La Sécurité sociale ou la digue à protéger

En cette rentrée politique 2018, il est euphémique de dire qu’Emmanuel Macron traverse une forte zone de turbulences. Avant les vacances, l’affaire Benalla avait empêché la majorité de mener au pas de charge la réforme constitutionnelle voulue par le monarque présidentiel mais tout le monde ou presque au sein de la majorité pensait sans doute que les difficultés ne seraient que passagères et que le bulldozer pourrait reprendre sa marche en avant une fois les cigales devenues silencieuses. Las, voilà le locataire de l’Elysée sommé de faire face tout à la fois à la démission de Nicolas Hulot – qui dévoile de manière crue la réalité de la présidence Macron, j’y reviendrai prochainement – et aux résultats économiques en berne.

Il serait toutefois bien présomptueux de penser, à gauche, que l’arrogant successeur de François Hollande va se laisser abattre et reculer. Le couac sans doute à venir sur le prélèvement à la source ne nous autorise effectivement pas à dire que le pouvoir macroniste bat en retraite, tout au plus voyons nous se profiler une décision purement politicienne motivée par la peur de connaitre une déroute lors des élections européennes à venir l’année prochaine. Telle une bête blessée, il se pourrait bien que le locataire de l’Elysée décide d’accélérer le train de ses réformes pour noyer l’opposition à la politique qu’il mène. Dans cette optique, la Sécurité sociale pourrait bien faire figure de totem à faire tomber pour la caste au pouvoir et ce, pour au moins deux raisons principales.

 

La course aux profits

 

Toute la politique menée par ce gouvernement poursuit le même but : faire des cadeaux aux plus riches en rognant sur les conquis sociaux du plus grand nombre. Les résultats économiques le montrent bien, cette politique de classe que mènent Emmanuel Macron et sa cour n’a pas pour autre objectif que de remercier ceux qui l’ont porté au pouvoir. Dans cette optique, il devient rapidement évident que les privatisations – des aéroports à la Française des jeux en passant par les barrages – évoquées n’ont pas pour objectif la réduction de la dette ou d’un quelconque déficit mais bien de permettre à une certaine partie de la population de se gaver sur le dos du reste du pays et tant pis si cela suppose de mettre à mal à la fois la souveraineté économique et politique mais également la sécurité.

Dès lors que l’on prend conscience de cela, il devient relativement évident que la privatisation du domaine de la santé est la promesse de juteux profits pour tous ces vautours. Le démembrement de la Sécurité sociale n’a effectivement pas d’autre but que de permettre une curée totalement indécente permettant aux mutuelles en même temps qu’aux grands groupes pharmaceutiques et autres cliniques privées d’engranger de juteux profits. L’autre partie de cet effet de ciseaux est sans conteste le fait que les profits engrangés par ces grands groupes sont le fruit à la fois de la ponction des ménages et généreront assurément une augmentation des maladies liée au fait que les plus dominés de cette société ne pourront pas se permettre de se soigner décemment. Voilà quel est l’odieux visage de la politique menée dans ce pays.

 

Le socialisme concret

 

Par-delà la simple logique du profit, déconstruire la Sécurité sociale est un vieux rêve des capitalistes dans ce pays pour la simple et bonne raison qu’elle est la preuve concrète que le socialisme peut fonctionner mais qu’en plus il fonctionne bien mieux et coûte moins cher que le système marchand qu’Emmanuel Macron et sa clique nous vendent à longueur de temps. Les capitalistes ont de tout temps ou presque tenté de dissimuler le caractère véritablement révolutionnaire de la Sécurité sociale en expliquant qu’il s’agissait finalement de simples concessions faites à la sortie de la guerre. La réalité c’est que la Sécurité sociale porte en elle les germes d’une autre société, plus fraternelle, délivrée de l’impératif marchand et totalement rétive à l’esprit du capitalisme.

En mettant en place un tel système, le grand Ambroise Croizat a effectivement jeté les fondements sur lesquels il devient urgent à la fois de s’appuyer et de se reposer. La Sécurité sociale de par son principe – chacun cotise selon ses moyens et reçoit selon ses besoins – est la preuve éclatante qu’un autre système est possible. En cela, les mesures portées par ce gouvernement de classe visant à transformer les cotisations sociales en CSG sont dramatiques et assurément le moyen de déposséder ladite Sécurité sociale de son caractère révolutionnaire. Il ne s’agit évidemment pas de dire que celle-ci est parfaitement socialiste dans la mesure où les circuits financiers passent encore par l’économie, les banques ou les institutions capitalistes mais bien d’expliquer la portée qu’a ce à quoi l’on s’est finalement habitué sans se rendre compte d’à quel point elle pouvait servir d’appui à l’élaboration d’une autre société. De la même manière que le statut des fonctionnaires n’est pas un archaïsme comme le vendent macronistes et médias dominants, la Sécurité sociale n’est pas un outil désuet qu’il s’agirait de remettre au goût du jour pour reprendre les éléments de langage partagés par les dominants. Au contraire, ce conquis social majeur doit non seulement être préservé mais surtout approfondi. Assez des luttes défensives, il est grand temps de repasser à l’offensive pour faire reculer le capital. Face aux forces xénophobes d’une part et néolibérales d’autre part – qui ne forment finalement que les deux faces d’un même Janus, celui de la compétition – il devient chaque jour plus urgent de rallumer les étoiles. Face à la compétition de tous contre chacun que propose le néolibéralisme et la compétition entre ethnies que propose l’extrême-droite, il nous est chaque jour plus urgent de sortir de cette nuit noire et menaçante, de proposer un autre chemin, de jouer en somme les Prométhée face au Zeus capitaliste. Peut-être un tel engagement massif est-il une utopie mais si nous échouons à cela nous aurons définitivement perdu. Et il ne nous restera qu’à pleurer sur notre sort. Ils veulent casser notre digue, transformons nous en tsunami pour briser la leur.

Un commentaire sur “La Sécurité sociale ou la digue à protéger

  1. Bravo !
    je pense pour ma part depuis longtemps qu’il serait bon de libérer totalement la Sécu de la tutelle de l’état en en faisant un quatrième pouvoir, maitre de son financement et de son organisation et rendant compte directement au peuple par des élections. Ce n’est pas la différence cotisations sociale/impôts qui compte, celle ci n’est que la survivance d’un vieux fond proudhonien de notre histoire, mais la place première de la sécurité dans nos priorités. Prenant ainsi de front le démantèlement concurrentiel de notre République.

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