Mélenchon, la perquisition et l’hystérie médiatique

A moins d’avoir vécu dans une grotte au cours de ces dernières semaines, personne ou presque n’a pu échapper aux multiples perquisitions qui ont frappé la France Insoumise et Jean-Luc Mélenchon ainsi que les suites desdites perquisitions allant des réactions du candidat à la présidentielle aux multiples éditos enflammés des rédactions en passant par des remarques toutes plus acerbes les unes que les autres venant de personnalités politiques bien promptes à sauter sur l’occasion pour tenter de décrédibiliser la France Insoumise ainsi que son porte-parole lors de la dernière élection présidentielle. Tout s’est effectivement passé comme si la seule et unique information véritablement importante durant les jours qui ont suivi les perquisitions était tout à la fois lesdites perquisitions et les réactions de Monsieur Mélenchon.

Pris dans une espèce de tourbillon tant médiatique que politique, nous étions forcés d’assister – avec sidération pour certains, avec rage pour d’autres – à la mise en place d’une forme de mâchoire d’airain visant à opposer frontalement Jean-Luc Mélenchon d’une part et les médias d’autre part dans une forme d’appel au manichéisme assez malsain. Oser dire que les perquisitions étaient disproportionnées faisait quasiment de vous un dangereux terroriste prêt à mettre à mal l’Etat de droit (pour peu qu’il existe encore) quand critiquer la réaction de Mélenchon concourait, selon certains, à vous ranger dans la case de vassal du capital. Comme souvent dans pareille situation, il me semble que c’est dans la complexité que réside la pertinence et dans le refus des concessions d’un côté comme de l’autre.

 

Le bâton donné

 

Jean-Luc Mélenchon dans les jours et semaines qui ont suivi les perquisitions a rapidement fustigé la plupart des médias en raison du traitement médiatique qui lui était réservé selon lui. Alors que l’on aurait pu excuser une réaction à chaud – quand bien même un élu a selon moi un devoir d’exemplarité, l’on peut comprendre un coup de sang résultant d’une action symboliquement très violente comme le constituent les perquisitions – il est bien plus délicat de défendre les propos du président du groupe FI à l’Assemblée nationale quand ceux-ci ont eu pour but de jeter l’opprobre sur l’ensemble de la profession journalistique ou presque. Par-delà l’excès de colère, il va sans dire que certains propos tenus par Monsieur Mélenchon sont hautement problématiques comme quand il a affirmé que « [sa] personne [était] sacrée » ou que « la République [c’était lui] ».

Plus dérangeant, selon moi, que ces propos est sa ligne de défense qui a par moment fleuré bon l’incohérence. Lorsqu’il affirme qu’il fustige non pas les perquisitions mais leur mise en scène, il y a de quoi être interloqué dans la mesure où il a lui-même filmé la perquisition à son domicile – quand bien même ceci a permis d’avoir un autre son de cloche que parmi les médias dominants. La plus grande des incohérences est toutefois à mes yeux le fait que Mélenchon ne semble pas avoir remarqué qu’il a été traité avec une certaine forme de privilèges alors qu’il affirme l’inverse. Quiconque bousculerait un policier ou magistrat se ferait effectivement et immédiatement gazer sans autre forme de procès et terminerait la journée en garde à vue.

 

De la sujétion du parquet

 

Une fois ces quelques considérations établies sur la réaction sans doute disproportionnée et critiquable de Mélenchon, il importe évidemment de revenir à l’origine de l’affaire – puisqu’il faut bien l’appeler ainsi. Les raisons de l’ire de Mélenchon et de nombreux militants de la France Insoumise demeure effectivement ces multiples perquisitions menées tambour battant et le même jour. Pour commencer, rien ne rapproche les deux affaires pour lesquelles les perquisitions ont eu lieu et il est évident pour quiconque possède un peu de bonne foi que lesdites perquisitions menées le même jour à grand renfort de forces de police ne sont pas innocentes dans leur forme. Tout a effectivement été mené comme s’il s’agissait d’effectuer un immense coup de filet contre un groupe du grand banditisme alors qu’il n’en est rien.

Par ailleurs, il est proprement scandaleux de constater le deux poids deux mesures entre ces perquisitions et lors de l’affaire Benalla – affaire hautement plus grave à mes yeux. Nombreux ont été ceux à s’élever contre la non-indépendance du parquet et donc du procureur de Paris. Des éléments permettent-ils d’affirmer que ces perquisitions ont été menés sous les ordres de l’Elysée ou même que celui-ci ait été prévenu ? Assurément pas. Il n’en demeure pas moins vrai qu’aussi longtemps que le parquet ne sera pas indépendant, le doute s’instillera toujours dans les têtes pour la simple et bonne raison que cette sujétion du parquet rend totalement caduque le mythe de la justice indépendante dans le pays (tout comme le verrou de Bercy sur un tout autre sujet).

 

Le grand détournement

 

Le deuxième niveau d’analyse de cette affaire concerne assurément le traitement médiatique des perquisitions et réactions de Mélenchon. Le héraut de la France Insoumise a certes donné le bâton pour se faire battre comme expliqué plus haut mais il n’en demeure pas moins vrai que la majorité des médias s’est servie de ces réactions vivaces pour passer sous silence un nombre conséquent d’éléments très importants dans cette affaire. Très rapidement en effet plus personne ou presque n’a parlé de l’ampleur des perquisitions, ni critiquer le fait que la police avait pris possession des fichiers politiques d’un parti d’opposition. Il est bien beau de s’indigner de la victoire de Bolsonaro au Brésil mais il serait un peu plus courageux de la part desdits médias de regarder la poutre dans notre œil avant d’aller chercher la paille à l’étranger.

Bien aidé par les réactions de Mélenchon et de ses proches, beaucoup de médias ont finalement passer sous silence le fond de l’affaire pour tomber à bras raccourcis sur Jean-Luc Mélenchon et la France Insoumise. Je l’ai déjà dit précédemment, je ne crois pas que leurs réactions étaient les plus pertinentes possibles mais la manœuvre est grossière à quelques mois des élections européennes pour ne pas y voir une volonté de nuire radicalement à ce mouvement politique. Dans cette entreprise de démolition, la palme revient assurément à Mediapart et plus particulièrement à Fabrice Arfi dont les révélations sur la vie privée de Mélenchon n’ont, à mon sens, pas d’autre but que de nuire. Le journaliste a beau se débattre et dire que ces informations ont un intérêt public, j’ai personnellement du mal à voir en quoi. Que ces révélations se fassent en cas de condamnation de Mélenchon est envisageable, dans l’état actuel des choses elles ne visent à rien d’autre que de créer une condamnation par la doxa a priori. Face à certaines des outrances de Jean-Luc Mélenchon, beaucoup de Société des Journalistes de ce pays se sont levés pour défendre la liberté de la presse, l’indépendance des rédactions et bien d’autres fadaises. Que les choses soient claires, tout cela doit être défendu mais que l’on arrête de nous faire croire que Jean-Luc Mélenchon est une menace pour l’indépendance des rédactions quand les industriels possèdent la quasi-totalité des médias. Raconter ces histoires à dormir debout ne sert qu’à effrayer les masses. Les mêmes sont pourtant bien silencieux face à l’offensive de Monsieur Kretinsky à l’égard du Monde. Comme quoi, par tous les bouts que l’on prenne le problème on en revient à la millénaire histoire de la paille et de la poutre.

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