Le politique se meurt, vive la politique !

Défiance, désintérêt, abstention, fracture, autant de mots qui reviennent quand on évoque le rapport qu’ont aujourd’hui les citoyens avec le politique. A chaque élection on ressort les sempiternelles mêmes grilles d’analyse : une abstention toujours plus forte, un désintérêt de plus en plus marqué pour les politiques, une défiance grandissante envers la totalité de la classe politique. Lorsqu’on s’avise d’aller interviewer des abstentionnistes, le fameux « premier parti de France » comme aiment les appeler les différents médias, c’est toujours les mêmes réponses : « on n’y croit plus » par-ci, « les politiques ne peuvent rien pour nous » par-là ou encore « tous pourris, tous des menteurs ».

Force est ainsi de constater que, si le politique n’est pas encore totalement mort, celui-ci se meurt. N’entend-on pas souvent les analystes nous dire que le politique a été mis au pas par l’économique ? Notre rapport au politique est en train de radicalement changer nous dit-on. Il se pourrait, en effet, que nous vivions une sorte de basculement dans la manière d’aborder l’action publique et que l’on arrive au crépuscule d’un certain modèle. Alors évidemment, le temps historique est long et quand je parle de crépuscule, cela ne veut pas dire que demain tout sera chamboulé mais d’ici une génération, il me semble que notre rapport au politique aura durablement changé. D’aucuns y voient une catastrophe, je suis bien plus enclin à y voir une opportunité magnifique de revenir aux racines de la politique.

La démission de la classe politique

Comme je le rappelais en introduction, notre rapport aux hommes et femmes politiques a déjà profondément changé. Plus aucune confiance n’existe véritablement entre les citoyens d’une part et ceux chargés de les représenter d’autre part. La démocratie, bafouée bien des fois, est bien loin du modèle théorique du pouvoir du peule, par le peuple, pour le peuple ainsi que l’avait, en son temps, décrite Abraham Lincoln. Certains nous pressent de revenir à une démocratie plus participative, sur le modèle de la Grèce Antique. Je reviendrai plus tard sur cette question qui me semble être primordiale dans le basculement que nous sommes en train de vivre à mon sens. Référendum non respecté de 2005, promesses régulièrement non tenues par les dirigeants, mensonge institutionnalisé par Chirac au moment où il a affirmé que  » les promesses n’engage[aient] que ceux qui y croy[aient] » , la France a déjà un passif assez lourd qui explique en grande partie la défiance montante et la progression du Front National. Mais nos voisins européens ne sont pas en reste comme a pu le montrer l’exemple grec. C’est en ce sens qu’il me semble que ce basculement, ce crépuscule est le fruit d’une dynamique plus globale.

Le second principal révélateur de cette démission du politique est la mise en place, sous l’impulsion de Margaret Thatcher puis de Tony Blair, du New Public Management. En remportant le combat des idées, les tenants de cette vision de l’action publique ont finalement vidé complétement de sa substance l’action du politique. Appliquer les règles de l’entreprise au domaine public, abandonner l’éthique de conviction pour déposer l’éthique de responsabilité sur un piédestal, prôner à tout va le réalisme pour tuer l’idéalisme et l’imagination en politique, voilà quels étaient les principaux objectifs du New Public Management. Le succès de cette doctrine – certains essayent de nous expliquer qu’il n’y a aucune idéologie derrière cette mise en place, ce qui est totalement faux – a finalement abouti à la prévalence de l’administration sur le politique. Ce faisant, nous avons vu apparaitre le règne de la technocratie supplantant ainsi le politique. C’est en ce sens qu’il me semble que les politiques ont petit à petit démissionné. C’est pourquoi aujourd’hui, il me semble tout à fait clair que nous, citoyens devons revoir notre rapport à la politique puisque c’est désormais à nous de la faire revivre.

Pour le retour de la politique

J’en appelle aujourd’hui aux citoyens. Je leur demande d’être radicaux afin de sauver et de faire revivre la politique. Pourquoi radical me direz-vous ? Tout simplement parce que, si l’on s’intéresse à l’étymologie du mot, radical signifie revenir à la racine. Aujourd’hui, en effet, nous avons besoin de revenir aux racines de la politique. Quelles sont-elles ces racines ? Politique, ce mot fourre-tout que personne n’arrive à réellement décrire de nos jours a besoin d’être réexpliquer afin que le citoyen redevienne citoyen. Politique : s’occuper de la vie de la cité en grec, cité ici pris dans le sens lieu de vie. C’est en ce sens qu’il me semble absolument primordial de refaire de la politique tous à notre échelle aujourd’hui. J’ai parlé de démocratie participative plus haut mais la réelle démocratie participative n’est pas de faire des référendums à tout va et donner l’impression que les citoyens décident alors que les représentants se passent bien de l’assentiment d’un tel ou d’un tel pour mener les politiques qu’ils ont envie de mener.

En résumé, il s’agit pour chacun de faire société, d’agir à sa propre échelle pour le vivre-ensemble. Plutôt que de continuer à être spectateur, il est nécessaire que tout le monde devienne acteur à sa propre mesure. En somme il s’agit de repolitiser la société, de ne plus laisser des petits bureaucrates faire ce qu’ils ont envie de faire et venir ensuite se lamenter sur les inégalités, le manque de justice ou le manque de fraternité. « Suis-je de ceux qui grognent ou suis-je de ceux qu’on entend pleurer ? » se demandait Shurik’n dans 4.2.1 et c’est bien tout le défi et la magnifique opportunité qui s’offrent à nous aujourd’hui. Plutôt que de se plaindre engageons-nous chacun à notre échelle dans des cordées de la réussite, dans le milieu associatif, dans des projets participatifs. Souvent dans l’Histoire, les modèles économiques ont précédé les bouleversements politiques (l’exemple de l’apparition du capitalisme puis de sa régulation est le plus pertinent à mon sens). Aujourd’hui nous voyons émerger l’économie collaborative alors ne laissons pas ce beau projet demeurer au simple plan économique mais poussons tous ensemble pour établir un nouveau modèle et remettre la politique à la place qui devrait être la sienne, au cœur de la vie de chacun.

Finalement nous vivons actuellement une véritable crise de modèle à mon sens. Là encore il s’agit de revenir à l’étymologie du mot pour bien saisir l’époque qui est la nôtre. A l’origine, le mot crise descend du grec crisis qui signifie choisir. Et c’est tout le défi qui se dresse face à nous, celui de choisir la politique ou de la laisser dépérir. « La crise, comme le disait brillament Antonio Gramsci, c’est quand le vieux se meurt et que le jeune hésite à naitre ». Nous sommes au beau milieu de ce phénomène. Cette position, si elle peut être excitante est aussi porteuse de risque si l’on n’est pas vigilant. Le même Gramsci avait eu, en son temps, une phrase qui prend tout son sens actuellement : « Le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaitre et dans ce clair-obscur surgissent les monstres ». Demeurons vigilants afin de ne pas mettre tous nos efforts à la poubelle et à ce moment-là nous pourrons triomphalement crier : la politique est morte, vive la politique !

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