Le grand enfumage du plan pauvreté

 

La semaine dernière, Emmanuel Macron a enfin présenté son plan pour lutter contre la pauvreté. Maintes fois repoussée pour des raisons diverses et variées – d’aucuns arguant que le bon parcours de l’Equipe de France lors du mondial russe était l’une de ces raisons – la présentation de ce plan était l’une des dernières cartouches du monarque présidentiel et de toute sa camarilla pour décoller cette image de président des riches et de caste au service des puissants qui leur colle à la peau depuis le début du quinquennat. De la suppression de l’ISF à l’instauration d’un taux forfaitaire pour les revenus financiers en passant par la non-remise en cause du verrou de Bercy, il faut dire que toute la politique menée depuis plus d’un an est en direction des plus fortunés de cette société.

C’est donc en grandes pompes que le locataire de l’Elysée a mis en scène la présentation d’un plan visant, selon le slogan affiché en fond de la salle, à « faire plus pour ceux qui ont moins ». Dès l’allocution du monarque passée, toute la clique de La République en Marche s’est empressée de faire le service après-vente en expliquant à quel point leur chef était beau, grand et épris de justice sociale en nous promettant que nous venions d’assister à l’épiphanie d’un président subitement devenu social et dont le combat principal était de lutter contre la pauvreté – quand de notre côté nous ne faisons rien pour lutter contre celle-ci, que nous nous en nourrissons même. Il va sans dire que tout cela n’est qu’une fable.

 

Le minable prestidigitateur

 

Le cœur de l’annonce de Macron – et par voie de ricochets des messages colportés par ses aimables perroquets ensuite – résidait principalement dans les 8 milliards d’euros promis pour la lutte contre la pauvreté au sein du plan, ce qui équivaut à 2 milliards par an. Il est évident qu’un tel montant est difficile à décrypter si l’on ne dispose pas de point de comparaison. C’est précisément sur cet état de fait que le successeur de François Hollande et ses sbires jouent en axant leur communication sur ce chiffre. Dès lors, il ne me parait ni absurde ni exagéré de parler de grand enfumage à l’évocation d’un chiffre qui peut donner le tournis mais qui n’est en réalité qu’un pis-aller. Il n’y a d’ailleurs pas de hasard dans le fait que la communication se soit concentrée sur ce montant pour mieux occulter le reste du plan et tenter d’empêcher toute mise en perspective.

Pour autant, pour peu que l’on s’intéresse à la politique menée depuis leur arrivée au pouvoir, l’on se rend rapidement compte que Macron et sa caste se moquent allègrement du monde avec ce montant. Ce que la caste oublie de dire c’est effectivement que si d’un côté elle prévoit 8 milliards d’euros sur quatre ans pour le plan pauvreté, les allocations sociales et pensions vont baisser en valeur réelle de 3 milliards par an. Nul besoin d’être grand clerc (ou grand mathématicien) pour se rendre compte que l’enveloppe promise par le monarque ne suffit même pas à couvrir les baisses qu’il a lui-même décidées. En somme, c’est comme si Emmanuel Macron vous prenait un morceau de pain puis vous rendait les miettes derrière en exigeant que vous le remerciez. Si l’on ajoute à cela la baisse de l’ISF et tous les autres cadeaux accordés au plus riche, on se rend vite compte que le monarque essaye de jouer au prestidigitateur. Le seul problème est qu’il semble avoir oublié que pour être un bon magicien il faut que les tours ne soient pas visibles par le public alors que dans le cas présent son caractère de président des riches saute à la figure.

 

L’odieuse logique

 

L’autre principale annonce de ce discours et de ce plan pauvreté réside assurément dans la création d’un revenu universel d’activité à partir de 2020. J’ai déjà expliqué à de nombreuses reprises à quel point l’idée de revenu universel me paraissait néfaste mais je trouve qu’Emmanuel Macron et sa coterie dépassent un stade dans l’ignominie avec cette culpabilisation des personnes en situation de pauvreté qui, in fine si l’on comprend le message sous-jacent, seraient responsables de leur sort. En somme, le président de la République nous explique que pour être aidé il faudra travailler. Peut-être envisage-t-il même d’obliger les bénéficiaires des minimas sociaux à œuvrer bénévolement comme le défendent certains départements, ajoutant l’indécence à l’ignominie. S’il y a du travail, embauchez les personnes plutôt que les faire travailler gratuitement.

L’autre principal problème de ce plan pauvreté, symbole absolu de la politique macronienne, réside évidemment dans le fait qu’il s’attaque à la pauvreté et non pas aux inégalités. Il s’agit en somme de redistribuer de la main droite au sein des catégories les plus dominées de la population ce qu’on leur a pris de la main gauche. Il va sans dire que cette politique est odieuse et ne vise qu’à satisfaire le marché en fournissant des salariés corvéables à merci et incapables de se défendre ni de vivre décemment. C’est précisément tout le piège du revenu universel qui, plutôt que de s’attaquer aux inégalités, se contente de vaguement lutter contre la pauvreté en expliquant aux personnes qu’il vaut mieux être pauvre en travaillant que pauvre en ne travaillant pas. Ce que propose Emmanuel Macron aux personnes en situation de grande pauvreté, c’est simplement d’aller vers une pauvreté relative en leur disant « c’est mieux que rien » dans un accès de cynisme rarement vu. Sa politique fera sans doute sortir de la grande pauvreté un certain nombre de personnes mais pour les faire demeurer dans la pauvreté avec des personnes plus pauvres qu’avant à qui on aura pris pour donner aux plus pauvres. Il s’agit finalement de donner un os à ronger aux plus dominés pour qu’ils le soient encore mais se taisent pendant que les puissants festoient. Voilà la société que défend le monarque présidentiel et le plan pauvreté qu’il a présentés. Lui et sa caste feraient bien de prendre garde, après nous être nourris de la pauvreté comme l’a dit sa ministre à Jean-Hugues Ratenon, ex-bénéficiaire du RSA et désormais député de la France Insoumise, il pourrait bien nous prendre l’envie de les manger eux. Nul doute que ce jour-là, nous aurons grand faim.

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