Pourquoi je voterai pour le programme L’Avenir en commun

Il paraît que cette élection est spéciale, que l’incertitude n’a jamais été aussi grande à quelques jours du premier tour, que l’atmosphère est très particulière, en bref que l’on n’a jamais vécu cela sous la Vème République. Du haut de mes presque 24 ans je n’ai vécu qu’une seule élection en tant qu’électeur, celle de 2012. J’ai également des souvenirs de celle de 2007 mais il me serait bien difficile de me rappeler de l’atmosphère des scrutins précédents. En tant que passionné de politique je me rends évidemment compte que cette élection a quelque chose de spécial sans pour autant être capable de ressentir ce caractère spécial.

Pour ma part, il est évident que cette campagne – et a fortiori l’élection à venir – est radicalement différente de la première fois où j’ai voté. En 2012, la France sortait d’un quinquennat sarkozyste marqué avant tout par les questions identitaires et la victoire de François Hollande (pour qui j’avais voté dès le premier tour) s’apparentait à un triomphe. Déjà à ce moment-là nous étions heureux d’avoir dégagé le locataire de l’Elysée et de l’avoir renvoyé à ses études. Mon parcours d’électeur est, finalement, très commun il me semble : jeune électeur de François Hollande en 2012, j’ai rapidement été trahi comme l’ensemble de ceux qui l’avaient porté au pouvoir. Du discours du Bourget et de l’engagement de réorienter l’Union Européenne, le nouveau président ne garda rien ou presque. De trahisons en reniements, ce quinquennat fut, pour moi comme pour tant d’autres, l’apparition d’un fossé chaque jour plus grand, d’une faille toujours plus béante, d’un divorce déjà consommé avec la caste politicienne qui nous gouverne depuis tant d’année.

L’enchaînement apocalyptique déchéance de nationalité/loi El Khomri scella de manière que je croyais alors péremptoire mon rejet des élections. Il est vrai qu’une bonne part du chemin avait été effectuée lors des régionales de 2015 lorsqu’au deuxième tour Marion Maréchal Le Pen était opposée à Christian Estrosi. En ce froid mois de décembre, je tournai définitivement le dos au front républicain et, quelques semaines plus tard, je me résolus à l’abstention après l’avoir critiquée à de nombreuses reprises. Après la primaire du Parti Socialiste et de ses satellites l’idée d’une alliance entre Jean-Luc Mélenchon et Benoît Hamon m’intéressait et je me disais que si alliance il devait y avoir alors j’irai voter. Mais d’alliance il n’y eut point et je me dis que cette fois-ci l’abstention serait mon choix.

Pourtant, après une longue réflexion j’ai finalement décidé de voter pour le programme L’Avenir en commun. Dimanche prochain et, je l’espère, le 7 mai je glisserai (ou plutôt ma mère glissera pour moi) donc un bulletin Jean-Luc Mélenchon dans l’urne. Il n’a pas été facile de trancher entre l’abstention, le vote Philippe Poutou et celui de Jean-Mélenchon mais après une longue maturation intellectuelle est venu le moment de « cristallisation » si cher aux analystes politiques et autres sondeurs. Il m’a fallu, comme le dit en substance Albert Camus dans ses Lettres à un ami allemand, me mettre au clair avec moi-même et savoir jusqu’à quel point j’étais prêt à faire des compromis avec moi-même au moment de glisser un bulletin dans l’urne.

 

L’Avenir en commun n’est pas parfait, il ne s’agit pas de défendre cela. Toutefois, il me semble être le programme à la fois le plus proche de mes idées et le plus porteur d’une justice sociale. A l’heure où le néolibéralisme triomphant était censé tout écraser sur son passage (en portant au pouvoir Emmanuel Macron ou François Fillon), s’est levée dans notre pays une formidable espérance. La candidature portée par la France insoumise et par son candidat Jean-Luc Mélenchon ouvre un espace politique à nos idées, celles de la gauche radicale comme ils l’appellent en haut lieu. Je considère que sur certains points L’Avenir en commun ne va pas assez loin mais finalement je ne trouve pas que ce soit une raison suffisante pour ne pas tenter de saisir l’opportunité historique qui se présente à nous.

Ce vote n’est ni un chèque en blanc donné à Monsieur Mélenchon ni une adhésion pleine et entière au programme et aux prises de position du candidat qui le porte. Par le passé j’ai émis des réserves à la fois sur le programme et sur l’homme et pour certaines d’entre elles je les conserve. Je suis de ceux qui ne croit pas que les urnes règlent tout et comme le défend le programme L’Avenir en commun, je suis intimement persuadé que c’est par une participation citoyenne accrue tout au long du mandat que celui-ci pourra être une réussite. Dans ce Zeitgeist qui semble être présent depuis quelques mois en Europe, je pense à mon philosophe favori que j’ai déjà cité plus haut. Dans Le Mythe de Sisyphe il écrit : « Il arrive que les décors s’écroulent. Lever, tramway, quatre heures de bureau ou d’usine, repas, tramway, quatre heures de travail, repas, sommeil et lundi mardi mercredi jeudi vendredi et samedi sur le même rythme, cette route se suit aisément la plupart du temps. Un jour seulement, le ‘pourquoi’ s’élève et tout commence dans cette lassitude teintée d’étonnement. ‘Commence’, ceci est important. La lassitude est à la fin des actes d’une vie machinale, mais elle inaugure en même temps le mouvement de la conscience. Elle l’éveille et elle provoque la suite. La suite, c’est le retour inconscient dans la chaîne, ou c’est l’éveil définitif. Au bout de l’éveil vient, avec le temps, la conséquence : suicide ou rétablissement. En soi, la lassitude a quelque chose d’écœurant. Ici, je dois conclure qu’elle est bonne. Car tout commence par la conscience et rien ne vaut que par elle. Ces remarques n’ont rien d’original. Mais elles sont évidentes : cela suffit pour un temps, à l’occasion d’une reconnaissance sommaire dans les origines de l’absurde. Le simple « souci » est à l’origine de tout ». Mes amis, dès dimanche écroulons leurs décors.

Je fais donc parti de ces abstentionnistes déterminés qui finissent par finalement choisir un candidat. En temps normal je serais sans doute resté sur ma position et dimanche tout comme le 7 mai je serais allé pêcher ou bien jouer au foot. Mais, qu’y a-t-il de normal dans l’époque que nous vivons ? Et je ne veux pas parler du chiffon rouge Front National qu’on nous agite sous les yeux pour mieux nous faire peur et nous faire docilement rentrer dans le rang en votant pour un candidat du système politico-économique en place. Non, je veux bien plus assurément parler de la question environnementale. Si rien n’est fait dans les quelques années qui arrivent les dégâts deviendront irrémédiables. Il nous faut urgemment changer de manière de produire et de consommer sous peine de condamner l’humanité. J’ai, d’ailleurs, énormément de mal à comprendre les personnes qui choisissent de voter pour une personne qui n’a pas un mot pour l’écologie dans son programme ou, pire, considère que c’est une question de bobos situés en dehors des réalités.

Voilà les quelques mots que je voulais dire pour expliquer mon vote. Pour terminer j’aimerais ajouter à l’insoumission portée par le programme la révolte qu’oppose Camus à l’absurde dans son cheminement philosophique. Il me semble en effet que la notion éclaire de manière éclatante le combat qui est le nôtre, à gauche. Dans L’Homme révolté, le philosophe la définit comme tel : « Dans l’épreuve quotidienne qui est la nôtre, la révolte joue le même rôle que le « cogito » dans l’ordre de la pensée : elle est la première évidence. Mais cette évidence tire l’individu de sa solitude. Elle est un lieu commun qui fonde sur tous les hommes la première valeur. je me révolte, donc nous sommes ». Puisse notre révolte être féconde dans quelques jours mais également après. Rappelons-nous que quoiqu’il arrive ça ne sera pas la fin, ni même le début de la fin, peut-être seulement la fin du début.

 

PS : D’aucuns se demanderont sans doute pourquoi je publie un texte aussi long pour expliquer les raisons de mon vote. Je vous rassure je n’ai pas pris la grosse tête au point de croire que mon choix mérite des explications tant il est important. Simplement, étant donné que j’essaye, sur ce blog, de mener une réflexion que j’espère cohérente et que je ne me suis pas privé de critiquer tel ou tel candidat depuis le début de la campagne, il me semble normal d’exprimer mon choix et d’en expliciter les raisons. En outre, même si comme je l’ai dit les réserves que j’ai ne manqueront pas d’être à nouveau évoquées (pour la simple et bonne raison qu’il me semble que c’est dans la discussion qu’on peut améliorer réflexions et programmes), dire pour qui je vais voter évitera les procès d’intention et autres accusations fallacieuses qui pourraient surgir ci et là.

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