En janvier dernier, la Fondation Abbé Pierre publiait son 22ème rapport annuel sur l’état du mal logement dans notre pays. On pourrait dire de manière euphémique qu’il est mauvais. Le mal logement, qui concerne les sans-abris mais aussi les personnes mal logées ou sans logement personnel, progresse dans notre pays. Alors que la France est la cinquième ou sixième puissance économique mondiale, un nombre grandissant de nos concitoyens vivent dans le dénuement le plus total ou presque. C’est un autre des symptômes de l’explosion des inégalités dans notre pays. L’hiver que nous avons vécu l’année dernière a été très rude avec des températures parfois bien en-deçà de zéro degré et celui qui arrive sera sans doute tout aussi rude, ce qui souligne l’urgence de se battre pour offrir à chacun un logement digne. Sporadiquement nous voyons surgir dans l’actualité des situations qui nous paraissent intolérables. Récemment, c’est un reportage d’Envoyé Spécial sur les personnes contraintes de vivre dans 9m² ou moins qui a ramené quelque peu sur le devant de la scène ce sujet. De temps à autres nous entendons parler de tel ou tel SDF mort de froid en hiver – en oubliant ou en feignant d’oublier que les SDF meurent autant l’été que l’hiver – ce qui provoque la stupeur dans l’opinion publique mais très rapidement cette info est chassée par une autre dans la tyrannie de l’instant que nous vivons.
« La Nation assure à l’individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement. Elle garantit à tous, notamment à l’enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l’incapacité de travailler a le droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence ». Ces phrases sont les 10ème et 11ème alinéas du préambule de la Constitution de 1947, qui fait partie des textes à valeur constitutionnelle. Ils affirment le droit fondamental, mais non sanctionné juridiquement, à un logement que tout citoyen a. Cité par la loi Quilliot du 22 juin 1982 (« Le droit à l’habitat est un droit fondamental »), puis par la loi Mermaz du 6 juillet 1989, le droit au logement est l’objet principal de la loi du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement, dite loi Besson. Cette loi affirme que « garantir le droit au logement constitue un devoir de solidarité pour l’ensemble de la nation ». Ce droit ne signifie pas que la nation a l’obligation de fournir un logement à toute personne qui en fait la demande, mais qu’elle doit apporter une aide, dans les conditions prévues par ladite loi, aux personnes qui remplissent les conditions pour en bénéficier. Nicolas Sarkozy lui-même affirmait lors de la campagne électorale de 2007 que lui président, « plus personne ne [serait] obligé de dormir dehors et de mourir de froid ». Dix longues années après cette énième promesse non tenue, le nombre de SDF a explosé et notre pays, qui se pâme d’être développé, laisse encore vivre dans la rue, dans le froid et mourir trop de ses enfants. Il est urgent de réaffirmer le droit fondamental à un logement digne et à l’appliquer réellement loin des incantations et autres effets d’annonce. Ce sont les vies de milliers de personnes qui sont en jeu, ainsi que l’honneur d’une Nation.
L’explosion du nombre de SDF
Le dernier rapport de la fondation Abbé Pierre est accablant pour notre pays. Entre 2001 et 2012, le nombre de SDF dans notre pays a augmenté de 50% pour atteindre désormais près de 150 000 personnes. Tous les chiffres l’indiquent, cette spirale infernale épargne de moins en moins de partie de la population. De plus en plus de personnes diplômées de l’enseignement supérieur sont SDF, ce qui souligne bien la tendance lourde qui frappe notre société. La crise économique de 2007-2008 qui n’a toujours pas été surmontée, les inégalités qui ne cessent de s’accroître, le recul de l’Etat dans la frénésie néolibérale des trois dernières décennies expliquent en partie l’explosion de ce chiffre. Les dynamiques de solidarité sont toujours présentes et les associations ainsi que les Français par millions donnent de leur temps et de leurs ressources pour améliorer comme ils le peuvent la vie de ces pauvres âmes auxquelles l’Etat a bien souvent tourné le dos. C’est bien là tout le côté pervers que peuvent avoir les associations – nous y reviendrons plus tard. L’explosion des expulsions locatives expliquent aussi cette augmentation très forte du nombre de SDF.
Pour certains, il faudrait hiérarchiser les SDF selon leur nationalité. C’est la fameuse rengaine que nous avons entendue lors de la crise des réfugiés : « aidez d’abord nos SDF ». Je ne peux qu’avoir pitié de ces personnes qui demandent ses papiers à une personne qui agonise dans la rue plutôt que de lui venir en aide. A mes yeux, il faut n’avoir jamais parlé avec une personne vivant dans la rue pour proférer de telles énormités. D’ailleurs, au cours de l’été 2016, c’est bien un centre d’accueil pour SDF situé dans le XVIème arrondissement de Paris qui a été incendié, preuve que ces gens-là n’ont cure de la nationalité des indigents, le simple fait qu’ils soient près d’eux les dérange.
Les conditions de logement déplorables
Lorsque l’on évoque la problématique du logement, on a souvent tendance à s’arrêter à la question des SDF alors même que ceux-ci ne constituent qu’une partie du problème. On oublie, en effet, très souvent de parler des personnes qui vivent dans des conditions de logement déplorables parce qu’ils n’ont pas les moyens ou la possibilité de vivre dans un habitat plus décent. Près de 3 Millions de personnes vivent en effet dans des conditions de logement très difficile du point de vue du confort. La Fondation Abbé Pierre recense près d’un million de personnes vivant en surpeuplement dit « accentué », c’est-à-dire qu’il leur manque deux pièces par rapport à la norme de peuplement tandis que 39 000 résidents de foyers de travailleurs migrants vivent en attente de rénovation, dans des conditions de vétusté parfois dramatiques. La Fondation Abbé Pierre intègre aussi pour la première fois 200 000 personnes en habitat mobile vivant dans de mauvaises conditions. Ces chiffres déjà dramatiques ne sont pour autant pas complet. On ne compte plus en effet, les personnes vivant dans des logements très vétustes voire insalubres mais qui n’ont les moyens ni juridiques ni financiers d’aller vivre ailleurs.
En outre, nombre de nos concitoyens vivent en situation de surpeuplement notamment dans les grandes barres HLM, ces quartiers relégués qui n’intéressent personne sinon les médias en mal de frissons. Dans le 3ème arrondissement de Marseille, où 51% des personnes vivent sous le seuil de pauvreté, la mâchoire d’airain constituée d’habitats vétustes voire insalubres et de la surpopulation fonctionne à plein régime et broie des familles entières. Au-delà même de la question du logement c’est celle des écoles marseillaises qui, dans le nord de la ville, sont dans des conditions absolument scandaleuses, sans chauffage pour certaines. Il devient donc urgent d’œuvrer pour non seulement offrir un logement à chacun mais aussi que ce logement soit décent et corresponde aux besoins de ces habitants. Lorsque l’on vit à sept ou huit personnes dans un quatre pièces, quelle personne sensée peut décemment dire que le logement est digne ? C’est une véritable rupture que nous devons opérer si notre pays veut être à la hauteur de la solidarité humaine.
Les damnés du froid ou la crise que l’on n’attendait pas
Au-delà des SDF et du mal logement évoqués plus haut, la crise du logement frappe là où on ne l’attendait pas forcément : sur la question énergétique. Selon l’étude menée par la Fondation Abbé Pierre, les locataires continuent de payer leur loyer, puisque le nombre d’impayés semble stable mais pour des conséquences très lourdes. Les Français sont 44 % de plus qu’en 2006 à se priver de chauffage à cause de son coût et 42 % de plus à subir un effort financier excessif pour payer son logement. Résultat, le nombre de personnes modestes ayant eu froid à leur domicile pour des raisons liées à la précarité s’est accru de 25 % entre 2006 et 2013. En somme, si les Français les plus modestes se saignent pour payer leur loyer et conserver un habitat, beaucoup n’ont plus les moyens de chauffer convenablement leur foyer. Aujourd’hui, un Français sur cinq souffre de précarité énergétique. Concrètement cela signifie que pour beaucoup de nos compatriotes la mauvaise isolation thermique de leur logement – nous y reviendrons plus tard – les factures qui explosent, les revenus qui diminuent avec la crise les obligent à choisir entre se nourrir et se chauffer.
La précarité énergétique, bien trop peu combattue, est une véritable torture psychologique en cela qu’elle est une honte pour bien des personnes qui en souffrent. Ne chauffer qu’une seule pièce dans la maison, avoir aussi froid à l’intérieur qu’à l’extérieur, être contraint de faire bouillir de l’eau pour pouvoir se laver ou autant d’éléments qui minent la vie de 13 Millions de nos concitoyens. On peut se mettre un voile pudique devant les yeux parce que l’on ne veut pas regarder la réalité en face ou parce qu’on y est indifférent mais voilà une des conséquences dont le Parti du Réel qui traite d’utopiste toute personne qui réclame plus de justice et de dignité pour les plus modestes s’applique méthodiquement à mettre sous le tapis. C’est une véritable honte que dans notre pays des personnes dorment, vivent et meurent dans la rue, que des personnes vivent en surpopulation élevée dans leur logement, que des logements totalement indécents soient le lieu de vie de familles entières, que des familles soient contraintes d’aller chez leurs voisins pour prendre une douche chaude. En cette année électorale, ce tableau alarmant appelle une mobilisation de la classe politique mais aussi, dix ans après la mort de l’abbé Pierre, de la société tout entière comme l’explique la Fondation du même nom. Car oui il est de notre devoir à tous d’agir à notre petite échelle pour améliorer un peu la vie de ces Misérables des temps modernes. A nous d’interpeller les politiciennes et politiciens de tous bords. A nous de ne pas détourner le regard de ces visages qui, à défaut d’argent, réclament un peu de chaleur humaine. Dans le cas contraire, alors il n’est pas exagéré de dire que nous enfouissons petit à petit notre humanité au fin fond du béton. Comme Orwell le journaliste, il nous faut montrer l’affreuse réalité de manière crue et franche, montrer l’abîme dans laquelle nous mènent les politiciens et les grands pontes de ce monde, l’abîme dans laquelle notre solidarité sombre, l’abîme d’où surgit notre inhumaine humanité.
Partie I: Le constat accablant
Partie II: Les Misérables des temps modernes
Partie III: Refuser la fatalité
Merci pour ce travail .
Je vis dans mon vieux camping néanmoins confortable et bien chauffé.Fin juin j’ai demandé un logement social sur le département de l’Ariège .Je suis SDF et Handicapé mais c’est handicapant pour trouver un logement ou en rdc ou avec ascenseur .J’ai la conviction que mes interlocuteurs se foutent complètement de la situation des personnes sans logis .J’ai rencontré une personne élue responsable du CCAS d’une bourgade de 3300 habitants car il ya des logements sociaux gérés par les municipalités ce qui « facilite » grandement la recherche. Je considère qu’elle m’a manqué de respect et j’ai été contraint de lui tenir tête.La mauvaise foi et la malveillance se généralise et à mon avis ce n’est pas fini puisque de plus en plus de personnes sont à la rue avec des enfants .Le résultat de cette situation est une politique de destruction du social,du médical et de l’enseignement .30ans que celà dure et on ne peut que constater les résultats .Courage aux damnés de la société française !
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Oui il y a assurément du mépris et de la morgue dans le traitement des personnes les plus dominées de la société. Le film I, Daniel Blake de Ken Loach traite bien de ce sujet.
Force et courage à toi et tous les damnés de notre société
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[…] Pour le droit à un logement digne (1/3): le constat accablant […]
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[…] « La Nation assure à l’individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement. Elle garantit à tous, notamment à l’enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l’incapacité de travailler a le droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence ». Ces phrases sont les 10ème et 11ème alinéas du préambule de la Constitution de 1947, qui fait partie des textes à valeur constitutionnelle. Ils affirment le droit fondamental, mais non sanctionné juridiquement, à un logement que tout citoyen a. Cité par la loi Quilliot du 22 juin 1982 (« Le droit à l’habitat est un droit fondamental »), puis par la loi Mermaz du 6 juillet 1989, le droit au logement est l’objet principal de la loi du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement, dite loi Besson. Cette loi affirme que « garantir le droit au logement constitue un devoir de solidarité pour l’ensemble de la nation ». Ce droit ne signifie pas que la nation a l’obligation de fournir un logement à toute personne qui en fait la demande, mais qu’elle doit apporter une aide, dans les conditions prévues par ladite loi, aux personnes qui remplissent les conditions pour en bénéficier. Nicolas Sarkozy lui-même affirmait lors de la campagne électorale de 2007 que lui président, « plus personne ne [serait] obligé de dormir dehors et de mourir de froid ». Dix longues années après cette énième promesse non tenue, le nombre de SDF a explosé et notre pays, qui se pâme d’être développé, laisse encore vivre dans la rue, dans le froid et mourir trop de ses enfants. Il est urgent de réaffirmer le droit fondamental à un logement digne et à l’appliquer réellement loin des incantations et autres effets d’annonce. Ce sont les vies de milliers de personnes qui sont en jeu, ainsi que l’honneur d’une Nation. Lire la suite → […]
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