« Le Trib. adminis. vient de rejeter le recours dirigé contre la fin des menus de substitution à Chalon. Première victoire pour la laïcité ! ». En tweetant cela le 13 août dernier, Gilles Platret, le maire Républicain de Chalon sur Saône, se félicitait de ce qu’il considère comme une victoire de la laïcité en même temps qu’une victoire personnelle. Cette interdiction des menus de substitution a suscité des réactions partagées. Même dans son propre parti, le maire de Chalon a été contesté. Alors certes Nicolas Sarkozy, dans sa course effrénée derrière le Front National, a soutenu bruyamment cette initiative. Mais certains, comme Alain Juppé, ont rapidement critiqué ce qu’ils considèrent comme étant une dérive. Le maire de Bordeaux n’a pas pris de pincettes pour évoquer le sujet puisqu’il a affirmé que « les repas de substitutions n’emmerd[ait] personne ! ».
Ce qui me dérange le plus dans cette affaire c’est que les défenseurs de la suppression de ces menus de substitutions brandissent la laïcité comme argument. D’ailleurs ils vont même plus loin puisqu’ils affirment que la laïcité serait en danger si on ne supprimait pas lesdits repas de substitution. En réalité agiter ce chiffon rouge ne revient une nouvelle fois qu’à tenter de diviser les Français. En a-t-on vraiment besoin en cette période où le repli sur soi est de mise ? N’est-il pas temps de tenter d’unir les Français plutôt que de les diviser sur des sujets périphériques ? A trop jeter de l’huile sur le feu, ces personnalités politiques ne parviendront qu’à attiser les divisions et à radicaliser certaines personnes sur des sujets qui ne méritent pas une telle lumière.
Les repas de substitution à l’encontre de la laïcité, vraiment ?
Principal argument évoqué chez ceux qui souhaitent voir la fin des repas de substitution dans les cantines, la défense de la laïcité. Je ne suis pas loin de trouver cette position grotesque. La laïcité n’est, en effet, pas normalement là pour stigmatiser mais pour permettre une égalité entre les religions. Je comprendrais les critiques si on ne servait plus de porc dans les cantines françaises pour ne pas froisser telle ou telle religion mais sincèrement je ne vois pas où est le problème lorsqu’il s’agit de simplement proposer un autre menu pour les personnes ne souhaitant pas manger de porc. D’ailleurs, si ces repas de substitutions étaient réellement là pour des raisons religieuses, on verrait de la viande hallal et de la viande non hallal (ou casher d’ailleurs) à tous les repas. Ce qui n’est pas le cas à ma connaissance.
En outre, si ces belles âmes, si promptes à défendre la laïcité me lisent j’aimerais leur demander pourquoi elles restent étonnamment muettes dans d’autres cas où ils pourraient s’offusquer. Dans l’histoire de la crèche, ces personnes-là ne nous ont-elles pas expliqué que la laïcité ne devait pas être radicale et qu’il fallait être compréhensif ? Drôle de laïcité que ces gens nous proposent, une laïcité à géométrie variable. De la même manière pourquoi ne s’offusquent-ils pas des sapins présents dans les écoles pour célébrer Noël ou du poisson le vendredi dans les cantines qui sont des héritages chrétiens ? Que l’on s’entende bien, je ne suis pas contre tout cela mais j’avoue avoir du mal à trouver de la cohérence dans leurs propos et dans leurs prises de positions. Il n’y a pas une manière d’appliquer la laïcité par rapport aux religions juive et musulmane et une manière de l’appliquer par rapport à la religion chrétienne.
Vraiment pas le moment de diviser les Français
Cette manière de procéder, en plus d’être malhonnête, contribue à diviser les Français et à attiser les rancœurs entre les différentes communautés. Le plus pernicieux dans cette affaire c’est que ce sont les mêmes personnes qui vocifèrent contre les repas de substitutions qui vont ensuite tenter de prospérer sur la montée des communautarismes à laquelle elles auront contribué. Créer les conditions de la division pour ensuite prospérer sur cette division voilà qui est bien pervers comme raisonnement politique. Est-ce bien raisonnable qu’un ancien président de la République s’échine à diviser les Français ? Il est pourtant le premier à reprocher à François Hollande de ne pas être le président de tous les Français. Dans une période où la France n’a plus confiance en elle-même, dresser les personnes les unes contre les autres ne me semble pas être la meilleure des choses à faire.
Pourtant, Nicolas Sarkozy ne se cache plus. Telle est sa volonté comme il l’a expliqué dans un entretien à Valeurs Actuelles. Il considère que c’est sur la droite de son parti qu’il gagnera la primaire puis l’élection présidentielle de 2017. Il s’en va donc chasser sur les terres de l’extrême droite sans aucune vergogne. Drôle d’agissements pour le président des Républicains. La République ne s’est-elle pas en effet construite sur le refus des extrêmes ? Finalement, en lâchant ses petites phrases sur les migrants et la fuite d’eau ou en militant fermement pour la suppression des repas de substitution, l’ex-président nous rejoue le coup de 2005 et du « on va nettoyer la racaille au karcher ». Il me fait penser à ces gamins qui provoquent leur frère pour se faire frapper et pour ensuite aller geindre chez leur mère. Définitivement, vous ne grandissez pas la politique Monsieur Sarkozy mais ça, Jacques Chirac vous l’avez déjà fait remarquer en son temps. Malgré tout vous continuez à faire de la politique avec un petit p.
C’est à mon avis mauvaise foi que de dire que les repas de substitution ne sont pas réellement là pour des raisons religieuses. Ils ne sont pas là pour contenter les végétariens, mais les musulmans (et juifs?) qui ne mangent pas de porc. Tu sais certainement que la plupart des musulmans refusent catégoriquement de manger du porc, mais sont bien moins à cheval sur la viande hallal.
Il y a plusieurs façons de voir la laïcité. D’abord ce qu’elle a été depuis le 18ème siècle, à savoir une force anti-cléricale. De ce point de vue là, il faudrait refuser tout ce qui a attrait au religieux dans l’espace public. C’est une vision traditionnellement de gauche. Deuxième façon de voir la laïcité : les religions sont égales et ne doivent recevoir aucun favoritisme. Donc si poisson le vendredi, alors menu de substitution, égalité, un partout. Dernière façon de voir la laïcité, refuser de voir une religion (Islam) imposer ses règles à la société française, culturellement chrétienne. Donc instrumentalisation de la laïcité pour interdire la burqa, le voile…etc. C’est une vision plus « de droite ».
Je pense que s’il faut dénoncer cette espèce de division en deux camps des Français, il faut également chercher à comprendre ce troisième point de vue sur la laïcité. Beaucoup de gens, électeurs LR ou FN ou assimilés, ont peur que les repas de substitutions amènent plus tard les cantines à proposer du hallal, puis uniquement du hallal (tout le monde peut en manger), puis plus de porc du tout…etc. Peur totalement infondée? Je ne crois pas. En gros quel est le programme?
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Je ne suis pas d’accord avec toi et personnellement je considère que ce sont ceux qui nous expliquent que les repas de substitution sont là pour des raisons religieuses qui sont de mauvaise foi. Je m’explique: tu me dis que nombre de musulmans sont prêts à manger de la viande non halal mais pas à manger du porc. Et je te réponds que c’est faux, un musulman réellement pratiquant ne mangera pas de viande non halal. La question du porc et bien plus culturelle que cultuelle dans le cas des gens qui mangent de la viande non halal mais se refusent à manger du porc. C’est en quelque sorte la dernière ligne rouge dans leur tête, manger du porc leur ferait perdre leur culture. Il n’est pas question de religion. Donc je persiste et je signe si c’était vraiment pour des questions religieuses il y aurait des repas de substitution tout le temps, pas seulement quand y a du porc.
D’accord sur tes deux premières manières de voir la laïcité. Par contre sur la troisième je ne suis pas d’accord. Ce n’est pas la laïcité, c’est la lutte contre une religion en particulier. Je ne dis pas qu’il ne faut pas essayer de comprendre la peur mais d’un autre côté c’est un fantasme, à mon sens, de croire que le halal finira par s’imposer dans les cantines. L’extrême majorité des musulmans ne le demandent même pas d’ailleurs. Et je te le répète le combat contre une religion en particulier ne saurait s’apparenter à une démarche laïque. Dire que c’est une conception qui vaut les deux autres, c’est dévoyer l’histoire et le sens de la laïcité.
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Hier personne ne songeait à instaurer des menus de substitution. Aujourd’hui, les enlever fait scandale. Demain, certains musulmans pousseront pour avoir un menu halal. On est à mon avis sur cette dynamique. D’où levée de bouclier par les laïcistes « de droite ».
Bien sûr un musulman pratiquant ne mange pas de viande non-halal. Mais tout de même, ceux qui refusent de manger du porc le font parce qu’ils sont au moins issus d’une famille musulmane. Donc je ne suis pas d’accord, c’est peut-être culturel, mais clairement lié au religieux.
Pour la laïcité nous ne sommes pas d’accord, celle qui consiste à rejeter complètement le religieux de l’espace public est certes cohérente, mais anti-religieuse. Refuser une crèche dans une mairie, c’est quand même refuser une tradition culturelle encore une fois, liée au religieux.
Après je ne dis pas que ces trois conceptions « se valent », ou sont bonnes. Je dis que les trois existent, et que la troisième est peut-être la plus partagée dans la société française.
Quel sens donnes-tu à la laïcité? Liberté de culte? Séparation des Églises et de l’État? Égalité des religions (ça veut dire quoi?)?
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Et ces musulmans auraient tort à mon sens. Mais l’argument de on attaque pour ne pas avoir à défendre demain n’est pas recevable pour moi. On refusera cette demande si elle doit arriver un jour mais je vois pas pourquoi supprimer les menus de substitution. ça contribue simplement à tendre des relations qui n’ont pas vraiment besoin de ça en ce moment.
Evidemment que l’éducation (donc la religion des parents) joue mais ce n’est pas pour une raison religieuse que ces personnes ne mangent pas de porc c’est tout ce que je dis. Toute personne est influencée par son éducation et les traditions inculquées par ses parents. Mais dans leur cas, ces personnes ne mangent pas de porc pour une raison culturelle, même si ils ont pu être influencés par une tradition religieuse. On confond trop souvent tradition et religion.
Sur l’exemple de la crèche je me suis peut-être mal exprimé. Moi je ne suis pas contre une crèche dans une mairie, ça fait de mal à personne. C’est juste que ceux qui veulent supprimer les repas de substitutions ne veulent pas que la laïcité qu’ils défendent corps et âme soit appliquée dans ce cas là. ça pose quand même un problème de cohérence pour moi.
Quel sens je donne à la laïcité ? Pour moi c’est la séparation des Eglises et de l’Etat comme tu l’écris et c’est précisément cette séparation qui permet la liberté de culte. Par conte légiférer sur la manière de s’habiller qu’ont les gens c’est dépasser la laïcité pour moi et c’est allé vers le laïcisme à savoir l’expulsion du fait religieux de la sphère publique.
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