La ZAD en quelques lignes

Il y a quelques jours, alors que la crise du coronavirus débutait, le gouvernement a annoncé qu’il reportait à une date ultérieure la privatisation d’Aéroports de Paris. Expliquant que les marchés financiers étaient au plus bas et que ce n’était donc pas le bon moment pour vendre – ce qui est d’une logique implacable – la caste au pouvoir s’est bien gardée de parler du nombre de signatures soutenant le référendum d’initiative populaire. Si celles-ci n’ont pas atteint les 10% du corps électoral nécessaire, plus d’un million de signatures ont été enregistrées sur la plateforme (et ce, en dépit de tous les freins mis en place par le pouvoir), ce qui est la barre dont Emmanuel Macron avait parlée durant le grand débat.

Nous verrons donc si la privatisation a bien lieu plus tard mais il y a fort à parier qu’il s’agirait là d’une grosse épine dans le pied du pouvoir. Finalement, les questions aéroportuaires pourraient bien être celles où le monarque présidentiel et sa cour auront le plus reculé à la fin du quinquennat. Il est effectivement important de se rappeler que les zadistes de Notre-Dame-des-Landes ont obtenu une victoire relative en forçant la suppression du projet d’aéroport (relative parce que la ZAD a ensuite été expulsée avec force et fracas). Il s’agit toutefois d’un phénomène qui est très intéressant, de voir comment une mobilisation citoyenne et locale a permis le retrait d’un grand projet d’infrastructures. Si la ZAD en question est la plus connue de France, elle est loin d’être la seule et c’est bien la logique même de ZAD qui me parait intéressante à étudier tant dans ce qu’elle dit de la lutte que pour les horizons qu’elle semble ouvrir.

Paradoxalement offensive

De prime abord, la ZAD apparait comme une logique défensive. Tout dans le nom indique d’ailleurs à penser cela. Zone à défendre c’est effectivement marqué dessus diront certains. Il me semble pourtant que le concept de ZAD est paradoxalement une manière de repartir à l’offensive. Depuis des décennies en effet, au sein de la gauche radicale, un vocabulaire lié à la résistance s’est peu à peu imposé. Il y a certes eu une forme de basculement en 2017 lors de la campagne présidentielle de Jean-Luc Mélenchon qui, au fur et à mesure que les sondages s’avéraient positifs, entendait dans ses meetings non plus le classique « résistance » mais le nouveau « dégagez » – qui est là, clairement, un passage à l’offensive – mais globalement, l’imaginaire de la résistance face à l’ordre capitaliste néolibéral est très ancré dans l’inconscient collectif de la gauche radicale.

Pourquoi, dès lors, voir dans la dénomination ZAD une remise à l’offensive ? Il faut tout d’abord préciser qu’il ne s’agit évidemment pas d’une contre-offensive globale à l’égard du capitalisme mais bien plus d’un positionnement plus offensif que la résistance. Effectivement le concept de résistance s’applique en général à des petits groupes mis face à un adversaire ou un ennemi considéré comme quasi invincible et qu’il s’agit alors de harceler par cette résistance, en attendant des renforts. En d’autres termes, la résistance est au combat politique ce que la médecine de guerre est à la médecine générale, une action d’urgence. A l’inverse l’idée de défense présuppose que des choses plus ou moins conséquentes ont déjà été obtenues et qu’il s’agit de les préserver. L’imaginaire n’est plus celui d’une force écrasant tout sur son passage et contrainte au harcèlement par une toute petite minorité mais bien plus celui d’un combat où des choses sont à préserver et à chérir. Si l’on veut filer la métaphore en allant dans le domaine sportif, mettre en place une tactique défensive au football peut-être un moyen d’ensuite aller chercher la victoire tandis que se contenter de résister revient à simplement tenter d’éviter la défaite.

Horizon nouveau ou simple oasis ?

Dans Le Meilleur des mondes, Aldous Huxley met en scène ce qui rétrospectivement peut s’apparenter à une ZAD. A la fin du roman en effet, John le Sauvage refuse le soma et donc le plaisir perpétuel en préférant travailler de ses mains mais être libre. Il offre ainsi au lecteur l’image d’un personnage choisissant sa liberté et s’opposant au système en place, à la fois ultra-déterministe et infantilisant. Pour autant, une question se pose nécessairement à la lecture de ce passage – et a fortiori lorsque l’on parle de la ZAD – John le Sauvage nous offre-t-il une matrice pour refonder une nouvelle société et un nouveau système ou se contente-t-il simplement de cultiver son jardin selon le mot de Candide ?

Appliquée aux ZAD, ce questionnement n’est pas anodin. Il est effectivement au cœur de la réflexion à mener autour de ces lieux alternatifs selon moi. Il est très tentant de voir dans les différentes ZAD sur la planète des inspirations pour mettre en place une société alternative au capitalisme, certaines de ces ZAD sont d’ailleurs étendues sur des espaces bien plus grands que celles que nous connaissons en France – que l’on pense aux Zapatistes mexicains ou au Rojava pour s’en convaincre. Avant de porter aux nues de tels modèles alternatifs, il faut me semble-t-il se poser cette question et étudier la faisabilité et la pérennité d’une extension de ces modèles. Là est peut-être l’un des grands enjeux des prochaines années pour la gauche radicale.

Crédits photo: Novethic

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