Tout au long de la campagne présidentielle de 2017, la proposition de Benoît Hamon visant à instaurer un revenu universel a été l’un des forts polarisateurs du débat. Bien qu’il n’ait recueilli qu’un peu plus de 6% des suffrages exprimés lors du 1er tour, le candidat alors étiqueté PS a été l’un de ceux qui ont amené sur le devant de la scène un certain nombre de sujet important, notamment celui de la redéfinition du travail à venir avec l’émergence de la robotique notamment. Si le revenu universel est, selon moi, une impasse (je reviendrai sur ce sujet dans un prochain billet), le débat à propos de la manière d’envisager le travail et sa rémunération est particulièrement intéressant.
Plus sensible aux thèses de Bernard Friot, je crois que le revenu universel en plus d’être une impasse et un piège qui nous éloigne d’une véritable révolution du salariat capable de mettre à mal le régime capitaliste. C’est pourquoi je suis bien plus favorable à la mise en place d’un salaire à la qualification que défend le sociologue et économiste tout au long de son œuvre et plus particulièrement dans l’ouvrage d’entretiens Emanciper le travail. Cela d’autant plus qu’une telle révolution peut se fonder sur l’existant.
Repenser le salariat
Le principe du salaire à la qualification est un bouleversement majeur du salariat en cela qu’il changerait radicalement les conditions de travail et de rémunération s’il était mis en place. Plutôt qu’être attaché à un emploi, le salaire est effectivement attaché à la personne dans ce modèle. Un tel changement structurel ne se fera pas sans heurts mais en expropriant tous les propriétaires d’entreprises il est possible d’arriver à financer cela puisque, je le rappelle, les actionnaires ponctionnent 700 Milliards d’euros par an.
Cela suppose évidemment un changement complet de paradigme politico-économique et, pour dire les choses plus clairement, une sortie du système capitaliste. Plutôt qu’être versé par une entreprise elle-même détenue par des actionnaires, le salaire serait alors versé par l’Etat grâce aux cotisations. L’idée serait que les entreprises (détenues en coopératives par les salariés qui retrouveraient ainsi le droit d’usage sur leur outil de travail en même temps que la propriété lucrative serait abolie) ne versent plus leur salaire directement aux travailleurs mais abondent des caisses de cotisations comme c’est le cas aujourd’hui pour la Sécurité Sociale. Charge ensuite à l’Etat de distribuer un salaire à vie à toute personne de plus de 18 ans selon son grade.
Se fonder sur l’existant
L’on pourrait dès lors se dire qu’il ne s’agit que d’une douce utopie et qu’un tel système est impossible à mettre en place. Pourtant, une relative grande partie de la population française vit déjà sous ce régime et certaines caisses comme la Sécurité sociale fonctionnent selon ce modèle. Le modèle du salaire à la qualification est effectivement déjà largement diffusé dans notre pays : l’ensemble des fonctionnaires sont sous ce régime et cela fonctionne grâce aux cotisations et impôts. Parler de coût du travail ou de charges sociales est d’ailleurs très connoté idéologiquement puisque les cotisations sont en réalité du salaire différé : les salaires des professeurs, des infirmiers, des policiers, etc. mais abondent également les caisses de retraites, de sécurité sociale et de chômage.
Un tel changement ne se fera pas, bien entendu, en quelques années mais prendra évidemment plusieurs décennies et surtout ne se fera pas sans heurts. Toutefois, celui-ci est un modèle rationnel (pas le seul bien sûr mais rationnel tout de même) qui a démontré qu’il fonctionnait bien tant sur le principe des cotisations avec les diverses caisses qu’avec le salaire attaché à un grade ainsi qu’à l’expérience et non plus à un emploi comme avec les fonctionnaires. A l’heure où le pouvoir en place entend mettre une nouvelle fois à mal le statut de fonctionnaire, il devient chaque jour plus urgent de sortir des luttes défensives et de se muer en conquérants en se battant non pas pour la simple préservation du statut du fonctionnaire mais pour sa généralisation en expropriant les expropriateurs.
Crédits photo: Youtube
[…] rupture franche d’avec la logique qui préside au capitalisme dans sa version néolibérale. Le modèle défendu par Bernard Friot et fondé sur la cotisation me parait à ce jour l’alternative la plus avancée et surtout […]
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