Le revenu universel en quelques lignes

Au fil des derniers billets publiés sur le blog, j’ai abordé, au moins en creux, la question du revenu universel. Tant en parlant du salaire à la qualification ou en évoquant les conséquences possibles de la montée en puissance de la robotique, j’ai utilisé le concept de revenu universel tout en le critiquant. C’est précisément pourquoi il me parait important de l’aborder désormais en tant que tel afin de déconstruire l’idée assez répandue à gauche voulant que le revenu universel serait une sorte de panacée en cela qu’il permettrait de donner des leviers de négociations accrus à chacun pour obtenir un meilleur salaire ou exercer le métier qui lui plait.

Principalement porté par Benoit Hamon depuis maintenant un peu plus de deux ans, le revenu universel a été mis en œuvre à toute petite échelle dans différents pays. S’il est encore trop tôt pour tirer une conclusion de ces expérimentations, je crois qu’il est en revanche plus que temps d’aborder les prémisses tant philosophiques qu’économiques de ce concept tout en tâchant de démontrer à quel point le revenu universel, loin d’être une panacée, pourrait bien être la marque de la défaite définitive des forces de gauches et le triomphe absolu de ce capitalisme néolibéral financiarisé qui ne manquera certainement pas de saisir l’aubaine.

Le désengagement de l’Etat

Lors de la campagne présidentielle de 2017, les candidats de droite ont vertement attaqué la proposition de revenu universel portée par Benoît Hamon en raison de son irrationalité économique selon eux. Pour eux, le revenu universel conduirait à une « société du farniente » et à « l’oisiveté » qui va à l’encontre de leur sacro-sainte vie active. De l’autre côté du spectre politique, Jean-Luc Mélenchon voyait dans ce revenu universel une « trappe sociale ». Je suis totalement en phase avec cette définition en cela que le revenu universel ainsi défendu aurait assurément pour conséquence de favoriser un peu plus le désengagement de l’Etat et la domination des classes les moins aisées de la population.

Il n’est d’ailleurs guère étonnant de voir que certains libéraux sont en faveur du revenu universel. La paternité de ce concept revient, d’ailleurs, au pape du néolibéralisme, Milton Friedman avec son concept d’impôt négatif. Celui-ci ne vise en réalité à rien d’autre qu’à réduire à portion congrue l’action étatique en offrant un revenu universel de base – le plus bas possible évidemment – qui permettrait de supprimer toutes les autres prestations sociales. En d’autres termes, il ne s’agit ni plus ni moins que d’attaquer frontalement tout un modèle social assurantiel fondé sur les cotisations en le faisant basculer vers un système où l’Etat accorderait une obole aux plus indigents en exigeant ensuite de leur part qu’ils le laissent tranquille, le tout avec le risque que le montant dudit revenu universel serve de variable d’ajustement en cas de baisse des dépenses publiques.

Le grand basculement

Qu’une telle vision soit promue chez les libéraux n’est pas très étonnant, c’est finalement l’aboutissement d’une longue marche vers la réduction des missions étatiques. Il est en revanche bien plus inquiétant, et surtout révélateur, que le concept de revenu universel soit autant approuvé à la gauche de l’échiquier politique. Si l’on voulait être cynique, l’on pourrait dire que nous voyons là l’abdication de la vieille et belle idée poursuivie par la gauche depuis sa création ou presque, celle de l’égalité. Qu’est le revenu universel sinon la reconnaissance que la lutte contre la pauvreté est désormais l’horizon indépassable ? En cela, il me semble que le revenu universel est le dernier piège du capitalisme néolibéral financiarisé, sa dernière roue de secours. Quand je dis dernier cela ne veut pas dire ultime mais plutôt plus récent (le latest en anglais et non pas le last).

Le revenu universel s’inscrit en effet pleinement dans la nouvelle dynamique à l’œuvre depuis des décennies et qui a progressivement substitué la lutte contre la pauvreté à la lutte contre les inégalités. Pour résumer, il ne s’agit plus de combattre les inégalités mais bien de donner un revenu décent à celles et ceux qui seraient en situation de domination. En somme, cela revient à acheter une forme de paix sociale en permettant dans le même temps aux plus riches de devenir toujours plus riches puisque les inégalités ne sont plus présentées comme un problème mais comme la norme. Aussi est-il de notre devoir de refuser franchement cette idée de revenu universel véritable piège social par excellence. Le refuser n’est évidemment pas une fin en soi mais ceci est un préalable absolument nécessaire à l’avènement de changements profonds qui permettront d’aller vers une plus grande justice sociale et une franche réduction des inégalités. A l’os à ronger, préférons le gigot capitaliste dans sa globalité.

Crédits photo: LCI

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