais périssons en résistant, et si le néant nous est réservé, ne faisons pas que ce soit une justice ».
Finalement Tel Aviv sur Seine aurait pu être l’occasion de tendre une main à l’autre, à cette altérité qui nous fait si peur. Au lieu de ça, l’évènement s’est transformé en batailles rangées entre radicaux des deux bords et a donné lieu à un épisode de manichéisme dangereux et mortifère. Gardons à l’esprit cette phrase tirée du (très bon) documentaire The Gatekeepers : « Il n’y a pas de noir ou de blanc, simplement des nuances de gris ».
En fait je trouve très gênant cette histoire de meurtre d’innocent. Avoir provoqué la mort d’un innocent, involontairement et indirectement n’est pas une chose louable mais c’est quand même assez différent d’un homicide volontaire (meurtre), y compris et surtout sur le plan moral.
Je ne sais pas pourquoi le fait de célébrer (fort superficiellement d’ailleurs) le jumellage de Paris et Tel Aviv doit provoquer de telle discussion, et je suis proche d’être d’accord avec Valls (ça ne m’arrive pas souvent), est-ce que faire une semaine « washington » à Paris en 2003 signifiait approuver l’attaque américaine sur l’Irak? Je crois que personne ne l’aurait pensé à l’époque, je trouve quand même significatif de bêtise ou de haine irrationnelle que certains aient réagis ainsi.
Je suis aussi un peu surpris que tu ne remarques pas que des deux côtés socialistes « sionnistes » et socialiste/FDG « antisionniste » les intentions n’aient jamais été pures (les uns visant l’amitié des kipas du 20e, du 16e et du 4e arrondissement, les autres visant l’amitié des musulmans…)
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Quand tu bombardes une zone civile, tu sais pertinemment que tu vas tuer des civils (que ça soit le Hamas ou Israël). Ils le font parce que la fin le justifie pour eux donc c’est pour ça que je parle de meurtre. C’est être hypocrite que de dire « ah mince on a tué des civils en bombardant une zone civile on pensait pas le faire ».
Etre d’accord avec Valls c’est donc refuser le dialogue. Dire que tous ceux qui émettent une contradiction sont débiles ne fait pas partie de ma conception d’un débat apaisé désolé.
Je ne mentionne pas cette récupération dans l’article parce que ce n’est pas le sujet. Il y aurait tout un article à écrire sur cette récupération grotesque qu’on essaye de faire de part et d’autre.
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[…] tout pour créer des ponts et participer, à ma modeste échelle, à la cohésion de la société comme au moment de la polémique de Tel Aviv sur Seine par exemple. En bref si je tiens ce blog c’est pour tenter de faire société à l’heure où les forces […]
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