Si l’acte IX du mouvement des Gilets jaunes s’est déroulé avec moins de violences selon les observateurs, le précédent avait été marqué par la fameuse intervention de Christophe Dettinger et ses coups de poing assénés à des forces de l’ordre. Il ne s’agit pas ici de revenir sur cet élément ni même de le juger mais bien plutôt de s’interroger sur la cagnotte qui a été créée par la suite et toutes les réactions que celle-ci a généré ainsi que du message envoyé lorsque l’on fait fermer une cagnotte au prétexte qu’elle serait indécente. En première ligne dans l’attaque contre ladite cagnotte, Marlène Schiappa fait assurément figure de symbole.
La secrétaire d’Etat chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes ainsi que de la lutte contre les discriminations a effectivement vertement critiqué non seulement le principe de la cagnotte en lui-même mais également les personnes prêtes à donner de l’argent à Monsieur Dettinger. La plus univoque de ses critiques s’est assurément produite sur le plateau de France Info où elle a expliqué qu’elle était favorable à ce que l’on fiche ou poursuive l’ensemble des personnes qui ont donné de l’argent au prétexte qu’elle les considérait comme des complices de la violence de Christophe Dettinger. Cette séquence me parait doublement inquiétante.
De la censure
Comme je l’ai écrit plus haut, il ne s’agit pas pour moi de juger de la pertinence ou du bien fondé d’une telle cagnotte. Je pense effectivement que les deux positions peuvent se défendre – celle de dire que l’argent lui servira à payer les frais d’avocat ainsi qu’à aider sa famille dans le cas d’une lourde condamnation et celle de dire qu’il est dérangeant de lui donner de l’argent – toutefois, et c’est le seul sujet qui vaille en réalité, il est absolument odieux d’avoir cherché (et réussi) à faire fermer la cagnotte en exerçant finalement une forme de censure absolument honteuse. Ladite cagnotte ne contrevenait en rien aux lois, qui interdisent effectivement de collecter de l’argent pour payer une amende (mais dans ce cas le fameux Sarkothon ne s’apparentait-il pas à une forme de collecte pour rembourser un acte délictueux de la part de Nicolas Sarkozy ?) mais assurément pas d’organiser une telle collecte pour soutenir une personne pas encore condamnée.
Décider de fermer la cagnotte c’est donc faire le choix réfléchi de refuser à certaines personnes de s’organiser ou soutenir qui elles entendent. Je crois qu’il est absolument gravissime d’avoir fermé cette cagnotte en cela que ça ouvre la porte à toutes les dérives possibles et imaginables. Qui nous garanti en effet que, demain, une cagnotte qui ne plait pas à telle ou telle personne ne sera pas fermée sur des motifs fumeux ? La fermeture de la cagnotte est d’autant plus scandaleuse à mes yeux que, dans le même temps, des cagnottes de soutien aux forces de l’ordre ont été ouvertes (et le sont encore aujourd’hui). Les forces de l’ordre sont déjà rémunérées par l’Etat et, quand bien même elles seraient mal rémunérées, je trouve autrement plus dérangeante une cagnotte visant à se substituer à l’Etat que celle en soutien à Christophe Dettinger. Tout cela sans compter qu’un élu (Renaud Muselier pour ne pas le citer) a été à l’initiative de la cagnotte qui a rassemblé le plus d’argent – ou que la cagnotte des dividendes ne semble poser de problème à personne au sein de la caste.
Les véritables complices
Sur le plateau de France Info, Marlène Schiappa a donc expliqué qu’elle était favorable à un fichage des personnes ayant participé à la cagnotte devaient être fichés pour complicité. Comme je l’ai dit plus haut, ladite cagnotte n’avait rien d’illégal et en appeler à un fichage des opposants politiques au moment où le droit de manifester est rudement mis à mal par le gouvernement n’est pas anodin à mon sens. Tout cela s’inscrit dans une logique plus large visant à démontrer l’intransigeance et, appelons les choses par leur nom, le peu de cas que font Emmanuel Macron et sa bande des droits démocratiques. Il est d’ailleurs intéressant de mettre en parallèle cette accusation de complicité avec les propos tenus par Christophe Castaner avant l’acte IX des Gilets jaunes et exprimant en substance que tous ceux qui iraient manifester seraient complices des casseurs.
Par-delà le scandale de tels propos, je crois que se dissimule en réalité une complicité d’une toute autre forme. Celle-ci émane des médias qui interrogent ces personnes sans les mettre face à leurs contradictions et se contentent de leur servir la soupe. Evidemment, cette tendance n’est pas nouvelle et Marine Le Pen (ou plus assurément Florian Philippot du temps où il était encore membre du Front National) a pu l’expérimenter. Combien de fois la présidente du parti d’extrême-droite a-t-elle pu profiter d’une interview pour la transformer en véritable tribune sans contradicteur malgré les énormités proférées ? Le mythe du journaliste neutre qui n’intervient pas dans une interview n’est en réalité ni plus ni moins que le moyen de s’écraser devant les puissants et de les laisser proférer des âneries plus grosses qu’eux. Les mêmes journalistes sont pourtant bien plus virulents dès lors qu’il s’agit d’une personne lambda en face d’eux ou même d’une personnalité politique comme Philippe Poutou ou Olivier Besancenot. La vraie complicité n’est pas de participer à une cagnotte mais bien de se taire face à ce genre de propos. Ou quand ce qui devrait être une vigie démocratique se transforme en chien de garde du système. Beaucoup arguent que ce faisant ils défendent la démocratie et les institutions. Mais comme l’exprime brillamment Frédéric Lordon dans son dernier billet de blog, « défendre Macron n’est pas défendre les ‘institutions’, c’est défendre Macron barricadé dans les institutions ».
Crédits photo: France Infos
[…] Marlène Schiappa, la cagnotte et les complices Indépendances des autorités et hautes rémunérations, le symbole Jouanno […]
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Invitee sur France Inter jeudi matin, Marlene Schiappa a explique qu’elle desirait savoir qui etaient les personnes qui financaient la cagnotte lancee en soutien a l’ancien boxeur Christophe Dettinger, s’interrogeant sur l’eventuel role de « puissances etrangeres ».
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