Réponse à Sophie Taïeb

Jeudi dernier j’étais invité sur France 2 pour interpeller le Président de la République. Il me semble que l’échange, bien que franc, fut à la fois cordial et courtois. Dès jeudi soir un article s’interrogeant sur mon antisémitisme était publié et relayé. D’autres ont suivi vendredi, émanant de sites plus ou moins partiaux – la palme revenant au site dreuz.info qui a publié une fausse photo et de fausses déclarations de moi. Sophie Taïeb a également publié un billet de blog à ce propos sur le site du CRIF (Conseil Représentatif des Institutions Juives de France) m’accusant d’être obsédé par les juifs et d’être antisémite. Ce billet de blog, largement commenté sur les réseaux sociaux, m’incite à répondre. Si je n’ai pas répondu aux tweets me mentionnant ou à ce billet de blog avant aujourd’hui, c’est parce que je ne voulais pas répondre de manière hâtive et non réfléchie. Quel aurait été, en effet, l’intérêt de rajouter de la fureur à la fureur, du vacarme au vacarme et de la tension à la tension ? Malheureusement, les débats sur les réseaux sociaux ont dépassé le simple cadre de ma personne et répondre de manière précipitée n’aurait fait que participer à la fracturation de la société française, ce que je combats.

« Non si Amedy Coulibaly voulaient réellement tuer parce qu’ils étaient juifs ils les auraient tous tués c’est tout ». Voilà le tweet incriminé. Celui-ci était une réponse à un tweet de Monsieur Posternak qui écrivait « Un policier musulman a été tué par ce qu’il était policier, 4 otages ont été tué parce qu’ils étaient juifs c’est tout ». Par ma réponse je voulais exprimer le fait que l’acte d’Amedy Coulibaly, ainsi que de tous les terroristes qui ont frappé la France durant la sombre année 2015, était éminemment politique. Ce que je voulais dire c’est que si Amedy Coulibaly avait pour seul but de tuer des juifs il aurait tué tous les otages. Evidemment Amedy Coulibaly a attaqué un lieu de la communauté juive, ce qui n’est absolument pas un hasard et à mon sens son but n’était pas seulement de tuer des personnes de confession juive. Selon moi, le but profond de Daech est politique : vouloir fracturer la société française. Cette conviction, je l’ai réaffirmé au lendemain des attentats de Paris du 13 novembre dernier dans un article où j’ajoutais que seuls les Français étaient capables de lui donner cette victoire. L’épisode que nous vivons actuellement tend à le démontrer : la majorité des personnes qui ont relayé ou réagi à l’article de Sophie Taïeb sont, il me semble, françaises tout comme je le suis et nous assistons à une division à petite échelle. Je regrette profondément la formulation maladroite de ce tweet et présente mes excuses à toutes les personnes que j’ai pu heurter, en particulier aux familles  et proches des quatre victimes.

Sur son billet de blog, Sophie Taïeb va pourtant plus loin que ce simple tweet et affirme que « [je vois] des « sionistes » partout. Que [mon] obsession des juifs et d’Israël font de [moi] tout sauf un « étudiant normal » ». Pour illustrer ses propos elle publie des captures d’écrans de sept autres de mes tweet, qui évoquent la politique israélienne et en aucun cas les juifs. En prenant en compte le fait que mon compte twitter affiche plus de 12 000 tweets et en reprenant ces sept tweet puis celui sur Amedy Coulibaly, nous arrivons à une proportion de 0,07% de tweets parlant d’Israël ou des juifs. Je ne pense pas que l’on puisse parler d’une obsession.

Pour étayer son propos, Sophie Taïeb cite également un article de mon blog en laissant sous-entendre que je n’écrirais que sur ce sujet. Là encore, l’étude est partielle et partiale puisque sur 119 articles seuls trois peuvent être rattachés à Israël. Sophie Taïeb utilise l’extrait pour m’accuser de négationnisme, ce que je réfute de la manière la plus absolue qui soit. L’article cité est une réflexion sur la liberté d’expression et comporte, en effet, une partie sur la loi Gayssot qui est, à mon sens, néfaste car elle concourt à particulariser un génocide et peut générer un sentiment de deux poids deux mesures dans l’esprit de certain. Aussi cette loi concourt-elle, à mon sens, à la stigmatisation des juifs et permet à certaines personnes de développer des discours complotistes. Dans l’article en question je m’interroge et donne deux pistes, qui me semblent, être porteuses d’amélioration sans trancher définitivement : revenir sur la loi Gayssot ou la généraliser à l’ensemble des génocides. Je laisse chacun aller lire l’article dans son ensemble pour se faire une idée.

Un autre de mes articles a également été brandi comme une preuve de mon antisémitisme. Celui-ci est une critique de la politique menée par l’Etat d’Israël et à aucun moment de cet article je n’ai assimilé la politique israélienne à la totalité des personnes de confession juive. Ma critique est uniquement politique et je ne fais aucun lien avec la religion. Lorsque j’évoque la politique de Benyamin Netanyahu – et que je la critique sévèrement – il n’est nullement question d’attaquer la foi des personnes ou la communauté juive. Le terme de sionisme est utilisé dans ces articles non pas dans son sens premier – ce que je reconnais – mais dans le sens où il est utilisé aujourd’hui à savoir une politique affirmant que l’Etat d’Israël devrait occuper tout le territoire. Je n’ai jamais appelé à la destruction de l’Etat d’Israël ou à quelque chose de similaire.

Un troisième de mes articles, enfin, a aussi été partagé sur les réseaux sociaux avec le but de mieux démontrer mon supposé antisémitisme. Il s’agit de l’article Hitler n’était pas fou que j’ai effectivement écrit et qui est une critique littéraire – bonne ou mauvaise là n’est pas la question – de La Part de l’autre d’Éric Emmanuel Schmitt et en aucun cas une apologie d’Adolf Hitler ou du nazisme.

Je tiens mon blog depuis juillet dernier et j’ai commencé à écrire en janvier 2015. A l’heure actuelle, 119 articles y sont publiés. Si je tiens ce blog c’est avant tout pour créer des ponts et participer, à ma modeste échelle, à la cohésion de la société comme au moment de la polémique de Tel Aviv sur Seine par exemple. En bref si je tiens ce blog c’est pour tenter de faire société à l’heure où les forces centrifuges se renforcent et où la société française est guettée par la division et la fracture. Je suis intimement persuadé que la France est capable de garder raison et de se remémorer les mots du grand Jaurès pour éviter de sombrer dans la division et l’affrontement : « Le courage, c’est de chercher la vérité et de la dire ; c’est de ne pas subir la loi du mensonge triomphant qui passe, et de ne pas faire écho, de notre âme, de notre bouche et de nos mains aux applaudissements imbéciles et aux huées fanatiques ». C’est pourquoi je veux aujourd’hui tendre la main à Sophie Taïeb et au CRIF afin d’avoir un échange constructif.

3 commentaires sur “Réponse à Sophie Taïeb

  1. BRAVO !!! Excellent, vous faites montre d’intelligence, d’ouverture et compassion. N’oubliez pas « Les hommes sont tous frères » quand on SAIT prendre de la hauteur. Et vous savez prendre de la hauteur !!! Je suis fière de vous. Bien à vous.

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  2. Quand on écrit un article avec les mots « Hitler, juif, musulman » et plein d’autres, il est clair qu’on n’est souvent pas lus, mais seulement lynchés. On a souvent du mal avec la demi-mesure je trouve. Difficile de répondre quand on nous demande « T’es pour ou t’es contre ? », quel que soit le sujet.

    Vous avez eu pleinement raison de prendre le temps de votre réponse. On écrit toujours des bêtises qu’on regrette quand on se dépêche. Et surtout : il faut laisser le temps à la réflexion.

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