Pour contrebalancer sa politique économique au service des plus puissants, Emmanuel Macron a présenté la baisse des cotisations sociales comme une mesure favorisant le pouvoir d’achat et augmentant les salaires. Si l’on accepte de mettre de côté (et c’est déjà un bien complaisant effort) le fait que pour certaines catégories de la population ladite mesure en faveur du pouvoir d’achat s’est révélée être une formidable escroquerie – puisqu’elle a consisté en même temps à augmenter la CSG, ce qui a pénalisé fonctionnaires et retraités – il est important de pointer à quel point dire que la baisse des cotisations participe à une hausse des salaires est un mensonge éhonté.
C’est une composante bien connue, mise en exergue par Orwell dans 1984 et pratiquée à merveille par le néolibéralisme depuis son émergence, je veux bien entendu parler de la manipulation du langage afin de nous rendre incapables de penser les choses telles qu’elles sont réellement. En ce sens, la dynamique ayant abouti à progressivement faire penser à la doxa que les cotisations sociales étaient des charges sociales avec tout l’imaginaire péjoratif qui va avec, un peu comme si celles-ci venaient grever les salaires et constituaient un poids, n’est pas la moindre des réussites du modèle néolibéral. Toute cette entreprise de propagande (parce qu’il n’y a pas d’autres termes) n’a pas d’autre but que de mettre à mal le modèle social français.
Salaire brut, salaire net
Présentée comme une hausse du salaire, la baisse des cotisations décidée par Macron n’est en réalité qu’une simple augmentation du salaire net. Peut-on dire que le salaire net constitue notre salaire ? Evidemment non. Celui-ci ne constitue en réalité que ce qui se trouve sur notre compte à la fin du mois. Affirmer que notre salaire est uniquement composé de cette partie-là revient à oublier une part substantielle de celui-ci et, pour dire les choses plus simplement, à ne pas voir plus loin que le bout de son nez. Le salaire net est en réalité au salaire ce que la trésorerie est à une entreprise. De la même manière qu’une entreprise peut avoir à un instant T tant d’argent dans sa caisse mais des créances sur certains clients, le salaire net n’est que la partie émergée du salaire si l’on peut dire.
La réalité est que pour avoir une idée de notre salaire complet c’est bel et bien le salaire brut qu’il faut prendre en compte. Les cotisations sociales ne sont pas une spoliation de l’Etat ou je ne sais quelle fadaise colportée par les néolibéraux mais du salaire différé, utilisé pour financer tant la Sécurité sociale que l’assurance chômage. En d’autres termes, il s’agit de salaire socialisé permettant à l’Etat d’assurer son modèle qui repose sur la solidarité (par exemple entre les actifs et les retraités dans le cadre des retraites). C’est bien pourquoi il est totalement absurde de voir dans l’augmentation du seul salaire net une augmentation du salaire. La seule augmentation de salaire qui peut exister est une augmentation du salaire brut ou, en d’autres termes, le salaire que nous verse l’entreprise et avec lequel nous payons certaines cotisations sociales.
Le modèle assurantiel
La mise à mal de cette vision par les néolibéraux qui s’appliquent méthodiquement à présenter les cotisations sociales un poids pour le salaire depuis des décennies n’a pas pour autre objectif que de mettre à terre le modèle social français qui se fonde précisément sur le principe assurantiel. En tentant de faire croire que le salaire réel est le salaire net, ils ne font pas autre chose que tenter d’instiller dans les esprits l’idée que les cotisations sociales (transformées, vous l’aurez compris, en charges sociales dans leurs bouches) ne servent à rien et ne sont que perte d’argent. En agissant de la sorte, notamment en remplaçant les cotisations sociales par la CSG qui est, elle, un prélèvement obligatoire directement géré par l’Etat, l’objectif est bel et bien de faire entrer dans le giron de l’Etat tout ce modèle assurantiel pour le supprimer à terme.
A l’heure actuelle ce sont en effet les partenaires sociaux qui gèrent ces caisses (au moins en partie) que sont l’assurance chômage ou la Sécurité sociale. En mettant à mal le principe des cotisations sociales, les néolibéraux souhaitent que ce ne soit plus les partenaires sociaux qui aient la gestion de ces caisses mais l’Etat. Tout ceci a des conséquences très concrètes comme par exemple la possibilité pour celui-ci de baisser drastiquement les pensions de retraite ou les revenus des personnes inscrites au chômage en cas de besoin d’ajustement budgétaire. Il va sans dire que si une telle chose devait arriver, il en serait fini du modèle social français qui, soit dit en passant, fait partie des raisons principales de la résilience du pays lors de la crise de 2007-2008 et des années qui ont suivi. Il est des révolutions néolibérales qui font moins de bruit que les privatisations ou la suppression de l’ISF mais qui changent bien plus radicalement les choses. Il est grand temps de réclamer une hausse du salaire brut et avec lui des cotisations pour une extension du modèle assurantiel, en somme il est temps de repartir à l’offensive. Vive les cotisations sociales !
Crédits photo: JDN
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