De l’hypocrisie à propos d’Israël

Ali Saad Dawabsha, le bébé tué vendredi par des colons israéliens, n’est pas la première et ne sera sans doute pas la dernière victime de la colonisation que mène sciemment l’Etat d’Israël en Cisjordanie. Le Premier ministre Benyamin Nétanyahou a évidemment condamné fermement cet acte qu’il a qualifié de «terroriste». Mais l’hypocrisie est bien grande dans la bouche d’un Premier ministre à la tête d’un gouvernement de droite et d’extrême-droite qui prône, officiellement, l’expansion ininterrompue des implantations juives en territoire palestinien. C’est sur ce programme que Nétanyahou a été réélu. Vouloir dissocier complétement la politique de colonisation des actes horribles qu’elle engendre est faire preuve d’une mauvaise foi inouïe.

D’une certaine manière, les colons qui passent à l’acte se situent dans la stricte continuité des discours du gouvernement. Armés, ces colons disent agir au titre de la « vengeance » ou du « prix à payer » – façon de dénoncer les obstacles qu’ils peuvent rencontrer, de la part des Palestiniens ou des autorités israéliennes, dans l’extension de la colonisation. Leurs méfaits restent, le plus souvent, impunis. Ils disposent de relais au plus haut niveau de l’Etat. Ils obéissent à une idéologie qui est, après tout, celle que véhicule la majorité gouvernementale. Quand le gouvernement utilise des mots, ces zélés utilisent des cocktails Molotov et des kalachnikovs. Voilà la réalité de la situation et la mauvaise foi développée par les sionistes n’y changera rien.

La politique de colonisation, nécessairement vectrice de violences

Les terroristes qui sont à l’origine de la mort du petit Ali Saad ont laissé deux écritures sur les murs avant de s’enfuir : «le prix à payer» et «vengeance». Dans leur tête, il s’agissait sans doute de venger la destruction par l’armée, mercredi 29 juillet, de deux immeubles construits illégalement dans la colonie de Beit El à la suite d’une décision de la Cour suprême israélienne. Ce qu’ils n’ont pas écrit, c’est que le même jour Benyamin Nétanyahou  a annoncé la construction immédiate de 300 logements dans la partie « légale » (suis-je le seul choqué quand on me parle de colonie légale ?) de la colonie de Beit El. Cette décision marque la réaffirmation d’une volonté d’annexer une bonne partie de la Cisjordanie, comme le réclament les partis au pouvoir.

Cette politique du pire ne peut déboucher que sur un surcroît de violence – de part et d’autre. Elle ne répond à aucun objectif sécuritaire, au contraire. Elle est le produit d’une idéologie mortifère qui nourrit tous les extrémismes . Cette idéologie incitait, il y a vingt ans, un jeune homme venu de ce même milieu des colons à assassiner le premier ministre Itzhak Rabin. La colonisation porte en elle-même les germes de la violence. Quelle personne sensée peut décemment croire que la colonisation peut se passer de violence ? Imaginez que je vienne chez vous, que je prenne le pain avec lequel vous vous nourrissez, que je ne vous laisse que quelques miettes. Vous seriez agacé j’imagine. Et bien maintenant imaginez que sur ces quelques miettes que je vous ai laissées je vienne chaque jour en picorer un petit peu. Je suis presque sûr que vous ne prendrez pas la chose avec un grand sourire. Eh bien voilà ce que doivent vivre les Palestiniens chaque jour. Cette politique ignoble de colonisation ne peut mener qu’à la violence des deux côtés, c’est une impasse. Défendre la colonisation revient donc à défendre la violence à outrance, n’en déplaise aux fausses bonnes consciences.

Le sionisme, cette maladie de l’esprit

Provocant comme titre n’est-ce pas ? Je vois d’ici arriver les sionistes me traitant d’antisémite. Et pourtant je vais m’expliquer sur cette appellation qu’il faut prendre au sens premier. Que l’on s’entende bien, je ne dis pas que défendre à tout prix l’Etat hébreux est une maladie. Que des gens aient envie de le faire tant mieux pour eux, même si je ne serai jamais d’accord avec eux. Ceux pour qui le sionisme est une maladie (au sens pathologique) de l’esprit sont ceux qui perdent leur cerveau dès qu’il s’agit de parler d’Israël et s’enferment dans un dogmatisme ridicule et outrancier. Je pense à ces belles âmes qui sont si promptes à critiquer le Front National en France pour ses positions d’extrême droite. Et que les choses soient bien claires, je les rejoins sur leur critique de l’extrême droite. Seulement, la différence que j’ai avec eux c’est que je ne critique pas d’une part l’extrême droite en France et je la cautionne, voire la soutiens, en Israël comme ils le font d’autre part. Ces tartuffes, Bernard Henri-Levy en tête, sont bel et bien atteint d’une pathologie qui fausse leur vision sitôt que l’on parle d’Israël.

Ces personnes sont atteintes de la même pathologie à propos de leur soit disant humanisme. Si prompts à dénoncer tous les actes inhumains sur notre planète (de l’Etat Islamique à Boko Haram, du régime syrien aux actes du Hamas), ils deviennent tout d’un coup muets quand il s’agit de critiquer la politique israélienne ou son caractère inhumain par moment. Dénoncer le terrorisme chez ses adversaires est chose aisée, avoir le courage et l’honnêteté de le dénoncer dans son propre camp demande davantage de grandeur d’esprit. A croire que les actes immoraux et inhumains seraient l’équivalent du nuage de Tchernobyl. Si dans le cas de l’accident nucléaire le nuage radioactif n’a pas pénétré en France, pour ces dévots d’Israël, ce sont les actes terroristes et immoraux qui ne peuvent jamais être commis par leur pays. Il n’y a qu’à voir les réactions suscitées par la mort de quatre enfants palestiniens touchés par un missile de Tsahal l’été dernier. Loin de reconnaître le caractère atroce de cet évènement nombreux ont été ceux à dire qu’il ne s’agissait que de victimes collatérales et que les véritables responsables de ces morts était le Hamas.

Des résolutions ? Quelles résolutions ?

«L’antisémitisme se nourrit de l’antisionisme». Cette petite phrase, lâchée par Manuel Valls en début d’année, semble anodine de prime abord. Et pourtant, cette phrase nous révèle peut-être le problème fondamental dans le conflit israélo-palestinien. Cette phrase signifie donc qu’il ne faut pas être antisioniste sinon nous serions antisémites. Pervers comme raisonnement à mon sens parce que l’on voit clairement apparaître l’exigence de repentance vis-à-vis de la Shoah. Je m’explique : cette phrase symbolise la confusion dont font preuve les institutions internationales. Beaucoup, en effet, affirment que le conflit israélo-palestinien est une guerre de religion alors qu’il n’est rien d’autre qu’une guerre «classique» de conquête de l’espace. En faisant passer ce conflit pour une guerre de religion, on arrive rapidement à un devoir de repentance à propos de la Shoah. Etant donné que le peuple juif a subi les affres de la Shoah, si le conflit israélo-palestinien est une guerre de religion, il ne faut pas reproduire les mêmes erreurs que lors de cette sombre époque. Cette repentance pouvait pleinement se justifier au sortir de la Deuxième Guerre mondiale et de l’innommable crime commis par les nazis. Et encore, même à ce moment–là la compassion ne devait pas céder le pas à une mansuétude trop exagérée. Toutefois, quand l’ex-victime, par un mimétisme inquiétant, se mue en bourreau, il n’est alors plus question d’arborer cette repentance pour justifier l’inaction face à des agissements plus que répréhensibles. Critiquer Israël revient à être antisémite donc à justifier l’abominable crime contre l’humanité commis par le régime nazi si on suit la logique de la phrase de Manuel Valls jusqu’au bout.

Est-ce normal qu’en vertu de ce qu’il s’est passé durant cette période atroce Israël puisse se permettre de faire ce qu’il veut ? Citez-moi, en effet, une seule résolution contraignante de l’ONU qu’Israël a appliquée depuis sa création. Nos intellectuels, si prompts à s’insurger du sanglot de l’Homme blanc à propos de la colonisation (africaine ou asiatique) ferait bien de se pencher sur cette question s’ils veulent véritablement avoir le courage de s’attaquer à la vérité. L’exemple du nucléaire iranien est, à ce niveau-là, édifiant. On nous explique que le régime iranien n’a pas le droit d’avoir la bombe nucléaire parce qu’il est un régime d’extrémistes et que laisser une telle arme dans des mains comme les leurs n’est pas bien responsable. J’entends bien ce raisonnement et je suis d’accord avec celui-ci. Mais laisser la bombe atomique à Israël n’est, pour moi, pas plus légitime que la laisser à l’Iran. Je ne dis pas que je souhaite que l’Iran ait la bombe atomique mais je ne trouve pas logique qu’on la refuse à l’Iran et qu’on la laisse à Israël. Les arguments opposés à la République Islamique peuvent très bien l’être à l’Etat hébreu.

J’ai parfaitement conscience qu’en écrivant ce que je viens d’écrire, je serai traité de tous les noms et que l’on me reprochera probablement d’être antisémite. Mais je ne veux pas, plus tard, me reprocher à moi-même de ne pas l’avoir écrit. Quitte à être traité de raciste ou de je ne sais quelle autre insulte qui ne tarderont sûrement pas de pleuvoir après la lecture de cet article par certaines bonnes âmes, je préfère l’être pour avoir tenté de chercher la vérité et de la dire. C’est ça le vrai courage comme disait Jaurès, ce n’est pas de se cacher derrière son dogmatisme forcené.

P.S. : Pour finir je souhaite juste donner une petite leçon de français à tous ces chevaliers de la bien-pensance qui veulent se donner une bonne conscience en traitant tous les antisionistes d’antisémites (coucou Manuel Valls) : les arabes ne peuvent pas être antisémites pour la simple et bonne raison que le terme sémite ne ramène pas à une religion mais à une langue et manque de bol pour eux, l’arabe est une langue sémite donc les arabes sont eux-mêmes des sémites.

5 commentaires sur “De l’hypocrisie à propos d’Israël

  1. Attention Marwen, si tu entres dans la logique de déculpabilisation vis-à-vis de la Shoah (ce qui est justifié), tu dois le faire pour la colonisation, la traite négrière…etc.

    Je vais citer M.Valls comme toi. « La Shoah doit être sacralisée ». C’est donc une nouvelle religion civile, un nouveau sacré, avec ses temples (Yad Vashem) et ses lieux de pèlerinage (Auschwitz). Ainsi donc, s’attaquer à cela, c’est blasphémer, c’est donc être montré du doigt, désigné coupable.

    Ces précisions faites, quel est le lien avec Israël? Un amalgame est fait et entretenu entre antisionisme et antisémitisme comme tu l’as très bien remarqué. De plus, l’antisémitisme renvoie dans l’inconscient collectif à la Shoah. Indirectement donc, s’attaquer à la politique Israélienne, c’est blasphémer contre la Shoah. Or, quand on sait que dans la sphère médiatique, une accusation d’antisémitisme (ou, dans une moindre mesure, de racisme) équivaut à la peine de mort (médiatique bien sûr), nul n’ose critiquer la politique sioniste! D’où ces hypocrisies que tu dénonces. Un exemple : Marine Le Pen cherche à dissocier son parti des accusations d’antisémitisme dont il est la cible. Sans cela, le FN sera toujours lynché dans les médias. Il n’y a pas que cela évidemment, mais c’est un sujet qui compte beaucoup.

    Ainsi la meilleure riposte reste d’en parler librement, sans censure, calmement. Ceux qui brocardent et insultent n’ont pas d’arguments. Critiquer la violence de la politique israélienne doit être permis. Toujours est-il que je ne suis pas favorable à la solution « à deux États ». Le règlement de cette situation passera par l’unification en un seul État, avec des lois équitables et respectueuses. Un État multiconfessionnel et non pas « Juif ».

    Je réagis à d’autres points:
    -L’acquisition par l’Iran de l’arme nucléaire pacifierait paradoxalement la région. Cela empêcherait les agressions extérieures, par crainte de représailles.
    -Antisémitisme est un mot mal choisi, mais il est entré dans la langue avec pour définition commune anti-juif. Il recoupe en fait le côté religieux (judéophobe est donc ici plus approprié) et ethnique/racial (fantasmé) des juifs.
    -Je ne rejoins pas les BHL et cie.

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    • Evidemment que cette logique de déculpabilisation s’applique à la colonisation (africaine et asiatique, je précise parce qu’il peut y avoir confusion vu que je parle de deux colonisations dans l’article) ou à la Traite négrière. Si je n’en parle pas c’est pour ne pas rallonger l’article (qui est déjà long).

      Je suis d’accord sur le côté religion civile. Ce qu’il faut c’est avoir un débat posé et serein avec des arguments et pas des mystifications ou quoi que ce soit ( c’est valable pour la colonisation ou la Traite aussi). Je ne sais pas si la solution à deux Etats est pire ou meilleure qu’une solution à un seul Etat multiconfessionnel. Quoiqu’il en soit je ne pense pas qu’Israël soit prêt à devenir un pays multiconfessionnel…

      Sur le terme antisémite au-delà de la définition du mot y a une réflexion intéressante. Je dirai plutôt que pour remplacer antisémite il faudrait dire judéophobe et non pas anti-juif sinon ça crée une forme de décalage entre les différents « racisme ». Je m’explique: antisémitisme a une connotation d’affrontements directement (celui qui est antisémite est le méchant en gros) alors que pour islamophobie et négrophobie on parle de phobie donc de peur. Et finalement une peur ça s’explique pas ça se ressent. Du coup celui qui est islamophobe ou négrophobe a peur donc est aussi victime en quelque sorte. La nuance est subtile mais elle existe.

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      • Le problème de la solution à deux États, c’est que cela n’aurait aucun effet sur la politique violente d’Israël. Personne parmi les puissants ne s’engagerait sérieusement pour défendre les frontières d’un État palestinien. Mais évidemment, Israël ne veut ni de la solution à deux États, ni de celle à un État (hormis un État d’apartheid peut-être). Donc ça n’avancera pas avant un moment. Il faut regarder la démographie du pays, c’est très intéressant. En gros les juifs orthodoxes font tellement plus de gosses que les autres qu’il faut être aveugle pour voir la situation s’améliorer.

        Les juifs ont la particularité de se revendiquer à la fois d’une religion et d’une race. Ce qui implique que judéophobie, compris au sens d’islamophobie, est incomplet. Mais dans tous les cas il est effectivement malhonnête de vouloir dissocier l’antisémitisme d’autres racismes (ex: LICRA).

        Je ne comprends pas le « celui qui a peur est victime ». Victime de quoi? De qui? D’autant plus que pour la plupart des gens, se faire traiter de négrophobe ou d’islamophobe revient à se faire traiter de méchant.

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  2. Oui évidemment que cela revient à se faire traiter de méchant dans la tête des gens. Mais dans la terminologie être phobique c’est pas la même chose que d’être anti. Y a directement une connotation plus violente je trouve.

    Sur le reste on est d’accord, la LICRA quelle blague sérieux

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  3. […] Un autre de mes articles a également été brandi comme une preuve de mon antisémitisme. Celui-ci est une critique de la politique menée par l’Etat d’Israël et à aucun moment de cet article je n’ai assimilé la politique israélienne à la totalité des personnes de confession juive. Ma critique est uniquement politique et je ne fais aucun lien avec la religion. Lorsque j’évoque la politique de Benyamin Netanyahu – et que je la critique sévèrement – il n’est nullement question d’attaquer la foi des personnes ou la communauté juive. Le terme de sionisme est utilisé dans ces articles non pas dans son sens premier – ce que je reconnais – mais dans le sens où il est utilisé aujourd’hui à savoir une politique affirmant que l’Etat d’Israël devrait occuper tout le territoire. Je n’ai jamais appelé à la destruction de l’Etat d’Israël ou à quelque chose de similaire. […]

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