Le système représentatif en quelques lignes

Dans quelques semaines, les Français seront de nouveau appelés aux urnes dans le cadre des élections européennes. S’il y a de fortes chances que l’abstention et les votes blancs ou nuls atteignent encore une fois des niveaux records, il n’est clairement pas impossible que le pouvoir en place se serve de ces élections (en cas de bons résultats) pour affirmer qu’il est légitime et que les urnes auront alors, dans leur logique, balayé la contestation sociale. Peu importe que lesdites élections ne portent pas sur des enjeux nationaux ou même qu’une élection ne purge en aucun cas une contestation sociale, la caste au pouvoir depuis des décennies se sert abusivement du paravent des élections et du système représentatif pour s’acheter une légitimité.

Les thèses sous-jacentes sont relativement évidentes et simples à saisir. Elles se résument en un syllogisme d’un simplisme confondant : la démocratie est représentée par les élections, les élections m’ont désigné, je suis donc démocratiquement légitime. La faiblesse de cet argumentaire – au-delà du fait que le syllogisme est à la pensée ce que le fœtus est à l’humain, c’est-à-dire une forme très primitive – réside bien entendu dans le fait qu’absolument rien ne permet de faire coïncider système représentatif et démocratie, bien au contraire.

La fusion à marche forcée

Il est effectivement devenu presque habituel (on peut presque y voir une forme de réflexe pavlovien) d’associer système représentatif et démocratie. L’on nous explique que c’est par le choix de représentants que s’exprime la démocratie si bien que tous les opposants à ce système de gouvernement sont, au choix, rangés dans la case des doux utopistes ou dans celle des ennemis de la République et de la démocratie – termes qui sont amalgamés de manière bien peu rigoureuse. Il est d’ailleurs assez intéressant et ironique, nous y reviendrons, de remarquer que l’on ne fait que se référer à la Révolution française pour expliquer en quoi le système représentatif est démocratique.

Par-delà les comparaisons historico-politiques, il y a beaucoup à apprendre des comparaisons géographiques. Plutôt que de plonger dans l’imaginaire historique du pays, bien des fervents défenseurs de ce système de gouvernement qu’est le système représentatif s’empressent de démontrer que celui-ci coïncide avec la démocratie en prenant pour exemple les pays les plus autoritaires de la planète. Il s’agit en somme de nous dire que le système représentatif est bien démocratique parce que d’autres systèmes ne le sont pas. La faiblesse de la définition par la négative a toujours été qu’il définit bien moins l’objet que l’on prétend définir que ceux auxquels on l’oppose. Présenté comme un bloc monolithique garant de la démocratie, le système représentatif est en réalité ni plus ni moins qu’une escroquerie quand il est présenté comme tel.

Le grand retournement

Comme je le disais un peu plus haut, il est assez ironique de constater que les laudateurs du système représentatif à la française (cette précision a son importance) s’empressent souvent de convoquer l’imaginaire de la Révolution française pour justifier l’équivalence qu’ils font entre démocratie et système représentatif. C’est pourtant cette période de l’histoire française qui nous donne l’un des arguments les plus puissants pour disqualifier cette équivalence puisque l’Abbé Sieyès, grand défenseur du système représentatif, affirme explicitement la dissemblance qui existe entre ces deux modèles dans un discours du 7 septembre 1789 : « Les citoyens qui se nomment des représentants, expliquent-ils, renoncent et doivent renoncer à faire eux-mêmes la loi ; ils n’ont pas de volonté particulière à imposer. S’ils dictaient des volontés, la France ne serait plus cet État représentatif ; ce serait un État démocratique. Le peuple, je le répète, dans un pays qui n’est pas une démocratie (et la France ne saurait l’être), le peuple ne peut parler, ne peut agir que par ses représentants ».

La grande prouesse des défenseurs du système représentatif en France est d’avoir réussi, en l’espace de quelques siècles, à faire du système représentatif le seul visage de la démocratie alors même qu’il n’est en rien une démocratie. En réalité, le système représentatif est un système politique tout comme la démocratie, la gérontocratie, la royauté absolue ou la dictature en sont. Evidemment, à l’époque de son surgissement en France il représentait une avancée majeure en termes de libertés politiques (avec toutes les restrictions de participation au choix des représentants qui existaient) mais cela ne suffit pas à faire de lui une démocratie. Il existe d’ailleurs bien plus des systèmes représentatifs qu’un système représentatif, les différents modes de scrutin représentant par exemple des variations. Qui, d’ailleurs, osera dire que les systèmes politiques français, allemands et suédois sont les mêmes par exemple ? Il est bien entendu possible de démocratiser le système représentatif avec l’instauration de mesures visant à contrôler les représentants et il ne me semble pas qu’il faille critiquer de manière absolue le principe du gouvernement représentatif. Il convient toutefois de rappeler chaque fois que nécessaire que le système représentatif et la démocratie sont très éloignés l’un de l’autre.

Crédits photo: Fragments de tags

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