Les migrations internationales ont longtemps été considérées comme le chainon manquant de la mondialisation. En 2010, le nombre de personnes résidant dans un pays étranger depuis plus d’un an s’élevait à 214 Millions. Si les migrants ne représentent que 3% de la population mondiale, dans les économies avancées, la contribution des immigrants à la croissance de la population active atteint 40%. En 2010, l’immigration permanente représentait en moyenne 12% de l’emploi dans ces économies (ce chiffre a doublé depuis 20 ans).
Les nouveaux visages de l’immigration
On constate en outre, un changement majeur quant à la nature de l’immigration. Dans le schéma classique, caractéristique de la période antérieure au premier choc pétrolier les migrants étaient surtout de la main d’œuvre peu qualifiée. A partir du milieu des années 1980 la révolution technologique a bouleversé la composition des flux migratoires. A l’immigration peu qualifiée s’est alors substituée une immigration de plus en plus qualifiée et courtisée par les pays d’accueil. En 2011, 31% (24% en 2004) des personnes nées à l’étranger et résidant dans les pays de l’OCDE présentaient un diplôme universitaire. Dans la plupart des pays développés, la part de personnes hautement qualifiées est plus importante dans la population immigrée que dans la population autochtone. Aux Etats-Unis, 26% des travailleurs liées à la haute technologie disposant d’un doctorat sont nés à l’étranger. Cette montée de l’immigration hautement qualifiée coïncide avec celle de l’immigration asiatique. Sur les 25 Millions d’immigrés titulaires d’un diplôme universitaire en 2005-2006, 9 Millions étaient originaires d’Asie. Si 44% des immigrants asiatiques sont diplômés du supérieur, la majorité des immigrants venant d’Afrique et d’Asie du Sud (Inde exclus) sont peu qualifiés. Pour ces dernières régions, l’exode des diplômés constitue une fuite des cerveaux hautement dommageable pour le développement. Dans le cas de l’Afrique, par exemple, le taux d’émigration des diplômés de l’enseignement supérieur est de 10% (contre 3,7% en Asie et 1,7 en Chine).
Deux modèles dans la course aux talents
Cette mobilité croissante des diplômés des régions émergentes et en développement donne lieu à une véritable course aux talents dans les pays développés. Les politiques d’immigration de ces pays sont en effet de plus en plus ouvertes qualitativement. Aussi peut-on distinguer deux grands types de politiques migratoires : le premier, fondé sur la demande, est en vigueur aux EU et dans la plupart des pays européens. Il repose fondamentalement sur le recensement des besoins des employeurs en main d’œuvre qualifiée c’est-à-dire que les travailleurs étrangers ne sont admis que si les postes vacants ne peuvent être pourvus par des résidents. Le second modèle, en vigueur au Canada, en Australie mais aussi au RU (depuis 2002) est fondé sur l’offre. Il consiste à fixer un quota ouvert à l’immigration en fonction des caractéristiques des candidats quantifiées par un système de points prenant en compte la situation familiale, la maitrise de la langue du pays d’accueil, la formation, l’expérience professionnelle, etc.
En outre, les pays tentent d’attirer les étudiants les plus prometteurs. Dans cette compétition, appelée à s’intensifier avec l’implosion démographique, les pays anglo-saxons, EU en tête, occupent une position largement dominante. Inversement, les pays les moins avancées dans la transition technologique, comme l’Italie ou la Grèce, continuent d’attirer une main d’œuvre peu qualifiée alors même que la crise encourage dans ces pays un début d’exode de leurs propres cerveaux.