Quand est-ce qu’on casse le schéma ?

« Réunis pour améliorer l’état du monde » – commited to improving the state of the world en version originale – telle est la devise du Forum Economique Mondial de Davos qui s’est tenu du 20 au 23 janvier derniers. Cette réunion des plus grandes richesses mondiales, qui se tient en Suisse depuis 45 ans désormais, est devenue peu à peu le lieu de pouvoir au fur et à mesure que l’économie s’est financiarisée et que l’économie a pris le pas sur le politique. Ne voit-on d’ailleurs pas les chefs d’Etats ou de gouvernement se succéder à ce forum dans le but de convaincre les plus grosses entreprises de s’installer dans leur pays ? De dirigeants les voilà transformés en VRP de luxe, contraint de faire des courbettes ou de cracher sur le programme de leur propre parti comme n’a pas hésité à le faire Emmanuel Macron à propos des 35 heures.

En parallèle de cette réunion de luxe rythmée par les ballets de BMW, d’Audi ou autres Mercedes, l’association Oxfam a publié un rapport accablant sur l’état des inégalités dans le monde. L’entre soi constitué par les participants du forum n’a que faire de telles données. Ce rapport – intitulé « Une économie au service des 1% » – fait frémir : il démontre que les 1% les plus riches de la planète possède désormais plus que les 99% restants. Dans le même temps, Oxfam nous apprend que le patrimoine de la moitié la plus pauvre de la population s’est réduit de 41% (soit une baisse de 1000 Milliards de $) quand celui des super riches a progressé de 44% – pour une hausse de 500 Milliards de $.

Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles

Pourtant, à écouter nos dirigeants politiques ou les grands patrons présents à Davos tout va bien ou presque en termes sociaux et économiques. La preuve ? Nos dirigeants politiques sont bien plus occupés à nous parler de déchéance de nationalité, d’islamisation de l’Occident, de guerre de civilisations et autres thématiques sécuritaires. Depuis 2008 et la crise des subprimes qui n’était absolument pas conjoncturelle mais bien structurelle comme je l’ai déjà écrit et tenté de démontrer à de nombreuses reprises – je vous conseille à ce propos l’excellent film produit par Brad Pitt The Big Short – rien n’a réellement changé dans la répartition des richesses ou la régulation. Enfin si quelque chose a changé : les riches sont toujours plus riches et les pauvres se sont appauvris. Ajoutez à cela les difficultés connues par de nombreuses personnes au sein de la classe moyenne et vous avez le tableau d’un monde idyllique digne de Pangloss dans Candide.

Finalement, la devise du forum économique mondial a bel et bien été respectée. L’état du monde a bien été amélioré mais il faut préciser de quel monde il est question. Les participants au Forum de Davos ont bien œuvré à l’amélioration du monde mais de leur monde, celui des nantis et des grands possédants qui, parce qu’ils détiennent le capital, peuvent s’affranchir de toutes les règles ou presque afin de s’enrichir toujours plus. Fraude fiscale pour les plus déterminés, optimisation fiscale pour d’autres ou encore chantage à l’emploi à l’égard des gouvernements pour obtenir des remises fiscales tel est le monde dans lequel nous évoluons alors même que dans le même temps la classe moyenne est assommée d’impôts.

Agissons !

Est-il normal, ou même sain, qu’une ultra minorité de super riches se partagent les fruits du travail de tous ? Il ne me semble pas. Est-il normal que les banques n’aient pas été inquiétées après le scandale financier qui a conduit à la crise des subprimes ? « Regulation is back » affirmait Barack Obama à son arrivée dans le bureau ovale et pourtant, près de huit années plus tard, les activités de dépôt n’ont pas été séparées des activités d’épargne. Qui peut croire que ce qui n’a pas été fait dans l’urgence d’une crise planétaire le sera quand tout est rentré dans l’ordre et que l’apocalypse a été évitée ? Un seul banquier a fini en prison après la crise mondiale de 2008 et vous pensez que les banques vont arrêter de produire des créances totalement toxiques ? Foutaises ! Hier le krach a porté sur l’immobilier – marché qui était considéré comme « béton » par tout le monde – demain il portera sur autre chose, au hasard les prêts étudiants qui sont aujourd’hui à des niveaux complètement délirants.

« Suis-je de ceux qui grognent ou suis-je de ceux qu’on entend pleurer ? » se demandait Shurik’n dans 4.2.1. Mes amis soyons de ceux qui agissent et œuvrons au quotidien pour changer le monde dans lequel nous vivons. « Soyez le changement que vous voulez voir dans le monde » disait Gandhi. Aujourd’hui, plus que jamais, ses mots résonnent avec puissance. Le capitalisme libéral, système dans lequel nous vivons depuis bien trop longtemps, n’est pas une fatalité. Ci et là des alternatives se mettent en place. L’économie collaborative se développe un peu partout et peut constituer une parade au libéralisme ambiant. L’exemple des Fralib de Gémenos constitue un formidable espoir pour toutes les personnes qui ont envie de changer le monde, de le refonder sur plus de justice sociale et d’égalité. « Il n’y a pas assez de travail pour tout le monde » cette antienne que nous entendons à longueur de journées est fausse. Je suis en école de commerce et je vois comment les auditeurs et autres membres de cabinet de communication – liste non-exhaustive évidemment – travaillent jusqu’à 19, 20 parfois 22h pour jouir d’un salaire mirobolant. Il s’agit de changer de paradigme : plutôt que travailler jusqu’à 22h afin de gagner 10 000 ou 15 000€ par mois, n’est-il pas possible de travailler moins afin de permettre à une autre personne d’être embauché ? Dans bien des entreprises les postes à pourvoir se retrouveraient aussitôt doublés ! Alors évidemment changer de système suppose d’adapter notre vision de la vie. La course effrénée vers le profit devra ainsi laisser place à une vie plus simple car comme le disait encore Gandhi, « il y a assez de tout dans le monde pour satisfaire aux besoins de l’homme, mais pas assez pour assouvir son avidité ».

Vous qui lisez ce texte, vous vous demandez sans doute qu’est-ce que vous pouvez faire contre ce colosse qu’est le capitalisme libéral. Si chacun pense comme cela alors ce colosse n’a rien à craindre mais si chacun apporte sa petite contribution alors nous assisterons à l’apocalypse au sens grec du terme à savoir la révélation : ce colosse qui nous fait tant peur a en réalité des pieds d’argile. David tua Goliath grâce à une pierre. Soyons tous des petits David face à Goliath et apportons nos pierres à l’édifice. Les efforts ne payeront pas tout de suite, il faudra sans doute comme Sisyphe recommencer bien des fois mais faut-il pour autant renoncer à cette lutte ? Comme l’écrivait si justement Camus dans Le Mythe de Sisyphe : « La lutte elle-même vers les sommets suffit à remplir un cœur d’homme. Il faut imaginer Sisyphe heureux ». De Sisyphe à David il n’y a qu’un pas. Franchissons-le.

5 commentaires sur “Quand est-ce qu’on casse le schéma ?

  1. J’apporte ma petite contribution : on ne fait jamais progresser une cause en utilisant des mensonges éhontés. Le rapport d’Oxfam est un ramassis d’idioties, car il s’appuie sur le patrimoine net, ce qui fait que si je donne 1 euros à mon petit neveu de deux ans, il se retrouve plus « riche » que les deux milliards d’humains les plus pauvres de la planète. Autre exemple avec cette méthode de calcul démente, parmi les 1% les plus pauvres du monde, 10 % sont des citoyens américains et 0% des chinois…

    Voir : http://fusion.net/story/39185/oxfams-misleading-wealth-statistics/

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    • Je n’avais pas eu vent de ces critiques, je lirai ce soir l’article.
      Quand bien même les données sont erronées, peux-tu dire que tout va bien dans le meilleur des mondes possibles aujourd’hui ? Les inégalités se sont aggravées depuis la crise et ça, ce n’est pas un mensonge éhonté… Le rapport comporte peut-être des erreurs mais la situation qu’il décrit est bien réelle… Après tu peux faire comme Ponce Pilate et dire je m’en lave les mains c’est ton choix

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  2. Bonjour Marwen !

    Je suis RAVIE de vous retrouver, vous êtes plus sympa à lire que la presse en ce moment !!!

    Je vais peut être vous contrarier… toutefois.
    N’est-il pas mieux de BÂTIR un nouveau schéma plutôt que ‘Casser’ l’ancien ? Les racines, le passé, le vieux…. Tout n’est pas à rejeter ! L’expérience, les matériaux anciens après transformation (rien ne se crée tout se transforme !) peuvent servir ‘de nouveau’. Prenons le proverbe suivant, vous voulez bien ?

    Comparaison n’est pas raison, par exemple…

    …. Ça dépend !
    Les études comparatives nous permettent d’affiner notre sentiment/opinion à l’échelle des grands penseurs classiques ou modernes. Toutefois, il ne faut pas confondre les notions mises en parallèles, « comparées ». Ces concepts/idées/sens sont forcément à des degrés variables, différents ; ce sont des images/outils qui nous aident à comprendre !
    De plus, le fait de comparer des éléments, signifie « les examiner chacun pour voir par exemple ce qu’ils ont de semblable et de différent, chercher des relations entre eux. Et cela est une démarche qui fait partie du concept de raisonnement et de pensée. » G. Guérin

    Voici les deux extraits en question que je soumets à notre méditation collective :

    Le premier, inscrit sur le portal de l’ONU, date du XIII ème ; il est issu de la poésie Persane.

    « Les hommes sont membres les uns des autres

    et créés tous de même matière,

    si un membre s’est affligé les autres s’en ressentent :

    Celui qui n’est touché du mal d’autrui

    ne mérite d’être appelé homme. »

    Gulistan ou l’Empire des roses (ou « Le jardin des Roses ») Saadi, Trad. André du Ryer – 1634.

    Le second Sarvadoya …

    …. est un terme qui signifie « croissance universelle » ou « progrès pour tous ».

    Le terme fut choisi par Mohandas Karamchand Gandhi comme titre de la traduction de l’ouvrage de John Ruskin sur l’économie « Unto this last »

    Après lecture, Gandhi déclara : « Je fus déterminé à changer ma vie en accord avec les idéaux décrits dans ce livre ».
    Il traduisit le livre et le nomma « SARVADOYA »

    Extrait :
    (Des) « Racines de la Vérité »
    Parmi les désillusions qui ont affligé l’humanité à différentes périodes, la plus grande peut-être et certainement la moins honorable est l’économie moderne basée sur l’idée qu’un moyen d’action avantageux peut être déterminé en dehors de l’influence d’un caractère social… »…………

    « Je ne douterais pas des conclusions de la science économique si j’en acceptais les termes. Mais elles ne m’intéressent pas plus que les conclusions d’une science de la gymnastique qui soutiendrait que les hommes n’ont pas de squelette. On pourrait montrer, avec cette supposition, qu’il serait bénéfique de rouler les gymnastes en boule, de les aplatir en galettes ou de les étirer en câbles »……..

    « L’économie politique moderne est basée sur des raisonnements semblables. Elle imagine l’homme comme un corps sans âme, et construit donc ses lois en conséquence. » …………….

    « L’économie politique n’est pas du tout une science. Elle n’est d’aucune aide quand les ouvriers font grève… » ………..

    « Même si l’on considère les hommes comme n’étant dirigés par aucune autre influence morale que celles qui affecte les rats ou les porcs, on ne peut montrer, d’une façon générale, que les intérêts du patron et de l’ouvrier sont opposés. Parce que, selon les circonstances, ils peuvent être divergeants ou non. » ………..

    « Mais chacun peut savoir, et la plupart d’entre nous savent, ce qui est juste et ce qui ne l’est pas. Et nous pouvons tous savoir que les conséquences de la justice seront finalement les meilleures possibles, à la fois pour les autres et pour nous-mêmes,… »

    « Dans le terme de justice, je veux inclure l’affection – celle qu’un homme doit à un autre. Toutes les relations justes entre un dirigeant et un exécutant dépendent finalement de cela. »

    Texte complet ? Cliquer sur le lien suivant :

    https://fr.m.wikisource.org/wiki/Pour_le_bien-être_de_tous

    Conclusion … ?

    ….un peu hâtivement permettez-moi de rappeler ce conte philosophique qu’écrivit Voltaire, Candide ou de l’optimisme. Il résume, in fine, tout le propos des Lumières (a-t-on trouvé mieux que ‘la lumière’ pour é-clair-er les Hommes ?) :

    « Vous devez avoir, dit Candide au Turc, une vaste et magnifique terre ? – Je n’ai que vingt arpents, répondit le Turc ; je les cultive avec mes enfants ; le travail éloigne de nous trois grands maux :

    l’ennui, le vice, et le besoin. »

    « Candide, en retournant dans sa métairie, fit de profondes réflexions sur le discours du Turc. ….. (ET compris qu’) il (nous) faut (aussi !) cultiver notre jardin. »

    A très bientôt, sur la même chêne hahaha…

    Aimé par 1 personne

    • Evidemment que la destruction n’est pas la fin du propos c’est pour ça que je dis casser et non pas détruire, casser suppose de rendre caduc afin de le dépasser ! Je ne crois pas à la tabula rasa et au nihilisme !

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