Bruno Le Maire, le RSA jeune et la question de la précarité

To war – Konstantin Savitsky

« Un jeune de 18 ans, ça veut un travail ». C’est par ces mots que Bruno Le Maire répond à une question de Jean Jacques Bourdin sur la situation économique des jeunes au micro de RMC. Le ministre de l’économie prend enfin le temps de nous parler des choix du pays entre deux bouquins et malgré le handicap que représente son intelligence pour lui. Cette phrase, qui entre dans une diatribe plus large, dit beaucoup sur les choix français en matière de gestion de la précarité et de la pauvreté.


BLM et la question de la classe sociale

Le ministre de l’économie a une réponse hors sujet. Sur une question à propos de la précarité des jeunes, sur la pertinence d’élargir un dispositif qui ne permet pas aux gens de sortir de la pauvreté mais qui leur offre au moins la possibilité de la vivre un peu plus facilement, BLM évoque le travail. Comme si c’était ça le problème : les jeunes pauvres qui ne veulent plus travailler. Il est vrai que de moins en moins de jeunes semblent disposés à accepter des postes mal payés et surtout peu intéressant socialement. Cependant c’est nier la réalité du marché de l’emploi qui était déjà mal en point avant la crise sanitaire et qui est dans une situation encore plus dramatique maintenant.

Cette phrase renvoie à une idée plus large. Il ne faut en aucun cas offrir la possibilité aux pauvres, aux classes sociales qui sont déterminées à devoir accepter les métiers les moins intéressants et rémunérateur de pouvoir les refuser. Ou simplement de pouvoir attendre une proposition plus intéressante pour eux. Ces gens doivent être précarisés, entretenus dans la misère et poussés même par l’état sur le marché du travail à accepter tout et n’importe quoi pour pouvoir essayer boucler le mois.

Cette question du RSA jeune, qui ne permet même pas de vivre au-dessus du seuil de pauvreté mais qui est pourtant refusé à une frange importante de la population en souffrance est symptomatique d’une classe politique qui n’a jamais voulu traiter directement ces problèmes. Un pauvre sera moins pauvre s’il bosse (ce qui est faux, en prime). L’État ne doit rien ou faire le minimum pour contrer cet état de fait sous peine de remettre en cause l’idée d’armée de réserve si chère aux théories marxistes et donc, de faire vaciller l’ordre économique en vigueur en France.

La personne qui verbalise ce positionnement n’a par exemple jamais vraiment travaillé comme elle l’entend. Bruno Le Maire, originaire d’une famille aisée et bien intégrée socialement entre à 18 ans en classe préparatoire. Puis l’ENS où l’État lui donne une bourse pour se former. A la fin de ses études, à 29 ans, après avoir bien réseauté il est directement rentré dans l’administration publique. Ici, pas de travail alimentaire à 18 ans, pas d’obligation d’entrer dans la vie active sous peine de précarité et de pauvreté. Dans le monde de Bruno le Maire, on prend le temps de murir son projet professionnel, on ne court pas derrière un salaire pour survivre.


Rémunération et diplôme

Ce qui est également intéressant dans la possibilité d’ouvrir le RSA aux jeunes de moins de 25 ans est plus largement de réfléchir à la question de la précarité chez les jeunes et à ses effets sur leur choix de vie. Quand on est originaire d’un milieu paupérisé, il est difficile de demander un soutien financier à ses parents lorsque la majorité est passée. Cela existe, mais ce n’est pas la norme comme dans des classes sociales plus favorisées. On dit souvent qu’entretenir un enfant cela coûte cher, un jeune adulte aussi dans le fond.
Cette précarité pousse bien souvent les jeunes les plus pauvre qui ont la chance de découvrir le monde universitaire et les études postbac à prendre un travail alimentaire. Quand d’autres peuvent faire des préparations et se concentrer essentiellement sur comment remplir son cerveau de différents savoirs et connaissances, un jeune qui est dans l’obligation de travailler ne pourra pas se concentrer aussi pleinement sur ses études. C’est une des raisons qui expliquent pourquoi il y a si peu de transfuge de classe quand il est établi qu’accéder au niveau Bac est plus facile qu’à une époque. Avant, c’était après le collègue que l’écrémage se réalisait, maintenant c’est après le bac ou lors du premier semestre. Les fruits les moins accrochés et préparés tombent.

Ces difficultés à pouvoir entrer pleinement dans le monde universitaire permet de maintenir un fait en France : le niveau du diplôme conditionne bien souvent ton salaire. Et c’est ainsi que des hautes rémunérations sont expliquées. Les étudiants socialement favorisés font de longue étude, rentrent sur le marché du travail tard, après avoir pu réfléchir à leur projet pro et à des rémunérations élevées. Le travail n’est que plaisir et permet de s’épanouir. Pour ces gens, imaginer un travail qui mutile, maltraite, précarise et violente est impossible. Pire encore, Bruno Le Maire fait partie d’une pensée politique qui veut aussi précariser les personnes diplômées qui s’engagent pour le bien commun. Le cas de la rémunération des enseignants, des professeurs, des internes, des avocats commis d’office et des infirmiers par exemple est intéressant. Dans ces professions, études longues ne garantissent pas une bonne rémunération ni des conditions de travail favorable.
L’idée de ce papier n’est pas d’encenser le principe du RSA et de militer durement pour son ouverture aux jeunes vu que dans l’absolu, il n’est pas suffisant pour vivre dignement et sortir de la pauvreté. Mais dans ce système politique et économique défavorable, il permet de corriger quelque peu une situation qui pousse les plus pauvres à accepter des postes qui ne vont pas leur apporter socialement et qui vont encore plus les fragiliser en termes de situation économique. Les CDI sont rares, les salaires bas et le management de plus en plus violent avec les petites mains facilement remplaçables. Le récuser parce qu’il ne va pas aussi loin sert les dominants qui peuvent donc le refuser parce qu’il ne sert pas leurs intérêts. Le défendre pour offrir un minimum de droits à l’ensemble des précarisé et ensuite l’étoffer par la suite semble plus constructif pour la lutte. On ne fait pas avancer les idées du progrès social et économique en reculant et en étant d’accord avec les dominants.

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