Il y a quelques semaines le gouvernement annonçait, par la voix d’Edouard Philippe, l’abandon du projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Devenu depuis des décennies un symbole de la lutte contre les projets pharaoniques et de la protection des zones humides, cet emplacement polarisait l’attention, notamment depuis la création d’une zone à défendre, plus communément appelée ZAD, par les opposants les plus farouches à la construction dudit aéroport. Ne nous mentons pas et ne nous cachons pas derrière des faux-semblants, ce recul de l’Etat est une franche surprise. Durant la campagne présidentielle, en effet, l’alors candidat Emmanuel Macron avait affirmé qu’il ne se désengagerait pas de ce projet et que la consultation locale organisée en juin 2016 avait, pour lui, clos le débat. Les lignes de ce blog sont assez critiques à l’égard de l’exécutif pour ne pas reconnaître lorsque celui-ci prend une bonne décision, ce qui a été le cas avec ce recul.
Si ladite décision est surprenante c’est non seulement en raison des propos du locataire de l’Elysée durant la campagne présidentielle mais également de ceux de son ministre de l’Intérieur qui laissaient peu de place au doute quant à l’issue de cette affaire. La déception a d’ailleurs été très grande parmi les défenseurs de l’aéroport qui n’ont pas manqué de dénoncer une décision selon eux couarde et contraire à la démocratie – non non on ne rêve pas, les mêmes personnes qui tordent le cou aux aspirations démocratiques des peuples ont été les premières à en appeler à la démocratie contre la décision du gouvernement, les Tartuffe n’ont honte de rien. Je crois, pour ma part, qu’il ne faut pas hésiter à appeler ce recul de l’Etat par ce qu’il est, c’est-à-dire une victoire de ceux qui affirment qu’une autre société est possible. Bien évidemment la victoire n’est que partielle et ne saurait être un triomphe. C’est bien pour cela qu’il est primordial de ne pas se croire arrivés.
La pierre dans le jardin macronien
Depuis la mi-mai 2017 et son installation à l’Elysée, Emmanuel Macron semble marcher sur l’eau. On lui prédisait, moi le premier, une explosion en plein vol durant la campagne présidentielle. Il n’en fut rien. On lui prédisait une absence de majorité à l’Assemblée Nationale une fois élu. Il n’en fut rien. On lui prédisait le chaos social lorsqu’il s’attaquerait au code du travail. Il n’en fut, là encore, rien. Il faut reconnaitre que depuis sa victoire le 7 mai dernier, Monsieur Macron mène sa barque un peu comme il l’entend et peut se permettre d’adopter un double voire triple discours sans que cela n’ait aucune conséquence. Personne ne sait jusqu’à quand cela durera mais il faut lui reconnaitre cela, il manœuvre avec brio et n’a pas provoqué l’embrasement social et l’effondrement politique qu’on lui promettait.
Voilà précisément pourquoi la victoire des zadistes et le recul de son gouvernement sur la question de Notre-Dame-des-Landes me paraît de la plus haute importance. Depuis son arrivée au pouvoir, c’est effectivement la première fois qu’il est forcé de reculer et ce n’est pas une petite nouvelle. Les zadistes auront donc réussi l’exploit d’être les premiers à contrarier les plans du monarque présidentiel et surtout à montrer concrètement qu’un autre modèle est possible. Largement dépeint en sauvages barbares dans la presse dite mainstream, les zadistes ont au contraire prouvé par l’expérience et finalement de manière empirique qu’un autre modèle de société était possible, un modèle où les biens communs sont une réalité et sont gérés de manière participative, un modèle plus respectueux de la nature, bref un modèle qui va complètement à rebours du capitalisme néolibéral triomphant dont le visage le plus éclatant est celui d’Emmanuel Macron.
Ne pas se croire arrivés
Cette victoire doit-elle pour autant signifier que tout est fait ? Je ne le crois résolument pas. Pour paraphraser Churchill, ce n’est ni la fin ni même le début de la fin. Peut-être est-ce simplement la fin du début. Très localement pour commencer la lutte est loin d’être finie puisque le gouvernement a annoncé sa volonté d’évacuer la ZAD – et donc de détruire de facto cet écosystème qui s’était mis en place là-bas. La prochaine étape de la lutte, pas moins importante que la question de l’aéroport à mes yeux, consistera à voir si la ZAD sera effectivement évacuée. Dans le cas contraire la victoire des zadistes n’en sera que plus renforcée et la pierre dans le jardin macronien sera un peu plus grosse encore.
Plus globalement surtout, une victoire locale ne doit pas nous faire oublier la situation sociale et globale du pays. Emmanuel Macron et son gouvernement continuent en effet de casser le modèle social français et ne comptent pas s’arrêter en si bon chemin. La victoire à Notre-Dame-des-Landes est certes réconfortante mais elle ne doit pas nous faire oublier que partout ailleurs se mènent des luttes tout aussi importantes. Les zadistes ont montré qu’un autre horizon était possible, il s’agit désormais de créer les conditions de diffusion d’un tel modèle. Je suis en effet intimement persuadé que c’est en construisant un autre modèle et non pas en se contentant de critiquer que nous pourrons faire tomber le capitalisme néolibéral, ce colosse aux pieds d’argile qui ne fait qu’acheter du temps selon la formule consacrée. Soyons des avatars de John le Sauvage dans Le Meilleur des mondes c’est la meilleure des choses à faire me semble-t-il.
Nous le voyons donc, le retrait du projet d’aéroport n’est qu’une étape. Toutefois, les zadistes peuvent être une inspiration pour la suite en cela qu’ils ont donné à la fois un horizon et une méthode. Il me semble qu’il nous faut impérativement sortir de l’urgence dans laquelle nous nous trouvons pour retrouver le temps long et construire une véritable alternative. Il y en a assez de se soumettre au timing de nos adversaires et de leur courir derrière pour répondre à leurs outrances qui, loin d’être des gaffes, sont le cœur d’une stratégie murement réfléchie. Cela prendra sans doute du temps mais la victoire des idées est à ce prix. D’ici là, imaginons Sisyphe heureux.
Connaissant l’idéologie (parfaitement, même s’ils prétendent n’en avoir aucune) des cols blancs qui nous gouvernent, franchement, je ne sais pas l’abandon du projet est vraiment une victoire. Il faudrait connaître les vraies raisons de cet abandon. Car je n’ai aucune illusion : si le projet avait été « rentable », nul doute qu’il aurait été maintenu. C’est simple : je ne crois pas aux bonnes intentions du dénommé Macron.
Et surtout, après cet abandon, reste le sujet qui me paraît le plus important : que vont devenir les 1650 hectares de cette zone ?
Reporterre y répond en partie ici :
https://reporterre.net/Quel-avenir-pour-les-terres-de-la-Zad-de-Notre-Dame-des-Landes-On-fait-le-point
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Tout à fait. L’important est le devenir de ces hectares mais voir Macron reculer est tout de même une victoire selln moi, quand bien même elle serait petite
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J’imagine qu’on connaîtra les vraies raisons (à mon avis sonnantes et trébuchantes beaucoup plus que soucieuses d’écologie, voire simplement humanistes) et les suites dans quelque temps.
En tous cas, dès le mois de décembre, les « experts » (j’adore ce mot) donnaient un avis très favorable à l’abandon :
https://www.challenges.fr/entreprise/l-expert-en-transport-aerien-jean-louis-baroux-milite-en-faveur-d-un-abandon-de-notre-dame-des-landes_520075
L’article ci-dessus évoque notamment les négociations avec Vinci au sujet des indemnités que l’État devra lui verser, mais surtout, son intérêt pour acquérir un gros morceau voire la totalité des aéroports de Paris (déjà construits, c’est donc tout bénéfice, Vinci n’aura pas de travaux à effectuer) qui vont être privatisés sous peu. Ceci explique peut-être cela.
Sinon je suis d’accord avec vous : les zadistes (et pas seulement ceux de NDDL) sont un exemple à suivre. Le seront-ils par les gens ? Je n’en suis pas sûre. Mais je suis d’un naturel pessimiste. Surtout en ce moment… 🙂
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