A la fin de l’année dernière, le rappeur marseillais Jul a donné un concert au Dôme, la principale salle de spectacle de la Cité phocéenne. Ce qui, pour d’autres artistes, constitue un évènement banal dans une carrière est, dans le cas de Jul, un véritable phénomène. Celui-ci ne donne en effet que très peu de concert et se produit très rarement sur scène – il a avoué que le stress qu’il ressentait avant de telles prestations était monumental. Fidèle à son habitude, il a rendu cet évènement spécial et, loin de se produire sur fond d’effets spéciaux spectaculaires, est apparu sur scène en train de jongler avec un ballon de football, chose toute aussi incongrue que révélatrice du personnage Jul.
Surgi sur la scène du rap français depuis quelques années, l’artiste ne cesse de détonner et de dépasser une à une les barrières qui se sont dressées sur son chemin. Il a récemment expliqué qu’après la sortie de son album en décembre 2017, il prendrait une pause et s’éloignerait quelque peu du monde de la musique. Il faut dire que depuis quelques années il a enchainé les sorties d’album dans un rythme de travail proche du stakhanovisme. Le côté atypique de Jul, son succès aussi, font qu’il est souvent l’objet de critiques très acerbes. Les personnes n’appréciant pas ce qu’il produit ressentent effectivement très souvent le besoin de cracher leur fiel et de critiquer, bien au-delà du simple rappeur, ceux qui l’écoutent, l’apprécient et disent se reconnaitre dans ses textes. Aussi le cas Jul nous permet-il à mon sens de mettre en exergue la manière dont un certain mépris de classe s’organise dans notre pays par le truchement du dénigrement systématique des cultures populaires. Avant d’aborder frontalement cette question, un détour par la philosophie me semble toutefois nécessaire. Lire la suite