La semaine dernière, nous apprenions que Vincent Bolloré était en garde à vue pour des soupçons de corruption dans l’obtention de juteux contrats sur des ports africains. Si cette information a surpris, c’est assurément et avant tout parce que s’il est une chose qui parait absolument constante et invariable, c’est l’impunité de ces grands industriels et de ces grandes entreprises. Qu’ils s’agissent de corruption ou de fraude fiscale, il est en effet bien rare que ces pontes se retrouvent par être réellement mis en face de leurs responsabilités. Alors en apprenant cette garde à vue il va sans dire que beaucoup pensaient qu’il ne s’agissait que de gesticulations pour reprendre un terme utilisé de manière bien malheureuse ces derniers jours.
Pourtant, à l’issue de la garde à vue nous apprenions que celle-ci avait débouché sur la mise en examen de l’industriel breton. De là à y voir la fin de l’impunité des puissants il n’y a qu’un pas, que je me garde bien de franchir. Tout juste peut on y voir l’amorce potentielle d’une prise de conscience plus globale et une première brèche battue dans le mur de leur impunité. Toutefois, il serait naïf et bien indécent de crier victoire après une telle information. Dans le même temps, en effet, la procédure à l’encontre du groupe Lafarge traine en longueur quand bien même Libération a fait des révélations chocs ces derniers jours affirmant que les services secrets étaient au courant des versement du cimentier à Daech. En ce sens, il me semble que le cas Lafarge est à la fois un symbole de cette impunité en même temps qu’un révélateur de l’odieuse hypocrisie vis-à-vis du terrorisme dans notre pays.
La tartufferie incarnée
Il y a quelques semaines la France a de nouveau été endeuillée par le terrorisme. A Trèbes, quatre personnes en plus du terroriste ont trouvé la mort. Cet attentat – dont le sacrifice d’Arnaud Beltrame fut le symbole – a rouvert l’hystérie qui ne manque pas de s’emparer du pays dès qu’une attaque terroriste le frappe. Après chacune des attaques que notre pays a subie au cours des dernières années, nous avons eu droit à une litanie de propositions toutes plus liberticides les unes que les autres. Justification des perquisitions administratives quand bien même leur efficacité est nulle ou presque ici, volonté d’enfermer tous les fichés S au mépris de l’Etat de droit là ou encore accusation d’apologie du terrorisme à l’encontre d’enfants de moins de 10 ans, voilà le spectacle dramatique auquel nous assistons sempiternellement.
Nombreux sont en effet les politiciens à avoir fait de l’hystérie post-attentats leur fonds de commerce de la même manière que la stigmatisation des musulmans dans leur globalité au nom d’une prétendue cinquième colonne semble être devenue le nouveau sport national dans le sérail politicien de la gauche de droite à l’extrême-droite. Ces mêmes personnes si promptes à réclamer l’enfermement des fichés S, l’interdiction du salafisme dans un élan de folie ou encore qui justifient la mise en cause d’enfants sont bien silencieuses face à Lafarge qui a selon toute vraisemblance financé le terrorisme pour continuer à pouvoir travailler et mis en danger ses salariés. Cette hypocrisie est insupportable et révèle bel et bien que ce n’est pas tant la lutte contre le terrorisme qui leur importe mais bien de faire tourner leurs petites boutiques électoralistes en jouant sur les peurs et les divisions.
Taper fort
En regard des faits gravissimes qui sont reprochés au cimentier – et de ce qui, osons le dire, s’apparente à un scandale d’Etat – que convient-il de faire ? Je crois que frapper fort est une impérieuse nécessité. On ne peut pas d’un côté harceler des familles entières en défonçant leur porte et en les sortant du sommeil sur de fumeux soupçons et de l’autre laisser une grande entreprise financer sciemment le terrorisme. Qu’y a-t-il de plus grave entre une personne qui dit « ni Charlie, ni Kouachi » et une entreprise qui participe, au moins indirectement, à la structuration du terrorisme de l’Etat Islamique ? La réponse se situe, me semble-t-il, dans la question.
Au sortir de la Deuxième Guerre mondiale, un certain nombre d’entreprises ont été nationalisées parce qu’elles avaient collaboré avec l’occupant. Il ne me parait pas exagéré ou absurde d’exiger le même châtiment en ce qui concerne le groupe Lafarge. Ce qui s’est, en effet, joué en Syrie entre Lafarge et Daech est assurément l’un des visages les plus odieux du capitalisme, celui qui ne pense que par le prisme du profit sans se soucier à aucun moment d’une quelconque éthique. Il parait que mal nommer les choses participent au malheur du monde alors nommons ce qu’il s’est produit en Syrie : pour de sombres raisons mercantiles, Lafarge s’est associé au fascisme sans aucun scrupule. Ce cas est d’ailleurs là pour signifier à tous ceux qui exigent une utopique régulation morale du capitalisme que celui-ci n’a que faire de ce qu’il considère comme des fadaises. Lutter contre le terrorisme c’est également réprimer sévèrement tous ceux qui se rendent complice de lui et Lafarge semble être l’un de ses plus grands complices. Pour ne pas que cette complicité demeure impunie, nationalisons Lafarge !
N’était-ce pas un certain Fabius qui déclara il y a quelques années : « El Nosra fait du bon travail » ?
Et quand on se souvient de ce qui s’est passé en Irak, où on avait découvert « des armes de destruction massive », juste pour permettre aux compagnies amerlocaines comme Halliburton (par exemple) de mettre la main sur les richesses de ce pays, ou en Lybie (le pétrole, et l’eau) on ne peut que se poser des questions.
Lire La stratégie du choc de Naomi Klein.
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Merci pour cette article que j ‘attendais avec impatience. Derrière le fascisme se cache le capital, la lutte antifasciste est internationale! Nationalisons Lafarge !!
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Bonjour Marwen, merci pour la qualité de vos articles.
– Je voulais juste signaler mise à part le cas Lafarge, le fait que les gouvernements occidentaux (Etats unis, France) sous prétexte de ne pas bombarder des civils ou pour cause humanitaire, n’ont pas pilonné les colonnes de camions appartenant à daech et clairement identifiés transportant du pétrole, coton et œuvres d’arts vers la Turquie, les laissant acheminer leurs marchandises afin de les laisser faire leur commerce. Il aura fallu attendre que les russes entre dans le conflit et s’attaque au nerf de la guerre qu’est le revenu du commerce illégal pour daech, suite à cela la solde des combattants de daech a été divisé par 2 (source de Mr alain juillet conseiller pour l’intelligence économique en France au sein du 1er ministre).
– Le deuxième point que je voulais appuyer, c’est la collaboration du patronat Français pendant la 2nd guerre mondial avec en fait une collaboration qui a démarré une dizaine d’années avant le début du conflit :
« Sous l’influence de Laval et Flandin (porte parole politiques des milieux financiers, les français ont abandonné la revendication commerciale de Versailles, l’octroi d’une prérogative unilatérale à l’exportation française en Allemagne pendant 5 ans ».
« Depuis 1927, la renonciation à leur politique douanière avait imposé l’entente (Franco-Allemande) entre toutes les branches de l’économie ». (annie Lacroix riz « les élites françaises entre 1940 et 1944 »
Ils n’ont pas attendu une dérive fasciste de Vichy pour pratiquer l’intelligence avec l’ennemi et bien sur ce n’est pas la tentation démocratique qui motiva leur changement de camp.
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« Au sortir de la Deuxième Guerre mondiale, un certain nombre d’entreprises ont été nationalisées parce qu’elles avaient collaboré avec l’occupant. Il ne me parait pas exagéré ou absurde d’exiger le même châtiment en ce qui concerne le groupe Lafarge. »
Sauf qu’en 1945 il y avait un parti communiste au-dessus de 25% et aussi De Gaulle qui ne portait guère dans son coeur les collabos patronaux. Aujourd’hui, nous avons le MEDEF qui gouverne le pays, un paltoquet arrogant à l’Elysée et une camarilla de jean-foutre comme majorité parlementaire pour qui la simple évocation de nationaliser une entreprise ne peut venir que d’un cerveau malade.
Alors à mon avis les administrateurs et responsables de Lafarge peuvent dormir tranquille ce n’est pas demain que la justice viendra leur demander des comptes car cela reviendrait à faire le procès du capitalisme qui est d’essence amoral, et là on n’y est certes pas.
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