Hier soir sur le plateau de France 2 et ce matin sur celui de France Info, l’un des plus fidèles soutiens de François Fillon, Bruno Retailleau, a analysé la victoire de François Fillon et affirmé que celle-ci représentait un grand danger pour le Front National. Il a expliqué que le parti de Marine Le Pen avait prospéré sur le fait que la droite ne s’assumait plus et que le retour d’une droite décomplexée constituait une grande menace pour le parti d’extrême-droite. Dans une longue intervention il a donc souligné point par point les raisons d’inquiétude du FN en proclamant en somme que du côté de Les Républicains on ne reculerait plus.
Pourtant, il me semble qu’un autre danger, bien plus grand celui-là, guette le Front National dans l’optique de la présidentielle de 2017. Ce grand danger n’est pas politique à proprement parler. Je ne considère pas, en effet, la victoire de François Fillon comme un danger très important pour le parti frontiste. Au contraire, il me semble que sa victoire valide bien plus qu’elle n’infirme les thèses du FN en même temps qu’elle vient souligner sa victoire idéologique. Cet autre danger, pour paraphraser un petit président, n’a pas de nom, pas de visage, pas de parti et pourtant il a un pouvoir énorme, ce danger c’est la finance et les banques en particulier qui refusent d’accorder un prêt au parti pour la campagne électorale qui arrive. Ce qui constitue, à mes yeux, une atteinte grave à notre démocratie.
Les robinets coupés
Récemment, une information a fait sourire de nombreuses personnes : le Front National serait à la recherche de financements du côté des pays du Golfe et de l’Egypte. Marine Le Pen aurait même rencontré le chef d’Etat égyptien en catimini lors de sa dernière visite dans le pays. Au vu du positionnement de son parti face à l’Islam et l’immigration, il est en effet assez drôle d’imaginer Marine Le Pen aller quémander un prêt dans des pays musulmans et plutôt rigoriste. Passé le rire moqueur, il s’agit tout de même de s’interroger sur les raisons qui poussent l’extrême-droite française à aller demander un prêt dans ces pays-là. La réponse est assez simple, c’est parce que le FN ne trouve aucune banque qui veut lui prêter de l’argent en France qu’elle se tourne vers la Russie ou les pays du Golfe.
Le parti de Marine Le Pen est, en effet, mis sur liste noire par toutes les grandes banques françaises. Lesdites banques qui financent tous les autres partis par des prêts lors des campagnes électorales. Quel est censé être le raisonnement d’une banque pour accorder un prêt ? Avant tout l’assurance d’être remboursée il me semble. Dans le cas de la vie politique française, les règles de remboursement des frais de campagne par l’Etat sont assez claires : lors de l’élection présidentielle, tout candidat qui passe la barre des 5% des suffrages exprimés se voit remboursé de ses frais de campagne (à condition de ne pas dépasser les seuils autorisés). Au vu des différentes élections depuis des années et du socle électoral du Front National, il paraît évident que le parti dépassera largement cette barre. Il n’existe donc aujourd’hui aucune incertitude sur le fait que le FN pourra rembourser son prêt. Il est donc absolument scandaleux qu’aucune banque n’accepte de financer le parti de Marine Le Pen. Scandaleux et très dangereux pour notre démocratie.
La démocratie asséchée
Ce traitement particulier subi par le FN me semble en effet être l’un des nombreux symptômes d’une démocratie malade, gravement malade. D’aucuns seront sans doute surpris que je défende le Front National avec une telle vigueur, il n’en est pourtant rien. C’est le principe même de démocratie qui est défendu ici. Un simple coup d’œil sur les lignes que j’écris sur ce blog suffisent à montrer à quel point j’exècre ce parti et pourtant il me paraît important de lui donner les mêmes chances qu’à un autre. Non seulement les ostraciser de la sorte – ou faire semblant de le faire – contribue à renforcer leur image de martyr et donc d’alternative franche au système en place mais surtout, une telle attitude va à l’encontre des principes démocratiques les plus essentiels.
Je le répète, il ne s’agit pas de défendre le FN mais bien de défendre les principes démocratiques. Chaque parti a le droit de défendre ses idées et ses positions du moment qu’il reste dans le cadre républicain et démocratique. De la même manière que si le FN venait à tenter d’intimider ses adversaires politiques, une telle attitude des banques est scandaleuse. Défendre simplement ceux qui nous ressemblent et/ou qui sont d’accord avec nous ça n’est pas défendre de grands principes ou la liberté, c’est simplement défendre ses propres intérêts. Imagine-t-on Camus, attaquant frontalement la peine de mort, s’accommoder de l’exécution d’ancien nazi ? Evidemment non et il a d’ailleurs plusieurs fois plaidé pour la grâce d’anciens collabos.
Nous le voyons donc, au-delà de l’aspect comique, la situation que vit le Front National actuellement relève bien plus du registre tragique pour notre démocratie malade. La pente autoritaire que suit notre pays depuis plus d’un an désormais est, d’une certaine manière, confirmée par cette volonté de mettre hors-jeu le parti de Marine Le Pen. Il est donc urgent de défendre les principes démocratiques et donc de permettre au FN de postuler à l’élection présidentielle quand bien même nous ne partageons aucune de ses idées. On ne peut pas défendre la démocratie le matin et accepter la mise hors-jeu d’un adversaire l’après-midi. Finalement, cette hypocrisie face aux valeurs de la République et de la démocratie n’est guère surprenante. Faut-il, en effet, rappeler que dans le pays qui s’est proclamé Charlie on a privé un humoriste de spectacle ?
A reblogué ceci sur Boycottet a ajouté:
Le langage politique http://tiny.ph/lSK6
–
Hem Day http://tiny.ph/DjW2
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