Trump, Sarkozy et le triomphe de l’hypocrisie

Il y a quelques jours, Donald Trump a provoqué un véritable tollé et s’est sans doute coupé des derniers alliés qui étaient les siens à la fois dans le monde du business et au sein du Parti Républicain. Le président américain semble plus isolé que jamais et il ne serait guère étonnant de le voir continuer à se recroqueviller sur lui-même durant le reste de son mandat – s’il n’est pas destitué avant. A l’origine de ce nouvel isolement du magnat de New-York, les propos qu’il a tenus sur la manifestation de néo-nazis à Charlottesville qui a aboutie à la mort d’une contre-manifestante tuée par un néo-nazi et sa voiture lors de la contre-manifestation.

L’absence de propos du président américain à l’égard des évènements à la fois dramatiques et inquiétants de Charlottesville durant plus de 48h avait été soulignée mais Donald Trump a suscité bien plus d’effroi en s’exprimant ensuite et en renvoyant dos à dos les néo-nazis et les manifestants antiracistes. En s’exprimant de la sorte, le président américain a évidemment défendu les néo-nazis et autres suprémacistes blancs ainsi que l’ont prouvé les propos d’un membre haut-placé du Ku Klux Klan qui s’est félicité de cette prise de position. Cet épisode ô combien inquiétant rappelle avec force et vigueur quelles sont les dynamiques que l’arrivée de Trump au pouvoir a renforcées. A cet égard, il ne me parait pas absurde d’établir un parallèle avec l’élection de Nicolas Sarkozy en 2007 que ce soit en termes de tendances renforcées ou de réactions médiatiques et politiques.

 

Le Dieu riant

 

Rapprocher les arrivées au pouvoir de Trump et Sarkozy ne revient évidemment pas à dire que les deux hommes sont identiques, loin de là. Il peut, selon moi, être fait une analogie entre ces deux présidents mais en aucun cas il ne saurait y avoir d’équivalence entre les deux. Donald Trump est, à bien des égards, pire que Nicolas Sarkozy. Toutefois, il ne me parait pas absurde de comparer leurs arrivées au pouvoir ainsi que ce qu’elles nous ont dit – ou nous disent encore – de l’état des deux pays concernés. Dans les deux cas, médias et politiciens ont mis l’accent sur la libération de la parole identitaire et raciste qu’avait entrainée ces deux présidents. Chacun d’eux a un élément qui symbolise cette libération de la parole raciste : pour Sarkozy ce fut le ministère de l’identité nationale et de l’immigration, pour Trump ça restera (parmi toutes ses perles) sa défense des néo-nazis.

Pour autant, si Dieu se rit vraiment des hommes qui se plaignent des conséquences alors qu’ils en chérissent les causes selon la très jolie phrase de Bossuet, tendons l’oreille il y a de fortes chances que nous l’entendions rire à gorge déployée devant ces parfumés qui nous expliquent que ce sont Sarkozy et Trump qui ont permis à la parole raciste de se libérer dans leur pays respectif. Que les choses soient claires, les arrivées de ces deux personnes au pouvoir ont accentué la dynamique il est vrai mais en rien elles ne l’ont créé. Dire que la parole raciste était enfermée avant l’arrivée au pouvoir de Messieurs Sarkozy et Trump c’est au mieux être angélique ou naïf au pire être monstrueusement cynique. Du « bruit et l’odeur » de Jacques Chirac à la qualification de Le Pen au deuxième tour en 2002 en passant par les couvertures toutes plus ordurières les unes que les autres des médias français, il faut être culotté pour oser dire qu’avant Sakozy point de racisme. De la même manière il faut être singulièrement idiot ou de mauvaise foi pour nier que le racisme préexistait à l’arrivée de Donald Trump dans le bureau Ovale.

 

La paille et la poutre

 

Le plus drôle – ou plutôt le plus triste et agaçant – dans le tollé qu’ont provoqué les propos de Trump est de voir l’hypocrisie triomphante qui s’est répandue sur une large part de la caste politicienne, des médias mais aussi des gens de la bonne société, ces parfumés qui s’offusquent des propos tenus par le locataire de la Maison Blanche tout en tenant les mêmes en France. Il y avait quelque chose d’émouvant à voir toutes ces personnes défendre la contre-manifestation antiraciste de Charlottesville pour faire la nique à Trump alors même que ces personnes tapent allègrement sur le camp d’été décolonial ou sur Lallab dans le même temps ici. Il y avait quelque chose d’émouvant à les voir s’offusquer quand Trump a renvoyé dos à dos l’extrême-droite et la gauche radicale alors qu’ils font bien pire ici.

Emouvant ou ridicule. Nous avons assisté au comble de la tartufferie. Les mêmes médias qui parlaient de Philippe Martinez comme de l’homme qui « voulait mettre la France à genoux » lors du mouvement social contre la loi travail, les mêmes médias qui parlent de prise d’otage lors de grève mais ont une pudeur de gazelle pour parler de l’extrême-droite et préfèrent utiliser le terme de droite radicale, les mêmes médias et autres intellectuels de comptoirs qui nous expliquent que le FN et la gauche radicale c’est la même chose, les mêmes qui ont martelé cela durant toute la campagne présidentielle pour mieux aider l’entreprise de Macron, ceux-là se sont offusqués et ont joué les vierges effarouchées vis-à-vis des propos de Trump. Mais dans ce théâtre ridicule qu’est devenue la sphère publique, ces Tartuffe ne trompent personne à part eux-mêmes.

 

Dans ce petit jeu millénaire de la paille et de la poutre, je n’ai aucun doute quant aux manœuvres à venir de la part de ces cuistres. Les mêmes qui se sont offusqués des propos du président américain n’hésiteront pas à traiter l’ensemble des manifestants de casseurs, à dire que la gauche est le véritable danger dans ce pays et à laisser prospérer l’extrême-droite voire pire à lui faire la courte échelle à coup de couvertures identitaires et anxiogènes. Dans ce théâtre des ridicules, pas de deus-ex machina pour venir nous sauver, rien sinon nos petites mains s’affairant à enlever leurs oripeaux, s’évertuant à leur montrer leur véritable figure, s’échinant à leur tendre le miroir qui leur révèle leur hideux visage : ils ne valent pas mieux que celui qu’ils critiquent, au contraire lui assume sa position au moins.

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