Les taxis ont donc obtenu ce qu’ils voulaient : le 3 juillet dernier, les dirigeants d’Uber ont annoncé la suspension d’UberPOP dans un communiqué de presse. Cette décision a suscité des réactions partagées. D’un côté, les défenseurs d’Uber ont fait part de leur colère arguant que les taxis étaient une caste protégée par l’Etat et qui faisait tout pour empêcher la concurrence d’émerger. De l’autre, des personnes se sont félicitées que la loi soit enfin appliquée, le Premier Ministre Manuel Valls en tête.
Toutefois, l’idée qui prédominait dans l’opinion était celle que les méchants taxis avaient tout fait (et réussi à le faire) pour empêcher le gentil Uber de travailler et de moderniser la profession. Je caricature ? A peine ! Pendant toute la durée de la confrontation taxis contre Uber, nous avons eu droit à toutes les caricatures possibles et imaginables : les chauffeurs taxis seraient des diables tandis qu’Uber serait un ange à en croire certaines personnes. Pourtant, loin de cette simplification ridicule et de ce manichéisme outrancier, la vérité est bien plus complexe que cela. Et comme le disait un ancien responsable des services secrets israéliens dans le (très bon) documentaire The Gatekeepers : «Il n’y a pas de noir ou de blanc. Il n’y a que des nuances de gris».
Uber loin de l’image qu’on a de lui
Première contre-vérité que l’on entend souvent sur Uber, l’entreprise ferait partie de l’économie collaborative et serait une petite entreprise fragile. Très loin de cette image de petite entreprise, Uber est un véritable mastodonte du transport. Il n’est pas cette petite entreprise de l’économie collaborative comme on le présente, à tort, bien trop souvent. Uber était valorisé à 40 Milliards de dollars en décembre 2014. Alors pour l’image de petite entreprise on repassera. La vérité c’est qu’Uber est une multinationale comme une autre (et je ne le lui reproche pas, je reproche simplement à ceux qui la présentent comme une petite entreprise leur démarche).
Uber est bien moins cher que les taxis disent certains. Si les taxis pratiquaient les même tarifs que les conducteurs Uber, celui-ci ne représenterait aucune menace pour eux affirment d’autres. Si l’on prend les chiffres bruts alors oui ces gens-là semblent avoir raison. Et pourtant, ils ne s’intéressent qu’à la partie émergée de l’iceberg. Les gens qui défendent Uber sont-ils les mêmes qui nous parlent de patriotisme économique pour sortir de la crise ? Si oui, ils devraient rapidement revoir leur position parce que défendre Uber et dans le même temps prôner le patriotisme économique est une aberration. Savez-vous, en effet, qu’Uber par un montage financier s’exonère d’impôt sur 20 à 30% de son chiffre d’affaires ? Comment ? C’est plutôt simple : lorsque le client paye une course, une part de celle-ci est reversée sous forme de commission à une filiale d’Uber basée au Luxembourg ce qui évite à l’entreprise de payer ses impôts en France.
Uber, révélateur d’un des problèmes majeurs de l’UE : le dumping
En ne payant pas une partie de ses impôts en France, Uber ne fait rien d’illégal. Il est, effectivement, parfaitement permis de transférer une partie de son chiffre d’affaires dans un autre pays de l’UE. C’est en ce sens qu’Uber est révélateur de l’un des principaux problèmes de l’UE à savoir le dumping sous toutes ses formes. Dans le cas d’Uber il s’agit d’un dumping fiscal mais d’autres types de dumping sont à l’œuvre au sein de l’UE. On pense par exemple au dumping social qui consiste à avoir une législation sociale moins généreuse pour gagner en compétitivité prix dans une espèce de course au nivellement par le bas des avancées sociales dans l’UE. Le dumping fiscal est tout autant condamnable. Comment ne pas penser au maire de Londres, Boris Johnson, qui appelle régulièrement les entrepreneurs français à venir s’installer dans sa ville ?
Finalement le problème que met à jour de manière cruelle Uber, c’est l’absence totale de solidarité au sein de l’UE (ce qu’on voit déjà à l’œuvre en Grèce). La construction européenne, qui se voulait porteuse d’une solidarité entre les différents pays et peuples de l’UE pour faire face à la mondialisation et à la concurrence des Etats-continents que sont la Russie, la Chine, l’Inde ou les Etats-Unis, n’a abouti qu’à une concurrence exacerbée au sein même de l’UE. L’absence totale d’harmonisation fiscale et sociale ne fait qu’inciter les pays à être en concurrence et à tirer vers le bas les politiques sociales. Alors que l’idéal européen était censé être vecteur de progrès social et de solidarité, il est aujourd’hui synonyme au mieux d’une stagnation des acquis sociaux, au pire d’un recul de ces derniers. Dans un discours à l’Assemblée nationale resté célèbre, Victor Hugo appelait de ses vœux à l’émergence des « Etats-Unis d’Europe ». On en est aujourd’hui très loin si bien que l’on peut se demandé s’il y a réellement une unité dans cette Union Européenne plus vectrice de concurrence que de solidarité entre les Etats.