L’absurde politique économique de Monsieur Macron

Près de six mois après son arrivée à l’Elysée, il est une caractéristique qu’Emmanuel Macron n’a pas reniée : celle de vouloir réformer à toute vitesse en approfondissant le virage néolibéral enclenché il y a plus de 30 ans par Pierre Mauroy lorsque celui-ci a annoncé le « tournant de la rigueur » sur le perron de Matignon. Ce qui ne devait être qu’une parenthèse selon les mots de François Mitterrand et de son Premier ministre est devenu notre quotidien et les présidents successifs se sont échinés à perpétuer et accentuer les politiques de recul de l’Etat pour le plus grand bonheur des grands patrons et des plus riches de nos compatriotes. Pratiquant le fameux en même temps qu’il a théorisé tout au fil de la campagne présidentielle, le successeur de François Hollande pratique depuis son accession à la présidence de la République une forme de rupture dans la continuité

S’il est évident qu’il continue et renforce les politiques néolibérales déjà mises en œuvre par le passé, il faut reconnaitre au nouveau président la volonté d’aller vite contrairement à ses prédécesseurs – ainsi qu’en témoigne son usage des ordonnances pour casser le code du Travail. L’ancien ministre de l’Economie dit fonder toute sa politique économique sur le sacrosaint pragmatisme et sur une supposée efficacité. Il semble, en effet, avoir fait sienne la fameuse phrase de Tony Blair postulant qu’il n’y a pas de politique économique de droite ou de gauche mais simplement des politiques économiques efficaces ou inefficaces. Je crois pourtant que la politique menée par Monsieur Macron en termes économiques est une politique absurde si l’on accepte de prendre la définition que nous en donne Albert Camus dans Le Mythe de Sisyphe.

 

La myopie économique

 

« L’absurde, écrit le philosophe franco-algérien naît de cette confrontation entre l’appel humain et le silence déraisonnable du monde. C’est cela qu’il ne faut pas oublier ». Il ajoute plus loin dans le même essai : « Je suis donc fondé à dire que le sentiment de l’absurdité ne naît pas du simple examen d’un fait ou d’une impression mais qu’il jaillit de la comparaison entre un état de fait et une certaine réalité, entre une action et le monde qui la dépasse. L’absurde est essentiellement un divorce. Il n’est ni dans l’un ni dans l’autre des éléments comparés. Il naît de leur confrontation ». Accolé l’adjectif absurde à la politique économique menée par l’exécutif revient donc à dire que celle-ci est en décalage total avec les objectifs qu’elle dit poursuivre. En réformant le code du Travail, en le cassant, Emmanuel Macron explique vouloir restaurer la compétitivité des entreprises et donc, par ricochets, favoriser l’emploi dans notre pays.

Le nouveau président et ses dévots semblent en effet avoir fait leur la célèbre phrase de Helmut Schmidt postulant que les profits d’aujourd’hui sont les investissements de demain et les emplois d’après-demain. Je suis pourtant intimement convaincu que la politique menée actuellement par le gouvernement et les godillots qui servent de représentation nationale au Palais Bourbon fait fi de toute réalité économique en confondant les échelles macroéconomique et microéconomique. Toute cette politique repose en effet sur le postulat qu’en abaissant les salaires dans les entreprises la compétitivité sera restaurée. C’est raisonner selon le simple point de vue microéconomique puisque si l’on accepte de sortir de cette myopie qui semble frapper le sommet de l’Etat pour penser de manière macroéconomique, les risques d’une telle politique se font rapidement voir : la course au moins-disant social va être la norme désormais que les accords peuvent être négocier au sein de l’entreprise. Dans un pays où la consommation est le moteur de l’économie, mettre en place une telle politique est hautement risqué dans la mesure où les salaires ainsi tirés vers le bas pèseront lourd dans la baisse de la consommation qui ne manquera pas d’arriver. En somme, Emmanuel Macron et ses sbires s’inspirent de la théorie éculée des bienfaits de l’égoïsme si cher aux libéraux depuis la publication de La Fable des abeilles de Bernard Mandeville reprise par Adam Smith dans sa théorisation du libéralisme – preuve en est, s’il le fallait encore, qu’Emmanuel Macron n’est qu’un masque jeune mis sur le vieux monde.

 

Père Noël pour les uns, père fouettard pour les autres

 

Depuis la publication du projet de loi de finance (c’est-à-dire le budget) pour l’année 2018, Emmanuel Macron, son gouvernement et ses députés passent leur temps à répéter en boucle qu’il ne s’agit pas d’un budget d’injustice pas plus qu’il ne s’agit de cadeaux faits aux riches. Le président a d’ailleurs récemment filé la métaphore en Guyane lorsqu’il a expliqué qu’il n’était pas présent pour faire des cadeaux dignes du Père Noël. Pourtant, la suppression de l’ISF et l’instauration d’une flat tax (un taux marginal de 30% sur les bénéfices issus des actions boursières et donc la favorisation de la spéculation la plus abjecte) sont bel et bien des cadeaux faits aux plus riches de nos concitoyens. Le nouveau président a justifié ses mesures lors d’une interview télévisée au cours de laquelle il a explicité sa théorie sur les premiers de cordée : ces mesures ne sont pas des cadeaux faits aux riches mais le moyen de favoriser l’investissement dans le pays.

Ajoutant la morgue au foutage de gueule, Monsieur Macron dans une métaphore sur l’escalade a expliqué qu’un pays était pareil à une cordée d’alpinisme et que si l’on jetait des pierres sur les premiers de cordée c’est l’ensemble qui s’écroulait. Aussi faut-il selon lui « libérer » ceux qui peuvent investir dans notre pays et donc supprimer l’ISF et l’imposition sur le capital. Nombreuses sont pourtant les études montrant que ces super riches choyés par le gouvernement n’investissent qu’une part minime de ce qu’ils vont récupérer dans l’économie et garde le reste pour accumuler encore et encore du capital. D’ailleurs, il s’agit bien plus d’un brevet donné à la spéculation qu’une quelconque aide à l’investissement puisque celle-ci n’a lieu que lors de l’émission primaire de titres boursiers et non pas sur les marchés secondaires qui ne sont que de la spéculation. Je le disais dans la partie précédente, l’économie de ce pays est tirée par la consommation des ménages. Si l’on veut donc relancer l’économie c’est donc eux qu’il faut aider et non pas ceux qui sont déjà gavés jusqu’à plus faim. Malheureusement pour les quidams, plus encore pour les plus pauvres, Monsieur Macron n’est qu’un père fouettard cruel et arrogant. Donnez donc de l’argent aux ménages les plus populaires de notre pays et ces sommes seront directement réinvesties dans l’économie réelle. Plutôt qu’agir pour les plus modestes et ceux qui en ont le plus besoin, la coterie au pouvoir actuellement préfère utiliser l’argent de l’Etat pour le donner à ceux qui s’empresseront d’aller le placer dans des paradis fiscaux. Voilà quelle est la réalité de la situation dans notre pays. Elle est sombre.

 

Nous le voyons donc, la politique économique de Monsieur Macron est totalement absurde si on la met en regard de l’objectif qu’elle se donne. Mais une question se pose dès lors. Le président serait-il à ce point ignare en matière économique ? Je ne le crois pas. Je suis bien plus enclin à penser que toute cette politique économique n’est pas si absurde que cela si l’on accepte de croire qu’elle est pensée de telle sorte qu’elle fasse des cadeaux aux plus riches et pas simplement à ce fameux 1%. Je crois bien plus que c’est les 10% les plus aisés de notre pays qui profitent à plein régime de la politique économique de ce gouvernement. Se focaliser sur les seuls ultrariches serait passer à côté du cœur de l’analyse. Sans ces 10% le système ne tiendrait évidemment pas. Ces 10% représentent d’ailleurs assurément le score réel de Monsieur Macron dans la population, loin du numéro de prestidigitateur qu’ont représenté les élections présidentielle et législatives. Dans la Grèce Antique, la vérité était placée sous le vocable d’Alètheia. Utiliser ce concept revient à voir la vérité en ce qu’elle est arrachée à l’occultation. Plus exactement sortie du Léthé, ce fleuve mythique de l’oubli où baigne l’âme humaine aux enfers, selon les Anciens. Il est grand temps de faire le plongeon pour sortir la vérité de l’oubli. Sans cela, nous sommes voués à la noyade.

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