La décroissance en quelques lignes

Il y a une dizaine de jours, l’ensemble des citoyens membres de l’Union Européenne étaient appelés aux urnes pour élire le Parlement européen. Si l’abstention a encore atteint des niveaux très élevés, particulièrement en France, l’un des grands groupes gagnants de ces élections est incontestablement celui constitué par les Verts. Les partis écologistes ont effectivement connu une augmentation de leurs résultats dans certains pays si bien que le groupe devrait passer de 52 députés dans la mandature européenne à 74 dans celle à venir. Cette poussée des Verts, en particulier en Allemagne, est sans doute liée à la dynamique actuelle au sein de laquelle les questions écologiques semblent, heureusement, devenues importantes.

Dans le sillage des multiples marches pour le climat, des grèves des lycéens ou encore de certaines actions intentées en justice contre des Etats à l’égard des questions écologiques, la problématique du changement climatique et de la menace d’une nouvelle grande extinction polarisent indéniablement l’attention – sans pour autant que les changements requis soient mis en œuvre pour le moment. Dès lors, les débats sur la pertinence et la nécessité de défendre un modèle décroissant semble revenir sur le devant de la scène, lui qui a été théorisé il y a déjà des décennies. Je crois pourtant que la décroissance, loin d’être une solution dans le cadre économique actuel, a toutes les chances d’être un leurre nous faisant perdre, encore, de précieuses années avant de faire advenir le changement de modèle économique plus urgent que jamais.

L’illusoire adaptation

A y regarder de près, les arguments pour défendre une politique décroissante ont tout pour convaincre. En effet, postulant qu’il n’est pas possible de continuer à exploiter de manière effrénée les ressources de la planète, les décroissants expliquent qu’il est urgent de sortir du culte de la croissance économique pour trouver de nouveaux indicateurs plus pertinents. Il est en effet évident que le système actuel nécessitant une croissance continue est adossé à l’exploitation toujours plus grande des ressources. Dans un monde fini, cette course infinie a tout pour conduire au désastre. En ce sens, il deviendrait urgent de prôner la décroissance ou, en d’autres termes, une croissance au pire nulle au mieux négative.

Il me semble toutefois que brandir l’espoir d’une décroissance n’est qu’une illusion, celle d’un changement du capitalisme. Je crois, pour ma part, qu’il n’y aura pas plus de capitalisme décroissant (ou vert) qu’il n’y a eu de moralisation du capitalisme. Bien au contraire, le capitalisme ne cesse d’absorber ce qui s’oppose à lui pour mieux le détruire. Dire que l’écologie est compatible avec l’économie de marché et qu’il suffirait pour faire cohabiter les deux de prôner une prétendue décroissance revient exactement au même que nous expliquer qu’il est possible de devenir végétarien en continuant à manger de la viande, pour peu que l’on place des coussins moelleux dans les abattoirs.

Décroissance ou récession ?

Cela revient-il à dire que toute théorie de décroissance serait caduque ? Je ne le crois pas. Je suis intimement persuadé que la préservation de l’écosystème et des conditions de la vie humaine sur la Terre – et non pas, comme on l’entend trop souvent dans un délire anthropocentré, le sauvetage de la planète (qui s’en porterait sans doute mieux sans la présence de l’espèce la plus nuisible, l’être humain) – passera par une sobriété accrue et une refonte totale du système économique qui régit la société. Disons les choses plus clairement, il ne peut y avoir d’écologie ambitieuse sans sortie du capitalisme, ce système qui est fondamentalement construit en opposition à ladite sobriété.

De la même manière, il ne peut y avoir de décroissance en régime capitaliste. Nous le savons depuis bien longtemps, dès lors que le capitalisme cesse d’avancer il entre bien souvent dans des crises plus ou moins violentes et parfois systémiques – notamment les fameuses crises de surproduction. Aussi est-il non seulement illusoire mais également (et peut-être surtout) dangereux de prétendre pouvoir imposer une décroissance en régime capitaliste et ceci, pour la simple et bonne raison que celle-ci ne saurait exister. En régime capitaliste, la décroissance a un autre nom : la récession. Il est d’ailleurs assez symptomatique de constater que cette thématique de la décroissance s’est progressivement imposée comme l’une des armes intellectuelles les plus utilisées par tout un pan des écologistes. Par ce fait, nous voyons bien comment le capitalisme est capable de polluer nos structures mentales et de nous conditionner, en nous faisant croire qu’il serait moralisable ou susceptible d’être plus responsable. Il convient donc, à mes yeux, de rejeter avec force et vigueur une telle décroissance qui s’apparenterait à une récession pour défendre un changement plus global et ambitieux et, qui sait, mettre en place une réelle décroissance.

Crédits photo: Le Monde

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