Depuis vendredi dernier et son passage dans l’émission « La Grande librairie » pour présenter le dernier de ses livres – Minute, écrit avec son acolyte Badroudine Saïd Abdallah – Mehdi Meklat est au cœur d’une véritable tornade. La raison de cette tempête qui s’abat depuis quelques jours sur le jeune homme ? D’anciens tweets écrits par lui-même et ouvertement racistes, misogynes, homophobes et faisant l’apologie du terrorisme. Il a certes fait quelques excuses sur Twitter et sur Facebook au cours du week-end mais celles-ci paraissent bien dérisoires en regard de la violence des propos tenus durant des années par son alter ego maléfique.
« Jusqu’en 2015, sous le pseudo “Marcelin Deschamps”, j’incarnais un personnage honteux, raciste, antisémite, misogyne, homophobe sur twitter. À travers Marcelin Deschamps, je questionnais la notion d’excès et de provocation. (…) Les propos de ce personnage fictif (Marcelin Deschamps) ne représentent évidemment pas ma pensée et en sont tout l’inverse. Je m’excuse si ces tweets ont pu choquer certains d’entre vous : ils sont obsolètes ». C’est en ces termes que Mehdi Meklat s’est défendu sur Twitter en minimisant finalement la portée desdits propos puisqu’il se cache derrière un personnage de fiction. Disons-le d’emblée, la défense de Meklat frise le ridicule. A la suite de l’exhumation de ces tweets, toute une constellation allant de la fachosphère à Laurent Bouvet (président du Printemps républicain) en passant par Gilles Clavreul ont attaqué de manière véhémente le jeune homme pour décrédibiliser non pas seulement l’homme mais bien plus tout ce qu’il représente.
L’ombre d’Icare
La mythologie et la littérature regorgent de figure à laquelle nous pourrions identifier Mehdi Meklat. Finalement il ne fait que reprendre les traits de la figure millénaire de l’Homme qui monte pour ensuite s’écraser lamentablement. Lécher, lâcher, lyncher, le triptyque sempiternel semble s’être mis en place par rapport au jeune homme. Si la tornade est si puissante à son égard, c’est bien parce que celui-ci est devenu un personnage public à part entière. D’enfant chéri à renégat il n’y a souvent qu’un pas comme l’expliquait déjà les habitants de la Rome antique eux qui disaient qu’il n’y avait pas loin du Capitole à la roche Tarpéienne.
Chroniqueur du Bondy Blog puis intervenant sur France Inter et bien d’autres médias – il a récemment interviewé Christiane Taubira avec son camarade Badrou pour Les Inrocks – Mehdi Meklat a franchi une à une les marches de la reconnaissance médiatique pour devenir l’une des voix qui compte dans les médias parmi les descendants de l’immigration et les habitants des quartiers populaires. C’est pour cela que la révélation de ses tweets absolument scandaleux, tombant parfois sous le coup de la loi, fait tant de bruit. En ce sens, il n’est pas absurde de voir en Mehdi Meklat un avatar de Martin Eden ayant gravi les échelons un à un avant de chuter lourdement et d’être précipité vers les rochers menaçant. A une différence près – et elle est de taille – c’est que Martin Eden ou Icare n’entrainent personne dans leur chute. Dans le cas de Mehdi Meklat c’est tout ce qu’il représente qui est trainé dans la boue, ce contre quoi il faut nous lever et nous opposer fermement.
Notre chemin de crête
Dans sa chute, Mehdi Meklat entraîne évidemment le Bondy Blog mais aussi toute une manière d’appréhender la question de l’islamophobie, de l’antiracisme ou des banlieues. De Gilles Clavreul à Fdesouche, de Laurent Bouvet à Eugénie Bastié, beaucoup de ceux qui extrapolent les tweets de Mehdi Meklat à l’ensemble de la sphère militante ou journalistique défendant une autre vision de la société que la leur le font à dessein. Leur but est évidemment de discréditer tout discours se rapprochant de celui que tenait le jeune homme parce que celui-ci a tenu des propos inadmissibles. Ils veulent finalement faire de Mehdi Meklat l’anti-pharmakos, ils veulent transformer la brebis galeuse en symbole de cette sphère, ils veulent que l’opprobre rejaillisse sur tous ceux qui luttent avec sincérité contre les discriminations dans notre pays.
C’est précisément pour cette raison que la galaxie précitée hystérise la question en tentant de faire advenir un manichéisme primaire et outrancier. A les écouter, il faudrait choisir entre être comme Mehdi Meklat et défendre la même vision qu’eux, comme s’il était impossible de défendre un autre modèle de société que celui dont ils rêvent sans faire l’apologie du terrorisme et sans être homophobe et raciste. Voilà notre chemin de crête, celui qui nous permettra de défendre nos positions avec force et vigueur. Pour cela, la condamnation des propos abjects de Mehdi Meklat doit être totale. De la même manière, les amalgames odieux et les procès en intention intenté depuis près d’une semaine à l’encontre de tous ceux qui essayent au quotidien de lutter sincèrement et sans racisme aucun contre les discriminations nombreuses qui ont cours dans notre pays.
La morale de Martin Eden nous livre, à mon sens, la conviction philosophique la plus profonde de Jack London : l’individu ne peut l’emporter face à la société. Les romans, comme l’écrivait Camus, ne sont que des philosophies mises en image. De la même manière qu’Icare nous apprenait que l’individu seul et n’écoutant pas les conseils courrait droit à la chute, Martin Eden nous montre que l’individu pris de manière isolée perd toujours contre la société. Sans doute est-ce ce qui est en train d’arriver à Mehdi Meklat. Tel un Julien Sorel des temps modernes il est monté haut avant de s’écrouler, condamné avant même son procès mais condamné parce qu’il a commis de multiples fautes. En regard de cela, il nous faut méditer les différents ouvrages cités au fil de ce papier pour ne jamais oublier que la victoire ne saurait être que collective. Dans le cas contraire, nous sommes voués à l’échec. Condamnons les discriminations, toutes les discriminations ou sinon nous sommes perdus.