Lundi 7 mars, en rentrant du boulot j’ai eu le malheur d’allumer ma télé et de tomber sur une parodie de débat entre deux chroniqueurs sur I-Télé, deux chroniqueurs censés représenter les deux France : celle de l’accueil contre celle du repli. Ces deux chroniqueurs, ce sont Jean-Claude Dassier et Françoise Degois. Le débat portait sur la question des migrants et, très vite, celui-ci a découlé sur les conséquences de l’immigration sur notre société. Madame Degois, dans la posture caricaturale de l’angélisme a alors donné la réplique à Monsieur Dassier qui représentait l’autre France, celle de la fermeté et du repli.
Quand l’une affirme qu’il n’y a absolument aucun problème avec l’immigration l’autre rétorque qu’au contraire tous nos problèmes proviennent de l’immigration. Mépris des lois républicaines, haine contre la France et communautarisme sont les trois grands chiffons agités pour affoler la doxa. Ces deux positions, caricaturales et manichéennes ne reflètent pas vraiment la réalité de la situation dans les quartiers dits sensibles, là où la population immigrée ou descendant de l’immigration est concentrée. Demeurer dans ces postures éloignées de la réalité concrète et tangible est le meilleur moyen de ne rien régler aux problèmes et de faire du débat les nouveaux jeux du cirque.
Territoires perdus de la République versus territoires perdus par la République
Lorsque paraît, en mars 2002, l’ouvrage Les Territoires perdus de la République, antisémitisme, racisme et sexisme en milieu scolaire, personne ou presque ne s’intéresse à la question. La déflagration constituée quelques mois plus tard par l’accession de Jean-Marie Le Pen au second tour de l’élection présidentielle a poussé tous les responsables à mettre le sujet à la porte. Le voilà qui, près de 15 ans plus tard, revient par la fenêtre. Sous le prisme de la religion le débat est relancé. Les réactionnaires parlent de territoires perdus de la République où l’antisémitisme prospère, où la charia s’est surimposée à la loi républicaine et ou le mépris de la France ne se cache plus. Cette voix tend à prendre de plus en plus d’ampleur et de puissance dans le pays lorsque l’on entend parler Alain Finkielkraut ou Éric Zemmour sur la question.
En face de ces penseurs, qualifiés bien volontiers de néo réactionnaires, nous trouvons d’autres personnes qui, par aveuglement ou par malhonnêteté, ne veulent pas entendre parler de ces questions et considèrent plutôt que ces territoires sont certes des territoires perdus mais des territoires perdus par la République. Il faut comprendre l’idée que la République aurait abandonné ces territoires et que ce ne sont pas ces territoires qui ont fait scission et méprisent la France. Aussi voyons-nous nous propager le débat entre les partisans de la première formule et ceux de la deuxième formule. Ces deux têtes de la même hydre nous entrainent au fond de l’abîme en mettant l’accent sur des problèmes existants sans les aborder. On essaye alors de nous faire croire que la France, dans un accès de folie et de manichéisme, se décompose seulement entre ces deux catégories qui se parlent sans s’écouter et qui, hormis piailler, n’apportent aucune solution concrète.
La complexité au secours de ce problème
Si nous voulons réellement s’attaquer à cette question il nous faut nous réconcilier avec la complexité si chère à Edgard Morin c’est-à-dire qu’il nous faut réapprendre à penser la globalité du problème et non pas séquencer la question en observations toutes aussi justes les unes que les autres mais toutes insuffisantes pour régler le problème à elle seule. Oui il existe de l’antisémitisme, un désamour de la France et un mépris de la République dans ces territoires – l’application de la charia est par contre une affabulation – et oui il existe un abandon de l’Etat, une disparition de la République – la Res Publica, le bien commun – et un sentiment d’abandon dans ces territoires. Loin de s’opposer comme le suggèrent les prêcheurs de la haine ou de l’aveuglement, ces deux réalités cohabitent. Je vais même plus loin, ces deux réalités se nourrissent.
C’est précisément parce que l’Etat a tourné le dos à ces territoires que beaucoup de leurs habitants le méprisent. Et c’est sans doute parce que ce mépris est né que l’Etat ne fait même plus semblant d’agir pour ces territoires. Nous le voyons, il s’agit d’un cercle vicieux qui s’est mis en place dans ces territoires. Pour répondre à la question soulevée en première partie ces territoires sont à la fois des territoires perdus de la Républiques et des territoires perdus par la République. Si nous voulons tenter d’amorcer le début d’une solution, il faut donc nécessairement prendre en compte cette double composante. Dans le cas contraire, aucune des réflexions menées à ce propos ou des actions mises en place ne pourra se révéler efficace et permettre un rapprochement entre ces territoires et l’Etat. Répondre à cette question, c’est sauver l’identité républicaine de la France puisque nous l’avons bien vu, la République n’est plus qu’un cadavre porté et agité à bout de bras et à tout bout de champ. Aussi longtemps qu’il existera une différence de traitement entre les Français, la République française ne sera pas républicaine.
Nous venons de le voir, afin de répondre de manière pertinente aux défis qui nous sont proposés, il faut nous réconcilier avec la complexité. Sans cette réconciliation à la fois nécessaire et salvatrice, nous serons incapables de penser notre société et de faire face au défi qui est le nôtre : faire société. Aussi longtemps que nous demeurerons myope et incapable de prendre du recul pour avoir une vision globale de la situation – parce que la méthodologie proposée pour répondre à cette problématique est nécessaire pour répondre à tous nos problèmes – nous, peuple français, resterons incapables de faire preuve de noblesse en appliquant les deux engagements énoncés par Albert Camus lors de son discours de réception du Prix Nobel : « le refus de mentir sur ce que l’on sait et la résistance à l’oppression ».
De la déclaration, libre et assumée que…
… « il faut nous réconcilier avec la complexité. Sans cette réconciliation à la fois nécessaire et salvatrice, nous serons incapables de penser notre société et de faire face au défi qui est le nôtre : faire société. »
Mille et une fois d’accord avec vous, Marwen. Je signe des 2 mains.
Vos propos, en digne Camusien que vous êtes, annoncent enfin ! Le Printemps…
Si l’idée n’est pas nouvelle… elle a, cependant,
le TRES BON GOÛT DE L’INTELLIGENCE ;
Celle qui permet aux Hommes d’Unité de BÂTIR UN PONT… entre le cœur et la raison.
Bravo Marwen !
« Quand le Maître montre la lune, (ne soyons plus) les imbéciles (qui) regardent(ons) le doigt. » Adage
puisque « Tout objet aimé est le centre d’un Paradis » Novalis, Pollens, 51.
Excceeelllllleeennnttteee journée, Marwen !
J’aimeAimé par 1 personne