Samedi dernier s’est donc tenu l’acte X des Gilets jaunes. Malgré le lancement du grand débat – qui s’avère bien plus être une grande escroquerie, j’y reviendrai bientôt – le flux de personnes mobilisées dans les rues de France ne semble pas avoir diminué. Variant les lieux de mobilisation, le mouvement protéiforme auquel nous assistons depuis des semaines semble désormais s’être profondément enraciné et risque assurément d’être une épine durable dans le pied d’Emmanuel Macron et de sa caste. Comptant sur le début du grand débat pour respirer un petit peu, le monarque présidentiel, son gouvernement et sa majorité fantoche risquent bien d’être déçus de la tournure des choses.
Samedi dernier, l’un des principaux messages porté tant par les revendications que par les pancartes était lié aux violences policières. Après des semaines de répression exacerbée de la part des forces de l’ordre, le sujet semble, en effet, s’être enfin invité dans les JT. Surfant sur cet éclairage aussi soudain que tardif, les Gilets jaunes en ont profité pour dénoncer les violences d’Etat perpétrées par les forces de l’ordre et couvertes par le plus haut niveau de l’Etat – Christophe Castaner n’ayant pas hésité à nier purement et simplement les violences policières. Les semaines passent, les samedis de mobilisation s’accumulent et pourtant un thème, majeur selon moi, reste étrangement absent. Pour paraphraser un petit président, celui-ci n’a pas de visage, pas de parti, ne présente pas de candidat aux élections et pourtant il gouverne : le système économique.
Macron, le bien commode paravent
Tout ou presque a été dit sur l’évolution du mouvement depuis ses débuts. Initialement dirigé contre l’augmentation de la taxe sur les carburants, celui-ci a rapidement évolué vers des revendications sociales et institutionnelles fortes. S’il pouvait sembler être le fruit d’une dynamique quelque peu consumériste et antiétatique à ses origines, le mouvement des Gilets jaunes s’est rapidement révélé être le fruit d’une détresse sociale à la fois terrible et ancienne. Il est donc tout à fait logique d’avoir vu Emmanuel Macron être érigé en figure à déboulonner tant la pratique du pouvoir du locataire de l’Elysée est personnalisée – après tout les Gilets jaunes ne font que répondre à la bravade lancée lors de l’affaire Benalla lorsque Macron avait expliqué que les gens n’avaient qu’à venir le chercher. Tout à la fois héritier et accélérateur d’une idéologie et de politiques menées depuis des décennies et qui ont conduit à la situation actuelle, le successeur de François Hollande était tout désigné pour recueillir la colère légitime de toute une partie de la population qu’il n’a eu de cesse de mépriser.
Il me semble, toutefois, que la colère qui vise Emmanuel Macron ne devrait pas se limiter à lui et à lui seul. Evidemment le mot d’ordre très répandu appelant à la démission du monarque présidentiel est porteur de sens en soi, il est la conséquence de la politique très verticale qu’il mène et qui aboutit à détruire l’ensemble des contrepouvoirs. Il est néanmoins curieux que, dans le même temps, les grandes fortunes du pays ne soient pas plus visées que cela par les slogans. Il y a certes eu les dégradations sur quelques magasins de luxe ainsi que les manifestations dans les lieux de pouvoir économique et symbolique mais tout de même, l’on aurait pu s’attendre à une virulence plus grande à l’égard des évadés fiscaux, surtout à l’heure où Carlos Ghosn est accusé de ces vicissitudes. A ce titre, Emmanuel Macron fait figure de paravent bien commode pour toute cette caste.
Le système, voilà l’adversaire
Parler de Carlos Ghosn, des grands patrons ou des évadés fiscaux n’a pas de sens si l’on ne replace pas ces évocations dans un cadre plus global. Je suis effectivement de ceux qui pensent qu’en toutes circonstances ce qui importe, ce sont les structures. Aussi est-il nécessaire selon moi de dépasser la simple figure d’Emmanuel Macron – non pas qu’il n’y ait rien à lui reprocher mais, finalement, il ne s’agit que d’un pion, un pion très haut placé certes mais un pion quand même – et de s’attaquer plus radicalement au système qu’il sert et qui lui a permis d’atteindre l’Elysée, système qu’il rétribue de manière indécente depuis son accession au pouvoir. La réalité est, plus prosaïquement, qu’une large part des revendications relatives au pouvoir d’achat ne sont pas tant le fait de Macron lui-même (il ne s’agit évidemment pas de le décharger de l’obscénité de la politique qu’il mène) que du système dans lequel il s’insère.
Sans doute est-ce là à la fois la force et la faiblesse du mouvement des Gilets jaunes. En faisant l’économie de nommer le véritable adversaire, le capitalisme puisqu’il faut l’appeler par son nom, le mouvement permet d’agréger une multitude de personnes y compris parmi elles des personnes qui ne se mobiliseraient sans doute pas si le mot d’ordre était d’abattre ce système économique qui génère des inégalités pharamineuses. Mais, si ceci est assurément une force dans la construction et la croissance du mouvement, il marque également le plafond de verre auquel celui-ci risque de se heurter s’il n’accepte pas de se radicaliser dans la critique du capitalisme. Aussi longtemps que les figures visées seront des pions, le système économique ne tremblera pas vraiment. Il est grand temps de passer encore plus à l’offensive et de les faire réellement trembler en haut, de faire que la peur puisse durablement changer de camp et non plus de manière sporadique lorsque les manifestations et les dégradations atteignent les quartiers cossus de la capitale. Peut-être qu’alors, les syndicats assumeront enfin leur rôle et appelleront à une grève générale, seule à même de mettre à genoux le capital. Peut-être un tel engagement massif est-il une utopie mais si nous échouons à cela nous aurons définitivement perdu. Et il ne nous restera qu’à pleurer sur notre sort. Alors, rallumons les étoiles, il est grand temps.
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