Malgré le remaniement, malgré la volonté de beaucoup de focaliser l’attention sur la réaction de Jean-Luc Mélenchon, malgré tous les écrans de fumée en somme, ce qui demeure bien vivace en ce début d’automne concerne la politique économique de Monsieur Macron et de sa caste. Par-delà les résultats en berne et bien en deçà des attentes du monarque présidentiel, cette fin d’année ne fait que confirmer à quel point la politique menée par le locataire de l’Elysée et mise en œuvre par son gouvernement et sa majorité fantoche est une politique de classe. Ce n’était finalement pas l’autre sens de son allocution d’il y a quelques jours pour peu qu’on prenne le temps de lire entre les lignes.
Affirmant tout à la fois qu’il ne changerait pas de cap et se présentant finalement dans une atmosphère très lugubre, le successeur de François Hollande – bien que là n’était sans doute pas son objectif – a pris des allures de faucheuse pour les classes sociales les plus dominées de notre pays, dans une forme d’apocalypse (si tant est que l’on prenne l’étymologie grecque du terme, signifiant révélation). Complètement sourds à la colère qui gronde et qui monte dans le pays, Emmanuel Macron et sa camarilla continuent d’avancer bille en tête pour modifier en profondeur le modèle social de notre pays. A cet égard, la promesse de mettre en place l’assurance chômage pour les indépendants – promesse très floue durant la campagne nous y reviendrons – est à mon sens révélatrice de cette volonté en même temps qu’une immense et double escroquerie.
Le squelette derrière la fumée
Comme pour une part importante de ce que l’on peut appeler son programme – bien qu’il n’en ait pas vraiment eu, jugeant lui-même que ce n’était pas si important que cela – Emmanuel Macron est volontairement resté très flou durant la campagne présidentielle sur la mise en place d’une allocation chômage pour les indépendants. Présentant sa promesse sous un regard social, nous y reviendrons, l’alors candidat à la présidence de la République s’était servi de celle-ci pour se donner à peu de frais l’image d’un homme politique se souciant de justice sociale. Derrière ces fadaises, son discours sur la soi-disant égalité qu’il portait via cette promesse a fonctionné et nul doute que cette promesse ainsi que celle de supprimer la taxe d’habitation ont joué un rôle conséquent dans sa victoire, lui permettant d’agréger autour de son nom des personnes qui n’auraient assurément pas voté pour lui au vu du reste de ses positionnements.
Tout ceci n’a néanmoins pas empêché le monarque présidentiel de s’asseoir en grande partie sur cet engagement en adoptant la technique qui lui est désormais accolée : celle de l’escroquerie pure et dure. Lors de la campagne il avait en substance laissé entendre que l’ensemble des indépendants pourraient prétendre à l’allocation chômage mais la loi votée en juin dernier réserve ce droit à la prestation sociale des indépendants à ceux qui ont fait l’objet d’un jugement de liquidation judiciaire ou d’une procédure de redressement judiciaire, lorsque l’adoption du plan de redressement est subordonnée par le tribunal au départ du dirigeant.
Derrière le sourire du social, les crocs de l’ubérisation
Toutefois, la principale escroquerie que constitue l’allocation chômage pour les indépendants ne se situe pas à ce niveau très concret mais à un niveau plus conceptuel. Le fait que finalement cette allocation chômage ne soit actuellement ouverte qu’à une portion restreinte des indépendants n’est effectivement pas le nœud du problème à mon sens. La volonté d’Emmanuel Macron est bel et bien de généraliser cette protection chômage. Comme je le disais en introduction, Macron essaye d’avancer sous couvert de justice sociale et d’égalité mais ceci n’est qu’un vulgaire masque pour dissimuler les bouleversements profonds qu’entrainerait un tel changement systémique. Plutôt que savoir s’il est juste ou pas d’ouvrir les allocations chômages aux indépendants – et de ce fait déplacer la question du plan politique vers le plan moral – il est plus pertinent et important selon moi de se demander qui seront ceux qui vont financer ces allocations.
Si l’on accepte de prendre un peu de temps pour y réfléchir on se rend rapidement compte que ceux qui vont être mis à contribution sont à la fois les chômeurs et les salariés. Les premiers le sont de manière évidente dans la mesure où le nombre de bénéficiaire des allocations chômages est appelé à croître sans que l’assiette ne grandisse. La conséquence est donc ce flicage accru des chômeurs et la baisse des allocations. Pour les seconds, leur mise à contribution est également relativement évidente dès lors que l’on réfléchit à la question : ce sont eux qui abondent les fonds permettant de financer les allocations chômage. Evidemment, les indépendants cotiseront également de leur côté mais le gros de l’effort sera supporté par les salariés. De l’autre côté, celui des entreprises ayant recours au travail indépendant, en revanche, c’est bingo de tous les côtés. Les Uber, Deliveroo et tous les avatars de ce monde abject se frottent assurément déjà les mains dans la mesure où elles vont pouvoir encore plus internaliser les profits et externaliser les cotisations. En somme, la logique de Macron est de faire payer à la fois aux chômeurs et aux salariés les sommes que ces entreprises n’acquittent pas par rapport aux cotisations sociales.
Ce braquage qui ne dit pas son nom n’est finalement guère surprenant lorsque l’on connait la logique d’Emmanuel Macron et son adoration pour le concept de start up nation. Rendre les allocations chômage universelles en évitant de faire payer des cotisations aux entreprises du type Uber, le monarque présidentiel tente sans le dire d’asseoir un certain modèle de société où le travail à la tâche et la non-contribution des entreprises au modèle social sont considérés comme une chose normale. Alors nous pouvons bien continuer à courir derrière les outrances d’un tel ou un tel mais il serait bien plus intelligent, à mon sens, de ne pas perdre de vue le niveau d’analyse systémique et global. Sans cela, il y a fort à parier que l’on se réveille un matin sans s’être rendu compte que pendant que l’on criait au loup devant la bergerie, celui-ci est entré par la fenêtre et a décimé le troupeau.
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