Ce mercredi 30 mars aux alentours de 8h30, Jean Jaurès et Aristide Briand – les grands artisans de la loi de 1905 séparant les églises de l’Etat – ont dû se retourner dans leurs tombes en entendant les propos de Laurence Rossignol sur RMC face à Jean-Jacques Bourdin. La ministre de la famille et des droits des femmes, qui avait déjà fait parler d’elle en raison de l’indélicatesse du nom de son ministère, a dérapé en déclarant : «il y a des femmes qui choisissent, il y avait aussi des nègres afric… des nègres américains qui étaient pour l’esclavage. […] Je crois que ces femmes sont pour beaucoup d’entre elles des militantes de l’islam politique. Je les aborde comme des militantes, c’est-à-dire que je les affronte sur le plan des idées et je dénonce le projet de société qu’elles portent. Je crois qu’il peut y avoir des femmes qui portent un foulard par foi et qu’il y a des femmes qui veulent l’imposer à tout le monde parce qu’elles en font une règle publique».
Passons sur le terme nauséeux « nègre » puisque nombre de commentateurs se sont préoccupés de la question et que l’ami Jonathan a très bien résumé la chose dans son billet d’hier. La ministre a, en outre, reconnu l’usage maladroit du terme. En revanche, aucun mea culpa sur le fond de son propos puisque en parallèle de ses excuses pour l’utilisation du mot « nègre », Madame Rossignol a réaffirmé qu’elle ne retirerait pas un autre mot de son passage sur RMC. Voilà qu’une ministre, qui se dit de surcroît socialiste, affirme sur une radio à une heure de grande écoute son hostilité à l’islam au travers de son attaque envers les marques de textile produisant des vêtements islamiques et envers les femmes voilées qui ne seraient pas libres ou, pire, presque toutes représentantes de l’islam politique qui veut imposer le voile en en faisant une règle publique. Le flou de la formulation peut tout aussi bien renvoyer à une volonté autoritaire d’imposer le voile qu’à une volonté de la part de la ministre de voir le voile chassé de l’espace public. Drôle de conception de la laïcité ou plutôt symbole d’une gauche qui a lâchement abandonné et dévoyé le terme et la notion.
Daech, Plantu et Rossignol, même combat ?
L’actualité a été chargée hier entre l’abandon de François Hollande sur sa réforme constitutionnelle, les phrases ubuesques de la ministre sur RMC ou encore la réplique belge à la une de Charlie Hebdo. En parallèle des propos absolument inadmissibles dans la bouche d’une ministre, le dessinateur satirique Plantu a publié un dessin au mieux indélicat, au pire franchement nauséeux à propos du même sujet sur lequel s’est exprimé la ministre de la famille et des droits des femmes : la commercialisation de vêtements islamiques par Dolce & Gabbana. Un dessin qui fustige la marque de luxe et qui lui suggère de lancer des ceintures (explosives) après avoir mis en place la vente de voile. Et voilà comment un dessin qui se veut satirique passe complètement à côté de son sujet en sombrant dans un amalgame grossier. Non les femmes qui portent le voile ne sont pas des terroristes en puissance Monsieur Plantu. Je n’ai pas l’habitude de critiquer des dessins satiriques mais le parallèle effectué par le dessinateur est plus que nauséabond. Finalement Plantu et Rossignol ont accordé leurs violons en ce triste jour de mars pour attaquer une communauté sous couvert de liberté d’expression ou de laïcité.
Le plus inquiétant dans toute cette affaire c’est le soutien qu’a pu recevoir la ministre alors que ses propos devraient lui valoir une expulsion sur le champ du gouvernement : le rédacteur en chef adjoint du journal l’Express a ainsi pris de haut les gens sur Twitter en nous renvoyant à notre ignorance sur le mot nègre – ce qui n’a pas manqué de se retourner contre lui – tandis qu’Audrey Pulvar a légitimé les propos de la ministre, le mot nègre mis à part. Nous voilà plongés dans une atmosphère de division qui doit faire le plaisir de Daech. Ces propos absolument irresponsables et factuellement erroné concourent, en effet, grandement à fracturer la société entre musulmans et non-musulmans, ce qui est le but recherché par Daech dans toutes les sociétés occidentales. Quand une ministre de la République se permet de venir cracher à la figure de toute une communauté en invoquant la laïcité et qu’elle ne perd pas immédiatement son poste, il ne faut pas s’étonner de voir la République être rejetée par une partie de la population qui se sent pointée du doigt. Après le pestilentiel débat sur la déchéance de nationalité, voilà que le Parti Socialiste met en bière une autre de ses valeurs historiques.
Le lâche abandon du PS
Qui se rappelle, aujourd’hui, que la laïcité est une valeur profondément de gauche à l’origine ? Personne ou presque puisque le PS l’a lâchement abandonnée aux mains de la droite extrême et de l’extrême-droite. Et pourtant, lorsque Jaurès et Briand ont porté la loi de 1905, ils l’ont fait dans un souci de liberté de culte et d’égalité entre les différentes croyances. Les pauvres diables doivent se retourner dans leurs tombes quand ils voient ce que nous en avons fait aujourd’hui. Le principe de laïcité a été préempté par l’extrême-droite et par la droite la plus radicale parce que les descendants de Jaurès et Briand, ces socialistes de pacotille, n’ont rien fait pour réaffirmer quels en étaient les principes fondamentaux si bien que la lutte entre les tenants de la laïcité et ceux du laïcisme qui avait secoué le Parlement à l’époque du vote de cette loi a ressurgi. Plus grave encore, nous voilà confrontés à un Novlangue dangereux puisque les penseurs réactionnaires, de Zemmour à Finkielkraut, ont peu à peu vidé de son sens le mot laïcité pour y introduire la définition du laïcisme.
Quand Eric Zemmour nous explique que c’est au nom de la laïcité qu’il ne veut plus voir de voile dans l’espace public (donc la rue) il fait preuve d’une mauvaise foi inouïe. Que postule, en effet, la laïcité ? Elle se pose comme le garant de la séparation des Eglises et de l’Etat, c’est-à-dire comme le garant de la neutralité de l’Etat vis-à-vis du fait religieux. La laïcité n’est absolument pas là pour expulser le fait religieux de l’espace public, il s’agit alors du laïcisme. Ah qu’il est facile de se draper derrière la laïcité pour mener une lutte acharnée contre l’Islam. Aussi longtemps que nous laisserons le terme de laïcité être dévoyé de la sorte aucune unité nationale ne pourra réellement se construire puisque les pensées les plus inégalitaires et anti-islam utiliseront une valeur de liberté et d’égalité pour avancer. Il devient urgent de nous réconcilier avec la véritable notion du terme laïcité et d’avoir un débat profond et honnête à propos de la crise identitaire que traverse notre pays. Tant que les termes seront utilisés n’importe comment, tant que nous entendrons toujours et toujours les mêmes personnes caricaturales parler d’identité alors notre pays restera bloqué dans une situation de division voire de fracture inquiétante.
La notion de laïcité a été abandonnée depuis bien longtemps par le Parti Socialiste, un groupement politique qui fait honte à son histoire et qui renie ses grandes figures. C’est toutefois la première fois qu’un membre du gouvernement socialiste affirme à une heure de grande écoute son opposition à une religion en particulier. C’est bien plus pour avoir transgressé la règle laïque que Madame Rossignol doit, à mon sens, être démise de ses fonctions. Ce mercredi 30 mars 2016, au vu de l’absence de réaction du Premier ministre, du Président ou de tout cacique socialiste, il s’est fait une nuit peut-être très longue sur l’idéal de laïcité cher à Jaurès et Briand. Reprenons en cœur le vers du génial Apollinaire pour panser un pays qui n’a pas besoin d’être plus divisé qu’il ne l’est à l’heure actuelle et faisons de ce vers notre devise : « Il est grand temps de rallumer les étoiles » !
Je suis fière de vous lire Marwen, enfin la relève !
Souvenirs, souvenirs…
De la Prospective A … Charybde en Scylla. Quo vadis ???
2012
« Emmanuel Todd : «Dans cinq ans, Hollande sera un géant ou un nain»
Mardi 16 Octobre 2012 à 12:00
Philippe Cohen et Aude Lancelin – Marianne
Cinq mois après la victoire de la gauche, l’intellectuel antisarkozyste le plus écouté du précédent quinquennat dresse en exclusivité pour «Marianne» un premier bilan de la présidence socialiste.
Marianne : Le moral du pays est au plus bas et nous sommes en plein «Hollande blues». Les critiques viennent de la droite, ce qui est logique, mais aussi des médias et de la gauche. Vous avez exprimé l’idée, durant la campagne électorale, que François Hollande pourrait devenir un Roosevelt français. On n’y est pas, non ?
Emmanuel Todd :Ce blues est journalistiquement correct, mais historiquement absurde. Je suis historien et toujours dans le bonheur d’être débarrassé de Sarkozy. C’est quand même quelque chose qu’on peut déguster, non ? Si le président sorti avait été réélu, nous ne pourrions pas aujourd’hui débattre des problèmes économiques de la France. Nous serions encore en train de piapiater sur l’identité nationale, les Roms, les musulmans, les enseignants, les chômeurs et autres boucs émissaires, oubliant la débâcle industrielle et le déficit commercial. Vous vous rendez compte qu’Hollande a gagné la présidentielle malgré l’affaire Merah, malgré l’affaire du droit de vote des étrangers aux élections locales ? Comment être pessimiste dans ce pays qui a compris que les ultrariches, plutôt que les pauvres, les fonctionnaires ou les étrangers, étaient responsables de la crise, dans cette nation qui a rejeté, il y a cinq mois, le côté obscur de la force.
S’il le veut, quand il le voudra, Hollande pourra s’appuyer sur des forces sociales profondes et positives… »
Pour aller plus…
http://www.marianne.net/Emmanuel-Todd-Dans-cinq-ans-Hollande-sera-un-geant-ou-un-nain_a223466.html
Réenchanter l’espérance ? Je VEUX y croire !!!
« Ma préoccupation s’étend à tous les membres de la famille humaine et, en vérité, à tous les êtres sensibles qui éprouvent de la souffrance. Je crois que la cause toute souffrance est l’ignorance… Pourtant le vrai bonheur vient d’une authentique fraternité. Nous devons cultiver une RESPONSABILITE UNIVERSELLE les uns pour les autres et envers la planète que nous partageons. » SS Dalaï-lama
Nouvelle Réalité, l’Age de la responsabilité Universelle – S.Stril-Rever
Les Arènes – A paraître en Avril 2016
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Je suis complètement d’accord sur le dévoiement du terme de laïcité. On en vient à ne plus savoir ce que cela veut dire. J’entends parler de « laïcs extrémistes »… ? Un bon exercice pour le gouvernement serait de ne jamais utiliser le terme « religion » dans ses lois et ses débats, et rester étranger à ça, car ce n’est pas son domaine.
Pour rappel toutefois, selon la Constitution, seule l’éducation est laïque. Le reste, ce sont des lois parfois laïques parfois non. L’idéal serait de constitutionnaliser la laïcité, mais je préférerais que ce ne soit pas un bras cassé qui s’en charge, on risquerait d’avoir pire que rien.
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